Intrusion chez Lafarge : neuf militants comparaîtront en juin
Neuf personnes s’étant introduites en décembre dans une cimenterie Lafarge, à Val-de-Reuil (Eure), vont bientôt connaître leurs peines. Ces individus font partie des 17 personnes interpellées le 8 avril en Normandie et en Seine-Saint-Denis, pour s’être introduits le 10 décembre dernier avec un groupe d’une centaine de personnes sur un site industriel Lafarge (groupe Holcim).
Sur la totalité des suspects interpellés, neuf vont comparaître le 27 juin prochain devant le tribunal correctionnel d’Évreux, comme l’a annoncé Rémi Coutin, le procureur de la République de la ville. Par ailleurs, cinq d’entre eux ont été placés sous contrôle judiciaire jusqu’à la tenue de l’audience.
Quels chefs d’accusation ?
« Vêtues de combinaisons blanches, les visages dissimulés et porteuses de gants », ces personnes avaient empêché l’agent de sécurité de sortir de son local avant de se livrer à « d’importantes dégradations », selon M. Coutin.
L’enquête est confiée à la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la direction nationale de la police judiciaire et à la direction territoriale de la police judiciaire de Rouen. Sur les 17 interpellés, huit individus ont été remis en liberté « en raison de l’insuffisance des charges réunies à leur encontre », précise M. Coutin.
« L’ensemble des neuf personnes poursuivies seront jugées pour les infractions de séquestration pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit avec libération volontaire avant le septième jour, dégradations aggravées par deux circonstances et association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement », ajoute-t-il.
Sur les neuf personnes qui iront se rendre devant les tribunaux, trois seront également poursuivies « pour infraction de refus de se soumettre aux mesures de relevés signalétiques », selon le procureur, qui a précisé par ailleurs que les gardes à vue s’étaient déroulées « sans incident » et que « seules trois personnes sur 17 ont accepté de répondre réellement aux questions des enquêteurs ».
Selon M. Coutin, « deux de ces trois personnes ont reconnu avoir servi de chauffeurs à une partie des individus ayant fait intrusion sur le site de l’entreprise, en affirmant n’avoir pas elles-mêmes participé à cette intrusion ».
La défense fustige la pauvreté de l’enquête
Du côté de la défense, Chloé Chalot, avocate de l’une des personnes poursuivies et de plusieurs ayant bénéficié d’un classement sans suite, a déclaré ceci : « Au vu des déclarations du vigile, l’infraction de séquestration sera contestée à l’audience ». « Le fait de retenir cette infraction participe de la construction d’une image d’activiste violent », a-t-elle ajouté.
Les conditions d’interpellation ont également été pointées du doigt, notamment par Enora Chopard, élue EELV de la ville de Rouen et porte-parole du comité de soutien aux interpellés du 8 avril. Selon elle, « certaines personnes ont été interpellées très violemment ». « Le fait que huit personnes ressortent avec un classement sans suite démontre la faiblesse de l’enquête. Cette opération démontre une volonté de criminaliser les opposants politiques assumée par le gouvernement alors que l’urgence climatique est là », a-t-elle ajouté.
Dans un communiqué diffusé le 8 avril, plusieurs associations, collectifs ou syndicats, précisaient que l’intervention avait duré, selon eux, « une dizaine de minutes », s’étonnant de « l’usage récurrent de l’antiterrorisme pour diaboliser spécifiquement les mobilisations qui menacent les lobbys industriels ».
Jérémy Leduc (avec AFP)
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