RE2020 : comment les industriels s'adaptent à la nouvelle réglementation
Les industriels du BTP n’ont pas attendu le 1er janvier 2022 - date d’entrée en vigueur de la RE2020 - pour améliorer la performance énergétique de leurs solutions. Avant cela, il y a eu l’expérimentation E+C- (plus d’énergie, moins de carbone), encore avant la RT2012 (issue du Grenelle de l’environnement), ou encore le label BBC-Effinergie.
Toutes ces étapes ont eu pour objectif de diminuer l’impact de la construction (et de la rénovation) sur la planète. Rappelons que, selon l’Ademe, les bâtiments (tertiaires et résidentiels) représentent 45 % de la consommation énergétique nationale, ce qui en fait le premier consommateur d’énergie du pays.
Concernés au premier chef par la RE2020, les industriels de la menuiserie sont en ordre de bataille pour apporter les solutions visant à améliorer l’impact carbone d’une construction. L’enjeu est de taille en termes d’accès à la lumière naturelle et de vues sur l’extérieur. « La RE2020 impose un minimum de surface vitrée dans un projet de construction. Le maintien de cette exigence est un garde-fou essentiel pour éviter le risque de se retrouver avec des meurtrières en guise de fenêtres », pointe Ludivine Menez, déléguée technique de l’Union des fabricants de menuiserie (UFME).
Deux possibilités s’offrent aux bureaux techniques pour être dans les clous de l’accès à l’éclairage naturel. Soit ils respectent la règle du 1/6 de surface vitrée sur le total de la SHAB (surface habitable), en résidentiel. Soit ils expriment un niveau d’éclairement, qui doit être, au choix :
- Supérieur ou égal à 300 lux sur 50 % des locaux,
- Égal à 100 lux sur 95 % des locaux pendant plus de 50 % des heures éclairées par la lumière du jour,
- L'occupant, à une distance d’au moins un mètre de la façade, a une vue extérieure permettant de visualiser à la fois le ciel et l’horizon.
Cette alternative est plus qualitative mais requiert une étude plus poussée. Pour la porte-parole de l’UFME, « les bureaux d’étude vont majoritairement cocher la case du 1/6, qui est plus facile à vérifier ».
L’accent mis sur le confort d’été
On parle, dans le cadre de la RE2020, de degrés-heures d’inconfort, avec le nouvel indicateur DH. Celui-ci doit être compris entre une valeur seuil (350) et une valeur plafond (1250). « La tendance, pour respecter ces exigences, est d’isoler plus et de mettre moins de baies vitrées. Pourtant, les baies représentent un apport solaire gratuit en hiver, et il existe des solutions contre l’inconfort d’été : contrôle solaire, ventilation et aération naturelle », revendique l’experte.
Améliorer son bilan carbone
Outre l’accent mis sur la lumière naturelle et le confort d’été, l’autre grande nouveauté de la RE2020 est la prise en compte du bilan carbone. « Celui-ci n’est pas proportionnel à la surface de baie vitrée », avance Ludivine Menez. Il faut prendre en compte les données des Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire (FDES) ou les données par défaut du ministère, « très pénalisantes car arbitraires ».
C’est d’ailleurs ce qui a poussé un industriel comme Hydro (qui englobe les marques Technal, Sapa et Wicona), à innover avec l’aluminium Circal 75R qui présente une empreinte carbone à 2.3Kg de CO2/kg d’aluminium ; mais aussi en termes de composition des menuiseries avec des composants issus du recyclage (XPET issus de bouteilles plastiques) ou encore les barrettes thermiques issues du recyclage. Le groupe travaille d’ailleurs sur ses propres FDES pour valoriser ces éléments. « La RE2020 nous pousse à l’innovation, sur un marché désormais mature, afin d’améliorer l’impact carbone de nos produits, et viser le meilleur équilibre entre impact environnemental et performance », note Éric Fromentin, Directeur Développement du groupe Hydro.
Utiliser les FDES
Dans le secteur de l’isolation aussi, on s’appuie en grande partie sur les FDES pour contribuer à l’effort collectif en matière de bilan carbone. « Cela fait des années que nous faisons des FDES, et notamment des FDES systèmes, qui représentent un gain de temps pour les personnes qui s’occupent de l’analyse du cycle de vie (ACV) », confirme Stéphanie Roche, responsable marketing chez Placo® - Isover.
L’analyse du cycle de vie estime l’impact du bâtiment sur l’environnement, en incluant l’extraction des matériaux, leur transport, la construction, la vie en œuvre, la démolition et le recyclage. Cet impact se calcule pour différents lots, dont le numéro 5 « cloison doublage » qui a un impact d’environ 5 % sur l’indice Ic construction en logement collectif et 7 % en maison individuelle. « Il y a donc peu d’impact de la nature de l’isolant sur le total de l’Ic », note Stéphanie Roche. Ce qui n’empêche pas l’industriel de l’isolation de viser l’amélioration constante de ses produits.
Placo® et Isover (groupe Saint-Gobain) travaillent depuis dix ans à améliorer la consommation d’eau dans leurs usines, et à diminuer les consommations d’énergie. Des filières recyclage permettent d’intégrer 10 % de matériaux recyclés (issus des déchets de déconstruction) dans les plaques de plâtre, et 40 % de matière recyclée au minimum (notamment bouteilles de verre) dans les isolants en laine de verre. Autant d’efforts qui contribuent à améliorer le bilan carbone des produits, et donc à se conformer à la RE2020.
Un challenge au niveau européen
Le secteur du CVC (Climatisation, Ventilation, Chauffage) aussi est prêt pour la RE2020. Les machines utilisent de l’électricité (qui plus est très peu carbonée en France), et sont par conséquent soumises aux règlements européens, notamment à la directive Écoconception. « Depuis plus de 10 ans, Carrier a su relever et anticiper ces challenges européens », explique Jérôme Barbier, Responsable conformité réglementaire HVAC Europe pour Carrier - CIAT.
À cet effet, le groupe a mis au point ses propres fiches PEP (équivalent des FDES, mais pour des équipements), afin de se démarquer, et permettre aux promoteurs et aux architectes de faire leurs propres évaluations environnementales en toute autonomie. Plutôt que de simples fiches génériques par défaut, les acteurs de la construction bénéficient ainsi de données pour chaque équipement spécifique afin d’être le plus fin possible, dans une approche où chaque détail compte.
Laurent Perrin
Photo de une : Adobe Stock