London Bridge, quand l’âme de Londres se vend à l’Amérique
Une ville sans pont n’est pas une vraie ville
Mais revenons en Angleterre. À Londres, un certain Ivan F. Lucking proposa à la ville de lancer une campagne pour tenter de vendre le London Bridge. L’idée de cet homme était simple. Il pensa vraisemblablement que dans ce pays sans histoire que sont les Etats-Unis, il y aurait bien un riche excentrique pour acheter un aussi vieux pont. Aussi fut-il décidé, non pas de fixer un prix, mais de le mettre aux enchères. Le calcul était juste. McCulloch le milliardaire recherchait en effet un pont afin de franchir un canal qui restait à creuser afin d’améliorer l’écoulement des eaux dans le lac Havasu. Le London Bridge ne pouvait que l’intéresser. Avec son compère urbaniste Wood, ils évaluèrent alors le coût du démantèlement, du transport et de la reconstruction du London Bridge, à 1,2 million de dollars. Imaginant que ses concurrents feraient de même, ils ajoutèrent la somme de 1 000 dollars pour chaque année de vie de McCulloch. Et c’est ainsi que le milliardaire se présenta aux enchères avec une offre à environ 2,5 millions de dollars. Avant même que l’offre ne soit acceptée, un journal anglais titra : "Le pont de Londres tombe aux mains des Apaches. " Bien évidemment, l’offre de McCulloch fut retenue. En raison de son nom – très écossais – ou bien parce qu’il était le seul homme en lice ?
Toujours est-il qu’il fallut trois ans pour démanteler, transporter et reconstruire le pont dans le désert. La tâche fut néanmoins laborieuse et difficile. L’opération, supervisée par un ingénieur civil britannique, Robert Beresfort, fut menée à bien en trois ans. Une nouvelle structure en béton armé fut édifiée sur laquelle furent tout simplement plaqués les blocs de granit. Cette seule opération demanda tout de même un an et demi de travail. Bref, en 1971, le pont était inauguré, pour la deuxième fois de sa vie, au-dessus du canal tout neuf, creusé dans les sables du désert texan. Ce transfert du pont de Londres fut une opération ingénieuse qui permit aux habitants de ce bout terre surchauffé de s’approprier un peu d’une histoire qui, à défaut d’être la leur, était celle de leurs ancêtres. Et McCulloch d’avoir fait une bonne opération : il avait dans sa bonne ville de Lake Havasu l’un des plus fameux édifices de la capitale Britannique. On appelle aussi cela : le rêve américain.