Appel d'offre douteux sur le plus grand chantier TP de France
Le projet de nouvelle route du Littoral (NRL) à la Réunion fait des vagues. Alors que le groupement Vinci-Bouygues a été retenu pour les deux principaux lots de ce chantier colossal, Eiffage a déposé un recours au tribunal administratif de Saint-Denis. Selon le groupe de BTP, ses deux concurrents Vinci et Bouygues se seraient « alliés pour remporter le marché et au final il n’y a eu que deux candidatures ».
Outre cette situation « anti concurrentielle », Eiffage dénonce un examen des offres par l’adjudicateur peu approfondi et une insuffisance des motivations du rejet de sa propre candidature. Les associations contre le projet NRL et les élus de l’opposition de l’Alliance ont eux aussi fait part de leurs doutes sur le déroulement de l’appel d’offres.
La Région contre vents et marées
C’est que la Région est très pressée sur ce dossier. Contre vents et marées, elle avance. Malgré les avis négatifs du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN). Malgré des coûts susceptibles d’exploser, avec un budget initial déjà énorme : 1,66 milliard d’euros. Et enfin, malgré une disponibilité des ressources (sable et granulats) insuffisante sur l’île.
L’accord de la police de l’eau et l’autorisation d’utilisation du domaine public maritime n’auraient été « que de simples formalités administratives ». Tous les accords de financements au niveau régional, national et européen ont été finalisés. Le 15 octobre dernier, le groupe d’ingénierie Egis a remis son analyse des offres à la Région. Les deux principaux lots - pour 1,2 milliard d’euros de travaux - ont été attribués au groupement Bouygues/Vinci.
3 heures pour lire 400 pages
Mais les membres de l’Alliance à la commission d’appel d’offres n’auraient pas eu accès au dossier avant la séance. Ils n’auraient bénéficié que de trois heures pour examiner le rapport d’Egis constitué de deux analyses de 200 pages chacune. Enfin, aucune synthèse des travaux ne leur aurait été communiquée. La majorité régionale justifie cette procédure par la nécessité de protéger des secrets commerciaux.
« Le code des marchés publics dit que le groupement est autorisé sous réserve du respect des règles de la concurrence. La candidature n’est possible que dans cette situation. Il faut que le groupement soit justifié par des conditions techniques et économiques. Mais quand le numéro 1 et le numéro 2 du BTP s’associent, c’est ce genre d’exemple type qui n’est pas justifié par des considérations techniques », a déclaré Me Yann Aguila, l’avocat d’Eiffage.
Une histoire de timing
Les enjeux d’un tel marché ne sont pas que financiers. Eiffage qui a réalisé le viaduc de Saint-Paul, pour la route des Tamarins, compte sur ce lot pour garder la main sur les grandes réalisations réunionnaises et ainsi conserver ses employés.
La troisième entreprise de BTP de France dénonce par ailleurs une irrégularité dans la signature des contrats de marchés : l’attribution au consortium Vinci-Bouygues par la Région aurait été faite trois jours après l’envoi du recours de la société Eiffage.
Eiffage n’est pas exempt de tout reproche pour autant. L’entreprise de BTP aurait tardé à prévenir son adversaire du dépôt du recours. Conséquence, la Région a validé la passation du marché. Aujourd’hui, une marche arrière n’est pas impossible, mais compliquée.
Mise en délibéré, la décision sera rendue avant le 1er décembre.
Laurent Perrin (sources: economiematin.fr et presse locale)