Quelle place pour les femmes sur les chantiers ?
Cofely Ineo (15 000 personnes / 2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2011) a été primé pour ses actions visant à faciliter le recrutement, la formation et l’intégration des femmes sur ses chantiers dans les régions pilotes : Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Normandie et Ile-de-France, sur un périmètre de 3 000 salariés. Un défi de taille dans un environnement technique historiquement masculin (stéréotypes, problématiques d’infrastructures, d’organisation internes…).
Concrètement, ce défi a permis le de réaliser 27 recrutements, 25 alternantes et 2 CDI. Pour en savoir plus sur les coulisses de ce plan d’action de recrutement, nous avons voulu interviewer le chargé de mission et l’une des femmes recrutées pour exercer « un métier d’homme ».
Objectif : 30% de femmes en 2015
« Cette action s'inscrit dans un contexte d'engagement de GDF SUEZ pour la diversité et plus particulièrement pour la mixité. L'objectif est que 30% des recrutés soient des femmes à l'horizon 2015. Aujourd'hui 75% de nos effectifs sont sur les chantiers, et 99% d'entre eux sont des hommes. Il faut donc attirer les femmes sur les chantiers », introduit Jean-Loup Roch, DRH Délégué Cofely Ineo.
C'est que les femmes sont encore victimes de stéréotypes. Dans ces métiers d'hommes, la tradition est encore à la blague facile. Il est donc temps de faire évoluer les mentalités. « On part de zéro. Notre plan d'action consiste en premier lieu à recueillir l'engagement de nos opérationnels. C'est aussi faire le choix de l'alternance comme garantie de bonne intégration. En effet le tuteur accompagne, forme et suit la recrutée », poursuit Jean-Loup Roch.
Suivi du recrutement et intégration
Cela passe également par la communication avec les partenaires sociaux, les journaux d'entreprise, des partenariats avec les écoles, des articles dans la presse ou encore une bande-dessinée qui revient sur les contraintes de la mixité. C'est aussi la construction d'un parcours d'intégration adapté – il y a un fort taux de reconversion professionnelle parmi les recrutées – et un suivi du recrutement.
Avant d'être embauchée en alternance chez Cofely Ineo, comme une trentaine de ses consœurs, Angélique Douhem (en photo) a travaillé sept ans, diplômes d'électricien qualifié en poche (BEP, CAP et BAC électro-technique). « Être une fille est une difficulté. En 2000 les femmes n'étaient pas intégrées sur les chantiers. J'ai connu six mois de chômage puis j'ai été embauchée chez un artisan, qui a fermé à cause de la crise ». Entre temps elle découvre sur les chantiers l'absence de vestiaire et de sanitaire pour femmes. Et surtout, les problèmes qu'elle crée entre les ouvriers.
« Il faut avoir un caractère et un mental fort »
« On doit d'avantage prouver ce qu'on vaut. Un homme on le teste trois mois, une femme un an. Physiquement il n'y a pas de différence : c'est dur ! Pour arriver à diriger des hommes il faut avoir un caractère et un mental fort. Et puis, il y a la pression du chantier, il faut tenir les engagements», poursuit Angélique.
Les « anciens » acceptent plus facilement la présence d'une femme. Mais les autres n'apprécient guère être commandés par une femme, jeune de surcroît. Les blagues de chantier ? « Il faut savoir les prendre au second degré. On est regardé en extra-terrestre, dragué. Il faut savoir mettre les points sur les i », affirme la jeune femme. Qui admet passer aussi de bons moments sur les chantiers, en « famille », à décompresser et rigoler avec les hommes.
Déterminée à évoluer dans les échelons de la société, elle souhaite devenir chef d'équipe. Et commander des hommes. Et si des femmes intègrent son équipe ? « Je ne ferai pas de différences ».
Quelques chiffres Effectif salariés : 11,1 % de femmes dans le bâtiment en 2010 Effectif en formation initiale : 10.000 femmes en 2011-2012 Effectif en formation continue : Entrepreneuriat (source FFB) |
Laurent Perrin