Sursaut en vue pour la construction et les matériaux ?
La situation politique du pays, plus qu’incertaine depuis de nombreux mois, ne rend pas les choses faciles pour le secteur du BTP. Un retour vers la stabilité politique est plus que jamais décisif pour l’économie française. Le budget, dont le vote en première lecture aura lieu le 23 janvier, conditionne notamment la mise en place des mesures de soutien, dont certaines sont cruciales pour le secteur du logement et du bâtiment.
C’est dans ce contexte difficile que l’Union nationale des Industries de Carrières et Matériaux de construction (UNICEM) présente sa dernière lettre mensuelle de conjoncture. Le document dresse un bilan des mois précédents et présente les tendances qui se dessinent pour les matériaux de construction issus de l’industrie minérale (granulats, béton prêt à l’emploi, etc.).
Un mois de novembre en redressement
En s’intéressant dans un premier temps à l’activité des matériaux, celle-ci aurait légèrement progressé par rapport à octobre, après le redressement déjà observé en septembre.
Ainsi, côté granulats, la production enregistrerait une hausse de +4,5 % sur un mois et de +7,1 % par rapport à il y a un an - le mois de novembre ayant été particulièrement mal orienté. Sur les trois derniers mois, l’activité se stabilise (-0,3 % par rapport au trimestre précédent). Cependant, en cumul sur les onze mois de 2024, la production reste en recul de -4,5 % sur un an.
Concernant le béton prêt à l’emploi (BPE), les livraisons de novembre ont progressé de +1,9 % par rapport à octobre, mais restent inférieures de -3,6 % par rapport à novembre 2023. Sur le trimestre, la production recule de -2,9 % par rapport aux trois mois précédents et de -8,5 % sur un an. En cumul annuel, l’activité du BPE chute de -11,8 % sur un an.
L’indicateur matériaux tend à confirmer la modération des rythmes de recul de l’activité. L’indice d’octobre à 84,9 progresse de +1,5 % sur un mois, mais reste en baisse de -1,9 % sur un an. Sur trois mois, l’indicateur augmente de près de 2 % par rapport au trimestre précédent, bien qu’il demeure en repli de -3 % sur un an. En cumul sur dix mois, le recul atteint -7,4 %, marquant toutefois une nette modération par rapport à un début d’année difficile (-15,5 %).
Dans ce climat morose, de maigres motifs d’espoir pour le bâtiment
Interrogés par l’INSEE en décembre, les professionnels du bâtiment font grise mine. Le climat actuel n’est pas pour les rassurer, et leur opinion sur l’activité passée et à venir continue de se détériorer, se situant désormais bien en-deçà de leur moyenne de long terme.
Dans le gros œuvre, le jugement des professionnels sur leurs carnets est particulièrement dégradé, tandis que le volume des commandes en mois oscille autour de 8,6 mois depuis cet été. Un niveau qui reste relativement élevé au regard de la moyenne à long terme (6,5 mois).
Sans surprise, c’est dans le secteur du logement neuf que les entreprises se montrent les plus inquiètes quant à leur activité future, le solde d’opinion se situant à ses plus bas niveaux depuis 2015 (hors Covid). Compréhensible au regard des derniers chiffres du ministère sur la construction, qui traduisent une situation inquiétante : de septembre à novembre, les mises en chantier de logements reculaient encore de -8,6 % par rapport au trimestre précédent, laissant le glissement sur un an à -9,6 %.
Quant au secteur non résidentiel, le constat n’est pas meilleur. Le nombre de locaux mis en chantier baissait de -17,3 % sur le même trimestre sur un an, laissant le cumul des douze derniers mois à -12,6 %, pour un total de 19,98 millions de m².
Les rythmes de recul tendent malgré tout à se modérer, notamment s’agissant des permis. Ainsi, les autorisations de logements se redressent de +1 % entre le trimestre septembre-novembre et les trois mois précédents, laissant leur niveau 9,5 % en-dessous de celui d’il y a un an. Avec 330 900 unités en cumul annuel à fin novembre, les permis restent en repli de -11,9 % sur un an, un rythme deux fois moins élevé qu’il y a un an (-25,7 %).
Mais ces inflexions ne sont pas pour autant synonymes de reprise. Quelques indicateurs suggèrent cependant que le creux de la vague est passé : selon l’Observatoire du crédit logement, la production de crédits à l'habitat se redresse, notamment dans le neuf. Le ralentissement de l’inflation, des prix immobiliers et des taux d’intérêt (3,37 % en novembre contre 4,2 % fin 2023), couplé à une offre bancaire plus dynamique, ont ainsi contribué à raviver les intentions d’achat immobilier des ménages.
Novembre comme meilleur mois de 2024 pour les TP
Enfin, du côté des travaux publics, l’activité du secteur a enregistré en novembre son meilleur mois de l’année 2024, d’après le dernier bulletin mensuel publié par la FNTP. Les travaux réalisés ont ainsi progressé pour le deuxième mois consécutif (+2,2 % sur un mois et +9,5 % sur un an, données en volume, CSV-CIO) portant la hausse de l’activité à +3 % en cumul sur onze mois glissants.
Même si cette croissance concerne la majorité des spécialités, elle reste inégale selon les territoires et surtout, elle est moins dynamique que ce qu’elle devrait être à un an des échéances électorales. La FNTP pointe les effets du climat d’incertitude politique et l’absence de lisibilité budgétaire, propices à l’attentisme des acteurs publics et privés, plus frileux à investir.
Jérémy Leduc
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