Action Cœur de Ville : la sobriété foncière pour un développement urbain « intelligent »
En introduction de l’atelier-débat, Rollon Mouchel-Blaisot a rappelé l’intérêt du programme Action Cœur de Ville, une initiative née « fin 2017, début 2018, à un moment où pendant des décennies, nous avons trouvé pertinent d’éloigner de plus en plus les habitants des centres-villes et des villes principales, de les éloigner des services, des commerces, des activités ».
« Ça a été un mouvement de très grand étalement urbain, d’artificialisation des sols et d’anarchies commerciales périphériques ». « Nos villes moyennes étaient complètement sorties des radars des politiques publiques », contribuant à créer « un sentiment d’abandon, de désespérance ».
Action Cœur de ville a contribué à dire : « Nous croyons au fait que ces villes moyennes qui jouent un rôle irremplaçable de centralité sont une chance pour le développement économique et social (…), sans parler bien sûr des questions d’inclusion, de patrimoine et d’aménagement du territoire ». « C’est en investissant prioritairement dans la revitalisation du cœur de ville qu’on va redynamiser l’ensemble ». « Il fallait stopper ce mouvement où de manière un peu subie, mais parfois un peu complice, on laissait se dépérir nos centres-villes », a-t-il poursuivi.
Faire revenir les habitants
La revitalisation souhaitée vise à « faire venir ou faire revenir des habitants de toutes les générations et catégories sociales ». A rendre toute son attractivité aux villes moyennes via des commerces, des services, des activités. Et à donner aux élus et aux préfets le pouvoir de suspendre des nouveaux projets qui contribueraient à l’étalement urbain ou menaceraient l’équilibre du programme. Des objectifs parfois rendus « un peu compliquésparce que c’est plus simple d’artificialiser un hectare, de mettre quelques pavillons, et un rond-point pas loin… », a souligné Rollon Mouchel-Blaisot.
Il a rappelé que les 222 villes du programme avaient été choisies pour le rôle « irremplaçable » de centralité qu’elles exerçaient sur leur territoire. « Nous avons des villes inférieures à 20 000 habitants, et on va jusqu’à 135 000 habitants ». « Dans ces 222 villes, nous avons 400 000 logements vacants, tous ne sont pas propres à revenir des maisons ou des appartements attractifs, beaucoup sont insalubres. Il n’empêche qu’il y a un chantier énorme de rénovation des logements pour proposer une offre de logements qui correspondent aux aspirations contemporaines pour pouvoir habiter en ville ».
Le logement ne peut pas être traité de façon isolée, a-t-il insisté. Le commerce, la mobilité, l’implantation des services et des activités économiques, la participation citoyenne et la transition écologique, doivent également faire l’objet d’une attention particulière. A la question, doit-on rénover ou construire ? Le Préfet a estimé qu’il ne fallait pas les opposer, notamment lorsque la construction se fait en ville. « Si on veut arrêter l’étalement urbain, et si les collectivités et agglomérations sont prêtes à s’engager contractuellement avec l’État sur une trajectoire vers le « zéro artificialisation nette », dans ce cas-là, je trouverais logique qu’on massifie les aides à la rénovation, et qu’on leur donne des aides à la construction en ville ».
Des ORT vertes
Pour aller « plus loin » Rollon Mouchel-Blaisot a expliqué qu’il a été proposé aux villes et aux agglomérations « Action Cœur de Ville », une stratégie de développement urbain « intelligent » qui s’appuie sur la sobriété foncière. L’initiative, portée par le Plan urbanisme construction architecture (PUCA), l’Agence nationale de la cohésion des territoires et la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature, vise à identifier des villes qui pourraient devenir de véritables démonstrateurs du « Zéro artificialisation nette » en leur fournissant un soutien durable en matière d’ingénierie et d’expertise. Les retours d’expérience permettraient d’alimenter les travaux en matière de lutte contre l’étalement urbain, notamment par la création d’opérations de revitalisation du territoire (ORT) vertes.
Pour rappel, Action Cœur de Ville donne au maire la responsabilité de son projet. Il peut en effet animer le comité de pilotage où est représenté le préfet, les services et les opérateurs de l’État, les financeurs du programme, et toutes les parties prenantes associées. Une rencontre nationale réunissant tous les maires engagés est organisée chaque année. Ce qui est demandé aux 222 maires, c'est de traiter chacun des sujets clés avec cohérence, et de prendre en compte tous les aspects qui pourraient redonner son attractivité aux centres-villes. Il s’agit par exemple de penser à la mobilité. Se référant à « l’accès au réseau national et européen », Rollon Mouchel-Blaisot a indiqué : « la question de la desserte est très importante ».
Une transition en cours
Depuis son lancement, le programme Action Cœur de Ville a engagé 2,1 mds d’euros sur les 5 mds prévus. « Il y a un mouvement qui est extrêmement rapide, un changement de paradigme ». « Action cœur de ville a précédé toutes les crises », et la pandémie n’a été qu’un « accélérateur d’une prise de conscience généralisée », a-t-il estimé. « On peut habiter ailleurs, concilier travail et vie personnelle ailleurs ». Habiter une ville « plus naturelle, plus résiliente, plus inclusive et ça suppose qu’on conçoive des appartements et des maisons qui correspondent aux aspirations des gens. Il nous faut réinventer une forme de densité qui concilie le collectif et l’individuel, et des habitations plus lumineuses et ouvertes ». « C’est un défi architectural », a-t-il souligné.
Il n’est bien sûr pas question de développer les villes moyennes au détriment du reste du territoire. « Tout cela forme un tout, un avantage pour notre pays, à condition de savoir utiliser les potentialités des uns et des autres ». « Nous sommes dans une stratégie de consolidation de la démographie » et de l’attractivité des 222 villes. Parmi les projets engagés, le déploiement d’outils de formation professionnalisante. Le Préfet a révélé que dans les 222 villes « Action Cœur de Ville », « il y a 430 000 étudiants dont les résultats aux examens sont proportionnellement supérieurs à la moyenne nationale. Le développement de l’enseignement supérieur et de la formation qui crée en plus un écosystème entrepreneurial, est extrêmement important ».
Le plan de relance va-t-il soutenir les actions engagées ? La réponse est oui, puisqu’il dégage des moyens supplémentaires. « Des centaines de projets d’investissement sont prêts à démarrer ».
Le 1er mars prochain, un bilan des opérations menées dans le cadre du programme Action Cœur de Ville sera publié.
Rose Colombel
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