Matériaux de construction : entre points bas et inflexions (Unicem)
Décrivant sa filière dans la tourmente dans sa conjoncture de fin novembre, l’Union nationale des industries de carrières et de matériaux de construction (Unicem) évoque sans surprise une tendance encore baissière en décembre. Il suffit de regarder l’indice matériaux, qui s'appuie sur les chiffres de l’Insee.
« On a des éléments jusqu'à la fin du troisième trimestre, jusqu'à fin septembre. On devrait, sur les 9 premiers mois de l'année, enregistrer un repli de 8 %. C'est un peu moins que ce qu'on a observé en 2023, année durant lasquelle la baisse avait atteint quasiment -10 % », nuance Carole Deneuve, cheffe du Service économique et statistique de l’Unicem.
Elle indique également une « inflexion » de cette baisse au cours du T3 2024, avec un repli de 5 % par rapport à un an plus tôt, « alors qu'il y a encore quelques mois, nous étions sur des rythmes beaucoup plus appuyés, de l'ordre de moins 15 % », souligne l’experte. « Quand on prend cet indicateur et qu'on compare les trois derniers mois par rapport aux trois mois précédents, on est sur un redressement, puisqu'on a observé une hausse de 1,7 % par rapport au deuxième trimestre », poursuit-elle.
Les tuiles et briques particulièrement mal loties
Les tendances varient cependant selon les matériaux, « avec les plus mal lotis, les tuiles et briques, qui restent encore au niveau historiquement bas », chutant de 25 % à septembre 2024 sur 12 mois glissants, expose Carole Deneuve. Le béton prêt à l’emploi (BPE) est un peu au-desus, tombant de 15 %, tandis que le déclin des granulats se maintient à -5 %.
« En moyenne, ces matériaux se situent sur une activité presque 17 % en-dessous des niveaux qu'ils avaient en 2021, puisque c'est la base de l'indice », compare la cheffe du Service économique et statistique de l’Unicem.
L'écart s’explique par la destination des ressources, entre « des tuiles et briques qui sont exclusivement destinées au secteur de la construction résidentielle [en crise]», et d'autres matériaux, comme le granulat, s'en sortant « un peu mieux grâce à l'activité du TP qui, elle, a été un tout petit peu plus moteur », décrypte Mme Deneuve.
La production de BPE et granulats redécolle ?
Si la baisse des mises en chantier et des transactions dans l'immobilier se répercute aussi sur l’activité des BPE et granulats, une inflexion de la tendance a été toutefois notée sur les trois derniers mois.
L’activité « a fini de s’enfoncer », passant même dans le vert mois par mois, à partir de septembre. Le niveau se maintient ainsi autour de +3 % pour les granulats à octobre 2024, d’après les chiffres provisoires.
Par contre, pour ce qui est du BPE, « on est bien évidemment encore très en-deçà, sur des niveaux de l'ordre de moins de 10 % », entre le T3 2023 et le T3 2024, note Carole Deneuve.
L’Île-de-France impactée par la trêve olympique
Lorsque l’on analyse par territoire, toutes les régions affichent un solde de production négatif à fin septembre, respectivement de 12,5 % pour le BPE et de 5,7 % pour les granulats.
« Certains territoires sont en forte contraction. C'est le cas notamment de l'Île de la Réunion, où les replis sont à deux chiffres, même au-delà de 20 % », insiste Carole Deneuve.
L’Île-de-France connaît aussi une baisse drastique d’activité, de 21 % pour le BPE et de 15 % côté granulats. La zone francilienne « a sûrement accusé la fin de certains chantiers du Grand Paris, mais aussi l'impact des Jeux olympiques. Notre pression serait située entre 3 et 5 % au niveau national et sur Paris, de façon beaucoup plus importante », commente Alain Plantier, président de l’Unicem.
Un contexte économique plus apaisé, contre un climat politique plus incertain
Parlons également du contexte économique, entre flambée des prix - sur fond de reprise post-pandémie et conflits géopolitiques -, hausses des taux d’intérêt, inflation étouffante pour le pouvoir d’achat des ménages. Or, les perspectives 2025 de l’Unicem s’inscrivent dans l’optimisme, avec des signes « encourageants » : assouplissement des conditions de crédits, activité TP mieux orientée, et même modération des tendances baissières sur les marchés immobiliers du neuf.
Sans compter la désinflation amorcée cette année, qui - le syndicat l’espère - devrait se poursuivre. Certaines mesures du gouvernement Barnier, comme l’élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) pour l’achat dans neuf, devait même soutenir la tendance. La motion de censure votée et la démission du Premier ministre ont cependant mis en pause le projet, faisant planer un nouveau vent d'incertitude sur le secteur de la construction.
Le perspectives positives de l’Unicem restent donc « des hypothèses qu'il faut prendre avec des pincettes. On reste néanmoins confiants sur le fait qu'on passerait sur un plateau et qu'on serait au début d'une inversion. Mais il est évident qu'en fonction des évolutions, cela pourrait se traduire par des baisses importantes. Nous ne souhaitons pas prendre cette hypothèse pour l'instant », conclut son président.
Virginie Kroun
Photo de Une : ©Unicem