Malpasset, un barrage catastrophique plein d’enseignements
Nuit tragique
C’est alors que dans la nuit du 2 décembre 1959, le drame survint. À la stupéfaction générale. Que s’était-il donc passé et quelles en étaient les causes réelles ? On a très vite compris que le béton de la voûte, son calcul ou sa réalisation, n’étaient pas responsables de l’accident. C’est le terrain de fondation qui avait lâché. Mais quid des raisons ?
Passés les mois de stupéfaction durant lesquels les ingénieurs furent mis au banc des accusés, on s’aperçut que la foliation du massif rocheux avait permis l’ouverture d'une faille rive gauche qui délimitait un bloc rocheux de grand volume. Un bloc qui d’un coup devait s’effondrer vers l’aval sous la poussée de l’eau de la retenue. Cette chute, facilitée par des phénomènes de sous-pression a été rendue plus dramatique encore par le fait qu’elle supportait la culée, placée rive gauche pour maintenir la voûte du barrage dont l’assise était incertaine. On s’est alors également aperçu que la perméabilité du terrain était particulièrement sensible à la compression, ce que personne n’avait remarqué lors de la construction. Ainsi, toute la pression hydraulique s’était concentrée sur la partie gauche du barrage, accentuant l’instabilité de l’ouvrage dans son ensemble.
Autre cause et non des moindres, le remplissage très rapide des quatre derniers mètres du barrage en 24 heures, en raison de pluies diluviennes, a opéré un véritable effet de choc sur la structure de ce dernier. Le barrage aurait certainement résisté si la montée des eaux s’était faite par paliers. Dernier point enfin, le barrage de Malpasset ne faisait l’objet d’aucune surveillance particulière. Et bien que des mesures de déplacement de la voûte aient été effectuées régulièrement, elles n’ont jamais été dépouillées et sont restées méconnues. Elles mettaient pourtant en évidence des déformations de grande amplitude qui laissaient supposer un comportement anormal du terrain de fondation et présageait une rupture imminente. Cette épouvantable catastrophe fut ainsi à l’origine de la création du Comité français de mécanique des roches (CFMR). Les auscultations traditionnelles du corps de barrage furent dès lors étendues à leurs fondations que l’on supposait, à tort, indéformable, au moyen de pendules inversés. Enfin, un soin nouveau fut apporté aux voiles d’injection et aux voiles de drainage. On assista en fait à une révision totale de l’approche des ingénieurs sur ces grands ouvrages. Depuis Malpasset, tous les barrages sont sous haute surveillance. Une révision qui sans doute à mis à l’abri de ces catastrophes la plupart des pays d’Europe.