Pénurie de carburant : quel impact sur les entreprises du BTP ?
Depuis plusieurs jours, d’importantes grèves sont en cours au sein de plusieurs raffineries de France. Des mouvements sociaux qui sont à l'origine de pénurie de carburants dans les stations-services de l'hexagone. Ces blocages entraînent de véritables difficultés d’approvisionnement des quelques 11 000 stations du pays. Et pour cause, les salariés d’ExxonMobil (Esso), à l’origine de ces grèves, et suivis de près par ceux de TotalEnergies, réclament une hausse des salaires.
Cette demande est justifiée par le fait que ces deux grands groupes ont réalisé d’importants bénéfices dernièrement. Bien aidé par la hausse du prix des hydrocarbures, TotalEnergies a, par exemple, engrangé 14 milliards d’euros en 2021. Des chiffres qui n’ont fait que de grimper avec le temps, puisque selon Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité européen de TotalEnergies, la société a déjà cumulé plus de 18 milliards d’euros sur les six premiers mois de cette année. Selon ce dernier, « il est légitime que les salariés aient aussi le droit à une augmentation tout comme les actionnaires ont été augmentés de 5 % », souligne-t-il auprès de L’Humanité.
Des retards et un important manque à gagner
Cette pénurie de carburant a un impact sur le quotidien des Français et les entreprises du pays. Le secteur du bâtiment ne déroge pas à la règle. Déjà bien affectés par l’envolée des prix des matériaux et de l’énergie - liée notamment à la guerre en Ukraine - les professionnels du secteur doivent maintenant faire face au manque d’hydrocarbures. Ces blocages pénalisent progressivement l’activité des entreprises du bâtiment et prennent en otage ces dernières ainsi que leurs salariés. Avec près de 30 % des stations-service de France privées de tout ou partie de leur carburant, il devient extrêmement compliqué pour les professionnels du bâtiment d’honorer leurs chantiers, notamment en termes de délais de livraison.
Un chef d'entreprise du bâtiment, qui a souhaité rester anonyme, nous confie quelles sont les difficultés que rencontre son entreprise depuis le début de la grève. Une pénurie qui a un impact sur les livraisons de chantiers : « On perd beaucoup de temps à faire la queue dans les stations-service. J’ai neuf véhicules dans mon entreprise. Chaque semaine, c’est 1 heure de perdue par véhicule à stationner dans les stations. Soit 9 heures que je perds et au cours desquelles mes gars ne sont pas sur leur chantier », nous explique l'entrepreneur.
Une activité au ralenti qui s’explique aussi par le fait que certains salariés peuvent venir de loin pour travailler. De fait, plusieurs se sont même mis en arrêt de travail dernièrement. « Je ne vous dirais pas que c’est réglo, mais certains de mes employés ont trouvé des médecins qui peuvent les mettre en arrêt. Ils ont besoin de leur voiture, et devant la difficulté de s’approvisionner en carburant, ils trouvent le moyen de rester chez eux. Ceux qui se débrouillent autrement sont en retard sur les chantiers car ils sont obligés de venir en transport en commun. Donc oui, cette pénurie a effectivement un impact clair et net », relève le PDG.
Des solutions alternatives et une volonté d’exercer correctement
Cette pénurie a donc de multiples conséquences. Aujourd’hui ce sont de simples retards, mais à l’avenir, il pourra s’agir d’annulation pure et simple si les choses n’évoluent pas très vite, selon l’entrepreneur. Pour éviter ce cas de figure, le dirigeant a mis en place plusieurs alternatives afin de pouvoir travailler au mieux. « On a mis en place la location de voitures électriques. C’est une solution viable qui nous permet de continuer notre activité, et de toute façon, vu l’augmentation du prix du gasoil, on a comme optique d’investir dans ce type de véhicules à l’avenir », explique l'entrepreneur.
Le meilleur moyen de reprendre une activité à un rythme normal reste cependant que les stations-essences refassent le plein. Et pour cela, le gouvernement a un rôle à jouer. Pour le chef d’entreprise, les revendications sont simples : « Nous ce que l’on souhaite c’est de ne pas être pris en otage. Sans carburant, notre activité tourne au ralenti. Donc le gouvernement doit piocher dans les stocks de pétrole et alimenter les stations-service du pays, afin que l’on puisse reprendre le travail convenablement » , estime-t-il.
De son côté, la FFB, à travers un communiqué de presse, demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour rétablir une distribution normale des carburants et demande la possibilité d’utiliser le gazole non routier.
Jérémy Leduc
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