ConnexionS'abonner
Fermer

Quelles solutions architecturales pour le confort d’été ?

Publié le 24 juin 2024

Partager : 

Délaissé jusque-là au profit du confort d’hiver, le confort d’été nous rappelle sa nécessité surtout quand il s’agit d’engendrer une architecture résiliente capable de lutter contre les îlots de chaleur urbains. Entre la conception bioclimatique, l’isolation avec des matériaux biosourcés ainsi que la sensibilisation des usagers, les réponses sont nombreuses et les procédés pluriels.
Quelles solutions architecturales pour le confort d’été ? - Batiweb

La question du confort d’été revient souvent surtout en cas de températures excessives. Il s’agit d’un enjeu crucial, afin de lutter contre le phénomène d’îlots de chaleur. L’architecture s’adapte aux températures élevées  et propose moult solutions qui garantissent à tous les habitants le confort en toute saison.

Le confort d'été dépend de plusieurs paramètres liés à la conception mais aussi à la gestion du bâtiment. Loïc Daubas, l’un des fondateurs de l’agence Belenfant Daubas établie à Nozay (44) déclare : «  À partir des années 1970 et jusqu’en 2003, on a complètement occulté le confort d’été. Aujourd’hui, 95 % des bâtiments sont isolés avec de la laine donc ils ne fonctionnent que la moitié de l’année. Cependant, le premier choc était en 2003, une canicule a interrogé tout le monde et a fait beaucoup de morts. Suite à cet épisode, l’État a mis en place une demande pour que les Ehpad soient dotés d’au moins une pièce rafraîchie. Le dérèglement climatique a renforcé ces questions des temps de chaleur qui sont devenus plus importants. S’est révélée ainsi la prise en compte du comportement du bâtiment à partir d’un facteur complètement différent car la question de l’isolation était jusque-là dans la capacité à garder les calories à l’intérieur du bâtiment, alors qu’actuellement, les professionnels devraient se débarrasser de ces calories en été pour éviter la surchauffe d’un bâtiment ».

Ainsi, l’épisode qui a changé, voire inversé la donne, va engendrer de nouvelles règles et dicter de comportements jusque-là orientés uniquement vers le confort d’hiver. Mais le confort d’été doit répondre à diverses problématiques et il dépend, à son tour, de plusieurs facteurs.  

 

Des matériaux adaptés  

 

La cause de la surchauffe des bâtiments dépend, entre autres, des matériaux utilisés. Nous savons tous qu’une bonne isolation d’hiver ne garantit pas une habitation confortable lors des périodes de grande chaleur. Quelques architectes évoquent l’isolation par l’extérieur qui est pratiquée dans plusieurs pays européens, tandis qu’en France, elle est peu utilisée, au détriment de l’isolation intérieure.

De nombreux spécialistes misent sur certains matériaux pour une meilleure isolation. Ils donnent l’exemple des murs de pierre épais des maisons traditionnelles provençales qui limitent les surchauffes en été, ou encore la brique isolante constituée de multiples alvéoles qui est utilisée pour une meilleure isolation.  

Lycée Charles Tillon à Rennes / Guinée*Potin  - ©Stéphane Chalmeau  

 

Une architecture bioclimatique 

 

L’architecture bioclimatique se base sur la sobriété énergétique, la concordance d’une réalisation avec son environnement et sa capacité à répondre aux divers procédés de développement durable. Une conception bioclimatique favorise les économies d’énergies et permet de réduire les dépenses de chauffage et de climatisation, tout en bénéficiant d’un cadre de vie agréable.

C’est pourquoi, dès la conception, une attention particulière est portée à l’orientation du bâtiment, au choix du terrain et à la construction même. Tandis qu’en hiver, le bâti optimise la captation de l’énergie solaire, la diffuse et la conserve. En été, il doit se protéger du rayonnement solaire et évacuer l’excès de chaleur. 

« Le bâti ancien était bioclimatique. On l’implantait en fonction de la pente, dans le sens du vent, selon les régions chaudes ou froides, pour des questions d’économies. On ne pouvait pas facilement chauffer, on essayait d’optimiser le coût. Cela fonctionnait bien et cela fonctionne toujours. Ce qui fait que le bâti ancien est adapté à la chaleur, avec des ouvertures ajustées à l’exposition solaire, les débords d’ouverture qui protègent de l’entrée du soleil, c’est le meilleur des dispositifs, mais toute la conception architecturale des cinquante dernières années était à l’inverse », souligne Marie-Jeanne Jouveau, qui précise par ailleurs cette nécessité pour que «  ces principes deviennent des éléments architecturaux qu’on intègre dans les conceptions et non pas des contraintes ».

Loïc Daubas précise de son côté : «  En corollaire de la canicule, a été mis en place un outil informatique de Simulation Thermique Dynamique (STD), qui évalue le comportement du bâtiment en été comme en hiver, en intégrant à la fois les apports solaires, mais aussi la question de l’inertie en positionnant des planchers et des parois avec inertie. De ce fait, on a pu voir le comportement du bâti alors qu’avant on fonctionnait selon le vécu. La STD nous a permis d’avoir quelque chose de plus quantifiable et donc de dimensionner les protections solaires, les apports solaires et même le volume en m3 des matériaux à inertie. C’était un élément majeur qui a conforté les conceptions bioclimatiques, et c’est ce qui permet encore aujourd’hui de bien anticiper. On peut avoir des précisions jour par jour et heure per heure des températures au-dessus de 28°C ».

Le métier a donc redécouvert un dispositif connu dans les bâtiments anciens via l’inertie. «  On connait tous la maison de la grand-mère où il faisait plus frais. Jusque-là, on avait la connaissance, mais elle n'était pas intégrée dans la construction contemporaine. Entre les STD, la canicule, les diverses réglementations, on est devenu plus attentifs et cela a impacté la manière d’écrire l’architecture. Les façades se sont épaissies, les brise-soleil et les loggias ont fait leur apparition. Dans notre geste, nous sommes allés au-delà de la compacité cubique pour parler un vocabulaire architectural compréhensible de tous ».

Cependant, concernant le confort d’été, il existe, selon plusieurs architectes, des conditions qu’il faut respecter. Pour Loïc Daubas : « il faut reprendre certains édifices qui ont été réalisés pour y stopper la chaleur de juin à août (avec une casquette par exemple). Les derniers étés qu’on a eus, il a fait très chaud en septembre. Nous nous sommes rendus compte que la protection solaire n’était pas suffisante. Il faut penser à un dispositif fixe. C’est de l’architecture certes, mais il faut prévoir ces corrections ». Ainsi, nous nous rendons compte qu’une architecture inadaptée est très difficile à faire évoluer pour répondre aux exigences du confort d’été.

Résidence Ginkgo à Grenoble / Petitdidierprioux architectes (PPX) - ©Sergio Grazia 

 

Une ventilation naturelle 

 

Ne datant pas d’hier et oubliée au profit des systèmes de rafraîchissement et de climatisation énergivores, la ventilation naturelle reste l’un des outils de la conception bioclimatique. En effet, la circulation d’air au sein d’un bâti permet de se débarrasser de l’humidité, de supprimer les mauvaises odeurs, mais aussi d’évacuer les divers polluants chimiques.

Une bonne ventilation permet de maintenir un taux bas en CO2. Un critère nécessaire pour des espaces intérieurs densément occupés comme les salles de classe ou les centres commerciaux. Outre le problème de la salubrité, la ventilation naturelle profite au confort d’été. Les architectes ont recours à plusieurs méthodes pour rafraîchir les bâtiments comme la ventilation traversante, la mono-orientée, ou encore la ventilation assistée et contrôlée.  

 

Encourager les comportements vertueux 

 

Le confort d’été passe aussi par les comportements vertueux des habitants. Le changement climatique induit une évolution des usages. À l’instar des régions méditerranéennes ou tropicales, les gens peuvent ajuster les horaires d’activité, mais le ressenti du confort étant changeant selon chaque usager, la solution architecturale qui en découle est forcément plurielle et croise la technique et l’implication des habitants.

Pour mieux répondre aux diverses problématiques du confort d’été, Loïc Daubas préconise une mission d’accompagnement des bâtiments une fois réalisés. Il s’agit d’une tâche à part qui peut être proposée par la maîtrise d’ouvrage ou bien les bureaux techniques, et qui vise à guider et pourquoi pas former certains usagers. 

 

Végétaliser les villes mais pas que… 

 

L’urbanisme minéral des villes actuelles, ponctuées de rues goudronnées et de peu de végétation, favorise l’accumulation de la chaleur. Les divers architectes que nous avons rencontrés préconisent un modèle d’aménagement qui s’adapte aux diverses perturbations météorologiques à travers le recours à des solutions urbaines favorables au confort d’été.

Les professionnels aimeraient avoir plus de reconsidération de la part des politiques chargées de l’urbanisme et de l’architecture concernant la végétalisation des villes et le retour de l’eau dans l’espace public.

Concernant la végétalisation des façades ou des terrasses, Marie-Jeanne Jouveau précise : «  ce qui est utile, c’est tout le cycle de l’eau, c’est-à-dire d’avoir suffisamment de pleine terre couverte par les végétaux, et plus l’herbe est haute mieux c’est, mais le végétal a besoin de terre et la terre est lourde ». 

Ce qui ne pourrait pas être toujours envisageable vu que ces solutions alourdissent la structure. Cependant, dans les villes, la différence entre une rue végétalisée et une autre très minérale est palpable. « On peut avoir dix degrés d’écart entre les deux, c’est pourquoi la végétalisation est avant tout un sujet d’adaptation de la ville », rajoute la gérante de Capla architecture.  

Si la végétalisation constitue l’un des moyens nécessaires pour lutter contre les îlots de chaleur en ville, d’autres propositions qui se basent encore une fois sur des techniques et pratiques ancestrales existent et il suffit parfois de les intégrer dans la réflexion de la fabrique de la ville. Donnons l’exemple des toits éclaircis (ou davantage réfléchissants), particulièrement ceux à faible pente (le rayonnement est renvoyé vers le ciel et non d'autres bâtiments).

Cela peut se pratiquer par une technique connue généralement par le « cool-roofing » avec une peinture claire spécifique, mais utilisée depuis très longtemps dans les pays du pourtour méditerranéen ainsi qu’en Amérique du Sud.

C’est ce qu’on appelle l’effet d’albédo, dont parle souvent l’ingénieur et architecte Raphaël Menard, qui a rejoint AREP fin 2018, où il interroge les évolutions climatiques des toits urbains, représentées dans son exposition Énergies légères, avec une vision de la canopée parisienne dans un futur proche. Il propose aussi quelques adaptations esthétiques (en réponse à l'adaptation au changement climatique) dans les transports, en estimant par exemple les économies potentielles de carburant avec des toits éclaircis sur les véhicules par la réduction du recours à la climatisation (et/ou des vitres ouvertes).

Groupe scolaire et ALSH à Brétigny-sur-Orge / Vallet de Martinis Architectes - ©Jeudi Wang

 

Exemples de réalisations vertueuses 

 

À Brétigny-sur-Orge, l’agence Vallet de Martinis a réalisé un groupe scolaire et ALSH (Accueil de Loisirs sans Hébergement) où coexistent trois volumes programmatiques. Conçue sur les bases du GIEC 2050, la réalisation met en avant les matériaux biosourcés et géosourcés.

Le projet consiste à déployer une structure poteau poutre en béton qui est complétée par une façade à ossature bois. L’ensemble est isolé en laine de bois et recouvert d’une double peau en brique de terre cuite qui a fait l’objet d’une Appréciation Technique d'Expérimentation (ATEx).

La brique de terre crue est présente à l’intérieur sur l’ensemble des séparatifs entre les salles de classe et la partie dédiée à la circulation. Les plafonds sont en fibre de bois et les sols souples en linoleum. La réalisation de Vallet de Martinis constitue un exemple vertueux qui se soucie du confort d’été.

À Rennes, les architectes de Guinée*Potin ont réalisé la restructuration et l’extension du Lycée Charles Tillon, un projet qui privilégie l’approche environnementale et adopte les grands principes d’une architecture bioclimatique. En effet, tenant compte des données climatiques du site, les architectes ont soigné l’orientation des espaces qui profitent ainsi d’une lumière homogène toute la journée.

De même, ils ont opté pour une forme compacte en béton et gabions, renforçant l’inertie thermique de l’extension. L’isolation a été renforcée et les ponts thermiques ont été supprimés à travers une isolation extérieure. L’utilisation du bois et du granit local ont été privilégiés. L’ensemble compose avec son environnement. C’est un exemple parfait d’une architecture bioclimatique.

Un autre exemple vertueux, celui de la résidence Ginkgo de l’agence Petitdidierprioux architectes (Cédric Petitdidier et Vincent Prioux) située au cœur de la ZAC de la Presqu’île à Grenoble, une réalisation qui concentre à elle-seule plusieurs procédés bioclimatiques, dont le confort d’été.

Et pour finir, mis à part les différentes actions pour encourager les architectes à penser leurs réalisations en accord avec le confort d’été, l’Ordre des Architectes met en avant une bande dessinée pédagogique, éditée par l'Institut pour la Conception Écoresponsable du Bâti (ICEB).

 

> Consulter le dossier spécial Confort d'été

 

Sipane Hoh 

Photo de Une : Lycée Charles Tillon à Rennes / Guinée*Potin  - ©Charles Boucheib  

Sur le même sujet

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.