Reconstruire Mayotte : la loi d’urgence adoptée par les députés
D’abord validée en commission, la loi d’urgence pour reconstruire Mayotte, a été adoptée à l’Assemblée nationale, avec 446 voix pour, et seulement deux contre. Le texte propose tout un attirail de solutions pour, à court-terme, panser les plaies de l’archipel ultramarin ravagé par le cyclone Chido.
Il doit ainsi « permettre la mise en œuvre très rapide de mesures urgentes pour faciliter l'hébergement et l'accompagnement de la population », avait exposé Manuel Valls, ministre des Outre-mer, à l’ouverture des débats.
Impliquer davantage les entreprises mahoraises dans les chantiers
Dans le détail, le projet législatif prévoit une dérogation aux règles d’urbanisme pendant deux ans, comme des mesures financières et sociales.
Par exemple, dans le but d’encourager les dons des particuliers à la reconstruction du département mahorais, le montant maximal de dons éligible à une réduction fiscale majorée à 75 % a été relevée de 1 000 à 3 000 euros.
Des amendements visent à soutenir la participation des entreprises locales mahoraises dans ce chantier de reconstruction. Un tiers des marchés publics devrait être réservé aux PME locales. Dans une interview, l’architecte Hubert Philouze nous évoquait une présence des majors des BTP sur le territoire et la nécessité de former davantage de main d’oeuvre, pour reconstruire l’archipel à plus long terme. D’ailleurs, dans ce sens, la loi d’urgence sera complétée par une loi programme en mars.
« Malgré les imperfections, l'aveuglement et la déconnexion apparente, nous ne pouvons pas rester les bras croisés devant le drame humain qui affecte Mayotte », a déclaré Anchya Bamana, députée (RN), de la seconde circonscription de Mayotte, en déplorant l’absence de mesure sur l’immigration dans la loi d’urgence, alors que le sujet doit être abordé dans la loi programme. Les députés de droite et d’extrême-droite ont déposé des amendements sur ce sujet, mais qui ont été rejetés, jugés hors sujet en vertu de l'article 45 de la Constitution.
Les députés écologistes ont été pour leur part ulcérés par des mesures, dont la vente de tôle contre présentation d’un justificatif d'identité et d’un justificatif de domicile, confirmant la volonté du gouvernement à empêcher la reconstruction de bidonvilles. Voulant au départ voter pour la loi d’urgence, ce groupe a fini par s’abstenir, compte tenu de ces « scories inspirées par les obsessions xénophobes de l'extrême droite », indique la députée écologiste Dominique Voynet.
La mesure d’expropriation supprimée à l’Assemblée
C’est une des mesures du projet de loi d’urgence : faciliter l’expropriation d'emprises foncières à Mayotte, afin de débloquer des chantiers d’aménagement et de relogement.
La suppression de l’article a été validée, le 21 janvier, par la quasi-unanimité des députés (166 voix pour, une seule contre et 45 abstentions). Une décision saluée par Estelle Youssouffa, rapporteure et la députée (Liot) la 1ère circonscription du département.
Selon l’élue, « cela fait plusieurs décennies que l'État essaie de mettre la main sur le foncier » dans l'archipel, et « le but de cet article était vraiment de pouvoir exproprier à Mayotte pour construire n'importe quoi et mener à bien des projets qui n'ont rien à voir avec le cyclone ».
Manuel Valls s’est défendu de ces déclarations, et a estimé cette disposition nécessaire pour répondre aux spécificités locales, rendant « quasi impossible » l’identification des propriétaires de certains terrains.
« Beaucoup de Mahorais ont poursuivi les transmissions informelles de biens de façon tout à fait légale mais intraçable pour les pouvoirs publics », a soutenu le ministre. D’autant que le gouvernement n’entend pas « exproprier ou occuper les terrains sans indemniser », mais empêcher d’ « être bloqué par l'identification définitive des propriétaires qui peut demander plusieurs années avant de pouvoir lancer des opérations ».
Après cette adoption par les députés, la loi d’urgence doit être examinée en séance publique au Sénat le 3 février.
Virginie Kroun (avec AFP)
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