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Les architectes s’expriment sur la RE2020

Publié le 16 juin 2022

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La nouvelle Réglementation Environnementale 2020 s’applique depuis le 1er janvier 2022, et devrait engendrer un grand bouleversement dans le secteur de la construction. Tandis que certains acteurs affichent leur satisfaction, d’autres craignent de multiples difficultés et surcoûts. Batiweb est parti à la rencontre de quelques architectes qui ont souhaité exprimer leur avis.
Les architectes s’expriment sur la RE2020 - Batiweb

La Réglementation Environnementale 2020 s’applique désormais à tous les permis de construire de logements collectifs et de maisons individuelles.


L’objectif étant d’aboutir à des modes constructifs moins émetteurs en CO2, et à une baisse de la consommation d’énergie. Ainsi, les divers standards de la construction changent, mutent et tendent vers des habitations moins énergivores tout en étant plus performantes. 


Se former aux nouvelles obligations


Outre le fait que les architectes n’ont pas assez de recul, certains acteurs précisent qu’ils ont livré plusieurs opérations de logements juste avant l’application de la réglementation pour ne pas subir les lourdeurs de la nouvelle norme. Un soulagement de courte durée car pour les réalisations à venir, ils ne pourront désormais plus faire autrement. C’est ainsi que le rôle du Conseil de l’Ordre des Architectes devient crucial. Comment faire pour rendre la RE2020 tout d’abord compréhensible puis approuvable ? 


L’architecte Fabien Gantois, président du CROAIF, et Rémi Doucet, vice-président du CROAIF, nous apprennent qu’en plus du webinaire organisé par le CNOA le 2 décembre 2020, le CROA Île-de-France a organisé le 14 avril 2022, en partenariat avec le Comité de liaison des matériaux biosourcés, une matinale spéciale RE2020, ouverte à tous, afin que les divers acteurs de toute la chaîne de la construction, que ce soient les maîtres d’ouvrage, les architectes, les bureaux d’études et les contrôleurs techniques, comprennent les enjeux de cette nouvelle réglementation.

 
Selon les deux membres du CROAIF, « il s’agit d’un véritable travail de réflexion sur la réglementation pour mettre en avant les filières biosourcées. D’autant plus que certaines filières comme la filière paille ont anticipé la RE2020 avec l’élaboration de quatre nouvelles fiches FDES (Fiche de Déclaration Environnementale et Sanitaire) qui permettent d’éviter les valeurs par défaut pénalisantes ». C’est donc un travail à quatre, entre architectes/BET/entreprises/filières, qui tend à optimiser le projet, mais il est certain que « l’architecte doit monter en compétences, comprendre la conception bioclimatique. La RE2020 interroge aussi l’architecture », estiment-ils.


Que faire devant la perplexité de certains architectes ? Le CROAIF répond : « C’est normal qu’il y ait une méfiance comme avec toute nouvelle réglementation et c’est notre rôle d’accompagner les acteurs concernés pour les inciter à employer les matériaux vertueux et pousser les industriels à décarboner ». Pour le CROAIF, « la RE2020 est une étape importante sur une temporalité courte ».

Quid des architectes ? La réponse est claire. Selon Fabien Gantois, « il faudrait maîtriser la réglementation, et cela se passe forcément par la formation. Cela va bouleverser certaines habitudes à court terme, mais c’est un changement utile à long terme ». Rémi Doucet complète : « C’est plutôt une chance, un référentiel commun qui permet d’engager l’architecture vers la transition écologique, cette réglementation pousse aussi à aller plus loin vers l’amélioration de la réalisation technique des ouvrages ». Et Fabien Gantois de rajouter : « La présence de l’architecte va devenir en effet importante sur un chantier, la mission complète sera ainsi renforcée ».


« On pense très souvent que seul le gros œuvre contribue au bilan carbone d'une construction, or le nouvel indicateur IC construction nous oblige à tenir compte du poids carbone prépondérant du second œuvre et des lots techniques qui représentent les 3/4 du bilan. L'occasion d'utiliser des matériaux biosourcés dans les sols, les plafonds et les cloisons, ou de réemploi pour les appareils, ce qui est une chance pour l'architecture et la planète ! La réglementation incendie devra d'ailleurs aussi évoluer en cohérence avec ces nouveaux enjeux ».


Par ailleurs, les deux architectes nous apprennent que les filières sont satisfaites et les architectes conscients que le renforcement de la législation va dans le sens de l’intérêt général. Ils soulignent que « avec la RE2020, la maquette numérique va s’imposer et la RE2020 devrait être perçue comme une chance pour renforcer la posture de l’architecte ».


Une grande satisfaction de la part du CNOA mais aussi du CROAIF, cela ne nous empêche pas de nous demander si la RE2020 remédie véritablement à tous les manquements dans la construction. À ce propos, la position du CROAIF est à prendre en considération. Selon les deux architectes, la RE2020 omet malgré tout de faire la liaison entre la construction neuve et le patrimoine. Une remarque très importante, surtout quand on sait qu’aujourd’hui toute la profession est de plus en plus sensible au recyclage et à la réhabilitation. Le confort d’été étant un véritable sujet de discussion, le CROAIF serait probablement enclin à prolonger la RE2020 par une RE2020 rénovation ? À suivre avec la plus grande attention !     


Une nécessaire phase d’adaptation


L’architecte du patrimoine Marie-Jeanne Jouveau a souhaité nous raconter l’expérience de Capla architecture patrimoine urbanisme, l’agence parisienne où elle est associée à l’architecte François Da Silva Ferreira. En effet, la gérante de Capla nous informe qu’en tant qu’architecte du patrimoine, elle se sent « particulièrement investie dans la réhabilitation environnementale adaptée à la valorisation du patrimoine, notamment sur les questions de production d’énergie et de retour carbone des rénovations, qui sont des sujets bien trop sous-estimés ». « C’est pourquoi, Capla a commencé à se familiariser avec la RE2020 au travers de l’expérimentation E+C-, avec laquelle nous avons travaillé à partir de 2020 », précise-t-elle.

Par ailleurs, l’architecte évoque le côté graduel de la mise en application de la réglementation. « Le fait que la RE ne soit pas trop ambitieuse et qu’elle intègre des paliers permet à la filière de s’adapter sans crise et sans trop de heurts, ce qui est important. Enfin, après réflexion, nous pouvons dire que les RT n’ont jamais été très ambitieuses. Je dirai que leur rôle est plutôt d’orienter et de sensibiliser à de nouvelles pratiques, sans trop brusquer les choses. C’est donc pour moi une réussite ».

Mais l’agence Capla ne se cantonnera probablement pas à l’application de la RE2020. « Rien n’empêche d’être plus vertueux que la règle, et l’annonce des paliers va favoriser la course à être le premier au palier suivant, notamment chez les promoteurs, ce qui nous permettra d’avancer plus rapidement », ajoute-t-elle.

Une nouvelle réglementation qui suscite des craintes

 

Néanmoins certains architectes sont plus sceptiques, et pointent le manque d’ambition de la RE2020, précisant qu’il s’agit plutôt d’une « usine à gaz ». Pour cela, il faudra probablement attendre qu’un plus grand nombre d’agences commencent à l’appliquer pour avoir des retours d’expérience.

Cependant l’impact de la RE2020 aura indubitablement un certain coût, comme le précise Marie-Jeanne Jouveau : « L’impact de la RE2020 est difficile à appréhender, il n’est forcément pas nul mais je ne suis pas sûre que cela change fondamentalement les choses ». D’autant plus que nous savons par ailleurs que certains obstacles administratifs ont existé par le passé et existeront toujours, c’est pourquoi, l’architecte pense que le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) aura plus d’impact sur la construction que la RE2020. 

Concernant l’application même de la RE2020, l’architecte souligne : « Au début, il y aura probablement des retards, ainsi que des ratés, le temps que les habitudes se prennent, mais je ne pense pas que cela soit plus complexe que la RT2012 en son temps, et probablement moins complexe encore que la mise en œuvre de l’accessibilité PMR de 2005. Le premier palier de la RE2020 ne change pas fondamentalement les choses. Il demandera une adaptation des sources de production énergétique et une évolution dans le choix de certains matériaux mais la marche n’est pas si haute. La principale difficulté sera l’appropriation des règles par la filière, car c’est une vraie machine à gaz, comme souvent les RT ».

Dans son constat, l’architecte rejoint bon nombre de ses confrères qui, sous forme d’anonymat, nous ont confié les mêmes craintes. La gérante de Capla détaille ses dires : « Un des problèmes auquel nous allons toutefois être confrontés, c’est la rigueur des fiches FDES et leur objectivité. Les gros fabricants vont pouvoir financer leurs fiches, voire pour certains présenter leur projet sous un jour « trop » favorable. À l’inverse, des filières n’auront pas les moyens de financer leurs fiches ou n’en verront pas l’intérêt, et nous aurons des difficultés à utiliser ces matériaux pourtant vertueux sur le plan carbone, par exemple le chanvre ou la paille ». Mais l’architecte conclut sur une note optimiste : « J’imagine que ce problème disparaitra avec le temps ».

La RE2020 apportera-t-elle quelque chose de positif ? Marie-Jeanne Jouveau nous répond : « La RE2020 apporte beaucoup de positif pour la transition écologique. Elle impose de réfléchir sur les deux sujets fondamentaux que sont l’énergie et le bilan carbone. La RE2020 introduit ces deux notions et va participer au changement des pratiques de conception. Par exemple, la RE2020 rééquilibre la RT 2012,  qui était bien trop favorable aux chaudières à gaz. La nouvelle réglementation rééquilibre davantage le recours à l’électricité (très décarbonée en France) ».

Et côté bilan carbone ? « On entend souvent que le bilan carbone n’est pas la seule controverse et qu’il y a beaucoup d’autres sujets importants, c’est vrai. Mais avoir le bilan carbone comme grille de réflexion crée, à mon avis, une réflexion vertueuse », conclue l’architecte.

La RE2020 n’a pas fini de faire parler d’elle !

Pour en savoir plus sur les enjeux de la RE2020, rendez-vous sur notre dossier spécial

 

Propos recueillis Sipane Hoh

Photo de Une : Adobe Stock

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