OSCAR sonde les artisans sur les CEE et MaPrimeRénov’
Lancé officiellement en juin 2022 dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE), le programme OSCAR tend à vulgariser les aides à la rénovation énergétique, auprès des artisans et professionnels de la rénovation.
Comment ? En formant et mobilisant 6 000 Référents Aide à la Rénovation (RAR), recrutés chez les distributeurs, fédérations, organisations professionnelles et au sein du réseau de conseillers France Rénov. Un premier MOOC a d’ailleurs été lancé en juillet dernier.
« La complexité des dispositifs actuels d’aides à la rénovation énergétique fait obstacle à leur bonne compréhension par les artisans et entreprises artisanales du bâtiment. Ils s’en détournent et deviennent réticents à les conseiller à leurs clients pour les travaux concernés (…) Dès lors, l’enjeu est de taille : comment mobiliser ces acteurs indispensables à la transition énergétique ? Comment les inciter à prendre part à la mobilisation collective vouée à massifier les opérations de rénovation énergétique ? », lit-on en introduction d’un rapport intitulé « Simplification des CEE et Ma Prime Rénov’ : la parole aux artisans et entreprises ».
Publié ce jeudi 23 février, le rapport se base sur des retours d’expériences de plusieurs artisans (enveloppe, équipements et rénovation globale) membres de la Capeb et de la FFB, lors d’un atelier animé par le programme OSCAR et l’Association technique énergie environnement (ATEE).
Le dispositif des CEE « complexe », « stressant », « énergivore » et « perfectible »
« Certains des acteurs proposaient déjà les aides financières à leurs clients et d’autres avaient arrêté de le faire, les jugeant trop complexes » est mentionné dans le rapport.
D’ailleurs, quand on leur pose le question : « Quels mots vous viennent à l’esprit lorsqu’on évoque le dispositif des CEE ? », le mot complexité arrive en tête, cité cinq fois par les professionnels. Si certains le considèrent « générateur de business », il est aussi « stressant », « épuisant », « énergivore ». D’autres le croient cependant « perfectible » et « simplifiable ».
Quand on leur demande de « séquencer la procédure de montage d’un dossier CEE », les artisans et entrepreneurs interrogés arrivent à identifier les phases (avant, pendant et après travaux) et difficultés rencontrées à chacune d’entre elles.
« La phase travaux, on sait faire, c’est notre métier », témoigne un professionnel. Mais pour ce qui est en amont et l’après des travaux, c’est une autre paire de manche.
Une « tyrannie administrative des cols blancs »
En amont du chantier de rénovation, les artisans dénoncent une « tyrannie administrative des cols blancs », avec un sentiment de déséquilibre juridique dans le contrat obligé/délégataire et artisans/entreprises. Les professionnels reprochent également des informations contradictoires sur l’éligibilité des produits. « Et quand vous multipliez les matériaux, ça se complexifie », précise l’un d’entre eux.
Selon le métier, une « instabilité réglementaire » peut être constatée. C’est le cas des experts de l’isolation, qui rencontrent, pour l’attribution de MaPrimeRénov’ (MPR), une « tergiversation entre la BAR-EN-101 et la BAR- EN-102 », normes cadrant des opérations d’isolation.
Mais surtout, beaucoup d’artisans et entrepreneurs signalent un manque de cohabitation entre les CEE et MaPrimeRénov’. « Entre Ma Prime Rénov’ et CEE, les choses demandées ne sont pas identiques, on ne sait plus comment rédiger les devis, ou on doit faire deux fois le travail », exprime un artisan. Des professionnels peuvent « facilement attendre six mois quand un autre corps de métier a ouvert un dossier MPR pour ouvrir un nouveau dossier MPR » et « cela peut rendre caduc notre dossier CEE, parce que les éléments sont périmés », lit-on également dans les témoignages.
La compétence des contrôleurs de chantiers remise en question
Sans compter la charge administrative de la qualification RGE, nécessaire à l’égibilité des aides et capable de ralentir l’instruction des dossiers CEE et MaPrimeRénov’. Surtout qu’à l’après travaux, les contrôles RGE/CEE/MaPrimeRénov’ peuvent être multiples pour un seul chantier, sans être « harmonisés ».
Certains professionnels participants à l’atelier OSCAR estiment que leur présence à la visite de contrôle devrait être requise, compte tenu du niveau de compétence inégal d’un inspecteur à un autre. « L’auditeur ne sait pas forcément mesurer une façade », confie un professionnel, et « parfois, ils n’ont même pas les outils, c’est au petit bonheur la chance », raconte un autre. Cela aboutit à des chantiers déclarés non conformes pour des raisons « absurdes » selon les artisans et entreprises sondés.
Une évaluation va même jusqu’à accentuer les difficultés financières et comptables des entreprises, la prime étant débloquée une fois le contrôle réalisé. Des professionnels doivent entreprendre des avances de trésorerie, pour « pouvoir concurrencer avec d’autres structures plus importantes ». « La survie des entreprises est parfois engagée avec parfois 2 ans de besoin en fonds de roulement (BFR) », et « parfois on est obligé de rembourser la prime ! », découvre-t-on dans les retours d’expérience.
C’est un poids de trop pour les artisans et entreprises spécialisés dans la rénovation, déjà exposés à des allers-retours incessants des dossiers entre le client demandeur et l’instructeur. Fractionnée « par colonne du tableau de synthèse », l’analyse administrative du dossier peut être complexe pour le demandeur et il arrive que ce dernier ne traite pas le dossier dans sa globalité. « Si le délai est dépassé pour des questions de traitement, on ne devrait pas en subir des conséquences », défend un professionnel.
Des outils de simplification prévus par OSCAR
« Des changements drastiques s’imposent, afin de permettre à ces acteurs de la rénovation énergétique d’avoir à nouveau confiance en ces dispositifs », concluent les auteurs du rapport d’OSCAR.
Parmi les améliorations envisagées par les artisans, ces derniers recommandent une diffusion rapide et claire des informations sur les dispositifs CEE et MaPrimeRénov’ et leur évolution. Ils souhaitent également une liste exhaustive de tous les matériaux/matériels éligibles aux CEE et la création d’un portail unique CEE et MaPrimeRénov’.
L’harmonisation et la simplification des contrôles de chantiers doivent se faire selon eux par une meilleure coordination des parties prenantes. À cela s’ajoute un allègement de le charge financière des artisans, par la simplification des démarches.
Le Comité de Pilotage (COPIL) du programme OSCAR a validé le 17 janvier dernier le lancement au cours de l’année de plusieurs outils de simplification. Le panel comprend un annuaire de l’ensemble des aides financières à la rénovation énergétique, une liste open source des matériels et matériaux éligibles aux CEE, la clarification des points de contrôles fixés par l’annexe 3 de l’arrêté contrôle CEE, ainsi que l’analyse comparative de ces inspections entre les CEE et MaPrimeRénov’.
Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock