« Une rentrée très chargée économiquement et socialement » pour le bâtiment (FFB)
« Une rentrée très chargée économiquement et socialement ». C’est ainsi qu’Olivier Salleron, président de la Fédération Française du Bâtiment (FFB), a décrit l’activité des entreprises du secteur, lors d’un point de conjoncture trimestrielle ce mardi.
« Les perspectives macro-économiques se dégradent, avec un risque de récession pour l’Union européenne, comme pour la France, à l’horizon 2023. De plus, la question de l’inflation, avec des taux d’intérêts qui sont en augmentation, dans un contexte de guerre. Évidemment, nous aurons une grande prudence quant aux scénarios que nous allons émettre sur les chiffres bâtiment », développe Olivier Salleron.
Globalement, le bâtiment progresse de +3,9 % au premier semestre, comparé à la même période de 2021. Les carnets de commandes des entreprises demeurent élevés, affichant 7,1 mois d’activité en moyenne à fin août 2022, voire 8,7 mois pour les entreprises de plus de dix salariés.
Toutefois, la FFB revoit à la baisse ses prévisions émises en décembre : de +4,3 %, la croissance estimée sur l’année 2022 passerait à +3,8 %.
L’amélioration-entretien en perte de vitesse ?
Les raisons de cette révision sont diverses, mais l’une d’entre elles est plus surprenante : le ralentissement du segment amélioration-entretien. En glissement annuel, l’augmentation est de +1,7 % sur le deuxième trimestre 2022, hors effet prix.
Le rythme se révèle plus lent qu’au trimestre précédent (+2,1 %). Pire, le niveau d’activité est inférieur de -5,5 % à celui du deuxième trimestre 2019. Comme enregistré depuis le quatrième trimestre 2021, les travaux d’amélioration-entretien se montrent plus dynamiques dans le non-résidentiel (+3,4 %) en glissement annuel sur le T2 2022, qu’en résidentiel (+1,2 %). Comparé au T2 2019, la tendance s’inverse, baissant respectivement de -9,4 % et de -4 %.
L’activité rénovation énergétique croît cependant de +1,9 %, dépassant ainsi de 2 % l’activité du second trimestre 2019. Les travaux vont bon train dans le logement, passant de +1,6 % en glissement annuel sur le premier trimestre 2022, à +2,1 % au second trimestre 2022. « Ainsi, ce segment se lit 4,4 % au-dessus de son niveau du deuxième trimestre 2019 », précise la note de conjoncture de la FFB.
Et ce évidemment « grâce à la montée en puissance continue de MaPrimeRénov’, que nous avons travaillée avec le gouvernement précédent. Attention à l'instabilité et l’effondrement du marché des CEE et la disparition du crédit d’impôt pour la rénovation énergétique des bâtiments », alerte toutefois le président de la FFB.
Pour ce qui est du ressenti des entreprises proposant des travaux d’amélioration-entretien, l’optimisme recule de 9 points au troisième trimestre 2022. Les entrepreneurs de Bretagne, Normandie et Grand Est sont les plus optimistes. Ceux de régions PACA et d' Île-de-France, les plus inquiets, malgré une activité stable.
Redressement inattendu du non-résidentiel neuf
Les travaux de construction neuve, en glissement annuel sur sept mois à fin juillet, reculent de -3,2 %, sans réelle variation sur les trois derniers mois (-3,7 %). Le secteur est porté par l’individuel (+6,6 %), mais traîné vers le bas par le collectif (-10,9 %). La dichotomie s’inverse toutefois côté permis de construire, avec une chute de -15,5 % en glissement annuel sur trois mois à fin juillet 2022 et un rebond de +23 % dans l’individuel.
Au global, le cumul des permis de construire entre janvier et juillet dernier augmente de +13,9 % par rapport à la même période de 2021. À noter cependant un ralentissement sur les trois derniers mois (+5,8 %), expliqué par la fin de rebond de la RE2020. Les logements commencés, de leur côté, observent un retrait de -1,8 % par rapport aux niveaux de 2019.
« En revanche, dans les bonnes nouvelles, après deux années de marasme, le non-résidentiel trouve un nouvel élan, avec des surfaces commencées et autorisées en progression respectivement de 17,8 % et de 6,7 % en glissement annuel sur sept mois à fin juillet 2022 », se réjouit le président de la FFB.
La note de conjoncture mentionne toutefois que « ces données restent fragiles et le Ministère souligne que, sur cette dernière période, sans de nombreuses déclarations enregistrées tardivement dans le système d’information Sit@del2, la tendance s’inverserait à -5,4 % ».
Dans le détail, les surfaces commencées sont portées à moitié par les bâtiments industriels (+47,7 %), mais sont légèrement moins nombreuses que celles observées en 2019 (-1,3 %). En ce qui concerne les surfaces autorisées, les commerces priment (+36,6 %). Cependant, les niveaux globaux restent de 14 % inférieurs à ceux des sept premier mois de 2019.
L’appareil de production toujours enlisé
Malgré un sursaut de +1,5 % de l’emploi salarié dans le bâtiment en glissement annuel sur un trimestre à fin juin 2022, les difficultés de recrutement continuent de préoccuper les entreprises. En particulier celles de 10 salariés et plus, étant 4 sur 5 à souffrir de cette situation. Dans l’artisanat du bâtiment, l'inquiétude concerne toujours 2 entreprises sur 3.
« Pour autant, elles se maintiennent encore respectivement 16,2 et 1,1 points au-dessus de leurs moyennes de longue période. Elles décrivent donc un atterrissage, plutôt qu’un véritable repli de l’emploi », nuance la FFB.
Dans le détail, la fédération enregistre 20 000 postes d’emploi créés entre les premiers semestres 2021 et 2022. Le tout soldé d’une hausse de 21 900 salariés et d’un recul de 1 900 intérimaires en équivalent-emplois à temps plein.
Mais les tensions en recrutement demeurent, tout comme les tensions en approvisionnement, sur fond de reprise post-Covid et conflit russo-ukrainien. Comme l’alertait la FFB en mars dernier, les prix de l’énergie flambent, voire explosent de +166 % pour le gaz naturel et de +141,6 % pour l’électricité fin août.
La tendance reste haussière au niveau des plastiques alvéolaires (+9 %), les produits plats en acier (+4,8 %), les tuiles (+3,9 %), ainsi que les demi-produits en aluminium (+3,4 %), entre mai et juillet 2022. « Certains industriels vont jusqu’à fermer certaines lignes de production de produits aluminium, zinc, acier, tuile, verre… », signale Olivier Salleron. Embellie en revanche au niveau du PVC, du cuivre ou de l’acier, dont les prix reculent.
Mais les problèmes de trésorerie des entrepreneurs sont loin d’être finis. En témoignent, le solde d’opinion des artisans, marqué d’un plongeon au premier semestre. Au sein des structures de plus de dix salariés, l’indicateur s’érode seulement, plaçant le solde d’opinion à 4 points au-dessus de la moyenne de long terme. Sans compter la légère baisse des créations d’entreprises sur sept mois à fin juillet dernier (-1,6 %) et la remontée des défaillances, analysées entres autres par Altares, en juillet.
Autant d’enjeux qui préoccupent le bâtiment. Tout comme la Capeb lors de sa dernière conjoncture, la FFB attend beaucoup des prochaines Assises du BTP afin d’y remédier.
Virginie Kroun
Photo de Une : FFB