Travail forcé au Qatar : la riposte judiciaire de Vinci contre Sherpa jugée irrecevable
Il y a un an, l'association de défense des populations victimes de crimes économiques Sherpa portait plainte, à Nanterre, contre le groupe Vinci. En cause, des soupçons de « travail forcé » et de « réduction en servitude » sur les chantiers gérés par le géant du BTP au Qatar, dans le cadre du Mondial 2022 de football.
Cette plainte a donné lieu à une riposte judiciaire en référé (procédure d'urgence), de la part de Vinci, accusant Sherpa d' « atteinte à la présomption d'innocence » notamment à cause de la parution d'un article le 23 avril 2015 sur le site internet du journal Libération.
Mais le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a estimé que cette procédure ne relevait pas du juge des référés. Vinci avait donc engagé une procédure au fond, devant la 17e chambre civile du TGI de Paris.
Le texte régissant l'atteinte à la présomption d'innocence prévoit que la personne soit présentée « comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire », a souligné dans son jugement le tribunal de grande instance de Paris.
« L'atteinte à la présomption d'innocence ne se conçoit donc que si celui qui reçoit l'information (...) a connaissance de l'existence d'une procédure pénale en cours », ont estimé les juges de la 17e chambre civile. Mais ici, le lecteur ne pouvait avoir connaissance de l'existence d'une enquête, car celle-ci n'était pas mentionnée dans l'article et n'a été rendue publique que quelques jours après la parution.
Ce mercredi, le TGI de Paris a jugé l'action de Vinci irrecevable et le groupe a été condamné à verser à Sherpa 3 000 euros pour les frais de justice.
« Il est temps que Vinci comprenne que le vrai débat ne doit pas être judiciaire mais avant tout un grand débat d'intérêt général », a réagi l'avocate de Sherpa, Me Léa Forestier.
De son côté, le conseil de Vinci, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, a estimé que le tribunal a « interprété la loi de manière extrêmement restrictive ».
Le volet judiciaire se poursuit
Vinci a, par ailleurs, engagé des poursuites en diffamation contre Sherpa devant le tribunal correctionnel de Paris. Le procès est prévu fin juin.
A Nanterre, le groupe a également déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse.
Le directeur de la communication en a quant à lui déposé une autre, après avoir reçu plus de 3 300 mails lui demandant d'abandonner les poursuites contre l'ONG.
La plainte de Sherpa a donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire afin de vérifier les allégations mettant en cause le géant du BTP.
C.T (avec AFP)
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