La plus grande chape de béton du monde pour contenir le cœur de Tchernobyl
Mais ce gigantesque projet ne fait pas l'unanimité auprès de scientifiques et d'ingénieurs ukrainiens qui estiment qu'il faudrait d'abord retirer et entreposer les restes radioactifs du réacteur avant de construire la chape. Ces derniers sont toujours en fusion et forment un magma radioactif inapprochable. Lors d'une récente séance publique consacrée à ce projet à Slavoutitch, ville dortoir des employés de Tchernobyl, plusieurs savants ont aussi estimé que ce projet ne tenait "pas compte des bouleversements climatiques pouvant survenir dans le futur" et que la chape devrait être conçue pour résister à des séismes au-delà de 7 sur l'échelle Richter, ce qui n'est pas le cas.
M. Antropov soutient pour sa part que "la technologie n'est pas assez avancée aujourd'hui pour permettre de retirer, à l'aide de robots ou de leviers téléguidés, ces restes radioactifs du réacteur" dont l'intensité équivaut à des dizaines de bombes d'Hiroshima. "Dans 30 ou 50 ans, la radioactivité de certains éléments, dont le césium 137, aura baissé de moitié. Mais l'idéal serait d'attendre 150 ans avant de toucher à ce magma", ajoute-t-il. Mais les autorités ukrainiennes ne pourront attendre ce délai en raison notamment des risques de contamination de la nappe phréatique. Le conseiller du président se veut rassurant : "Il y a actuellement une infime contamination des eaux souterraines qui ne représente cependant aucun danger. La nappe phréatique agit comme un filtre et empêche la radioactivité de se répandre, notamment dans la rivière Pripiat" qui longe la centrale et se jette dans le Dniepr.
La conception de la chape permettra de retirer les restes du réacteur lorsqu'il sera possible de le faire, ainsi que d'effectuer des travaux pour renforcer le sarcophage de béton et notamment le mur mitoyen séparant les réacteurs no 3 et 4, relève pour sa part l'ingénieur Vassyl Rybakov. La fermeture définitive de la centrale, en décembre 2000, a par ailleurs soulevé des problèmes liés au traitement des déchets des quatre réacteurs. Des centres de traitement et de stockage du combustible usé, des déchets liquides et solides, ainsi qu'une unité de tri doivent être construits sur le site de Tchernobyl d'ici à 2005 grâce au financement de la Banque européenne pour la Reconstruction et le développement (Berd) et de l'Union européenne. Bien-sûr, c’est ne pas faire cas des procédures kafkaïennes de l’administration Ukraine, qui ralentissent déjà le début des travaux. De toutes façon, d’ici 2008 nous ne pourrons que croiser les doigts en espérant qu’aucun tremblement de terre ne vienne empirer une situation déjà périlleuse.