Energies renouvelables : une ferme solaire perchée dans les nuages
Au sol, un capteur solaire bénéficie d'un ensoleillement moyen de 1000 KWh/an/m2. Mais sur la terre ferme, les contraintes se multiplient : occupation du foncier voire grignotage des terres arables, poussière, nuages qui voilent l'ensoleillement... rendent la production d'énergie plus aléatoire et variable.
Afin de dépasser ces problématiques et d'optimiser les rendements, Jean-François Guillemoles, Directeur de Recherche au CNRS et directeur du laboratoire franco-japonais NextPV (Laboratoire International Associé (LIA) entre le CNRS et l'Université de Tokyo) propose d'utiliser l'espace aérien pour l'implantation de fermes solaires.
« L'objectif est de capter le soleil à 6 km d'altitude, grâce à des ballons équipés de capteurs solaires. A cette altitude, ils pourront profiter d'un meilleur ensoleillement sans subir l'ombre d'un nuage », nous explique Jean-François Guillemoles.
Les ballons d'une dizaine de mètres, fabriqués à partir de matériaux polymères, seraient reliés à la terre ferme par un simple fil. « Cette solution permettrait donc une faible emprise au sol et un moindre impact visuel pour les habitants. De plus, cette solution serait rapide à installer – et à désinstaller – et mobile, pour s'adapter aux besoins d'autres populations dans certains zones en Afrique, en Asie ou en Inde, qui n'ont pas ou peu d'accès à l'énergie », souligne M. Guillemoles.
Proposer une solution de stockage
Côté rendement, « la ressource énergétique est 5 fois plus abondante qu’au sol, en prenant en compte un capteur avec tracking en altitude (1200 W/m2 x 4380 h/an soit 5,25 MWh/an/m2) à n'importe quelle latitude », selon le CNRS.
Mais sans prototype, difficile de chiffrer exactement les gains. « Placés à 6 km d'altitude, ces ballons bénéficieraient d'au moins 20 % de lumière en plus avec un temps d'utilisation beaucoup plus intéressant. On pourrait par exemple les utiliser 12 heures par jour, plutôt que 4 h en moyenne sur des installations classiques au sol. Le rendement pourrait en être grandement amélioré, de l'ordre de 20 % de mieux voire plus », estime Jean-François Guillemoles.
L'autre intérêt de son projet est de proposer une solution de stockage des énergies renouvelables. Le jour, le courant produit serait utilisé par une pile à combustible pour décomposer de l'eau et la transformer en hydrogène, destiné à maintenir les ballons en l'air. De nuit, l'hydrogène serait récupéré en partie par la pile et produirait alors de l'électricité et de l'eau, en réaction avec l'oxygène.
Des contraintes techniques et réglementaires à surmonter
L'idée de ce chercheur du CNRS s'inspire de plusieurs autres projets, plus ou moins aboutis, utilisant des aéronefs stratosphériques pour les télécommunications ou les transports.
« Thalès a lancé son projet Stratobus (une plateforme multimission, destinée entre autres à la surveillance civile et militaire ou à la gestion des risques environnementaux, ndlr.) et Google le projet Loon (pour développer l’accès à l’Internet dans les zones reculées,ndlr) », cite par exemple M. Guillemoles. « Un projet de la JAXA (l'Agence Spatiale Japonaise) avait également pour ambition d'utiliser des ballons, afin de rétablir les communications en cas de séisme », précise-t-il.
Mais le principal problème de ces solutions reste les contraintes techniques et réglementaires. « Ce projet pose forcément question car rien n'existe encore. Nous savons par exemple qu'il est possible d'implanter des fermes solaires jusqu'à 5-6 km d'altitude, en dessous des routes aériennes. Mais il faudra bien sûr trouver des lieux d'implantation, signaler les ballons avec des LEDs, s'adapter à la législation de chaque pays... Cela peut aussi générer des conflits d'usage du ciel, notamment avec les aéroclubs », précise J.F Guillemoles.
D'autre part, « est-ce qu'on peut mettre de l'hydrogène dans ces ballons et comment ? Avec qui discuter pour réaliser ce projet ? Les riverains trouveront-ils ces fermes suffisamment intégrées et esthétiques ? », s'interroge le chercheur, qui rêve de voir ce projet se réaliser rapidement.
Pour le moment, l'heure est au montage des dossiers et à la recherche de partenariats technologiques et économiques pour espérer monter un premier prototype « dans les un an et demi, deux ans, si le financement est là », dans l'une des zones tests déjà identifiées en France.
Claire Thibault
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