Matériaux de construction : des inquiétudes persistent pour l'année à venir
L'Unicem organisait ce jeudi 3 décembre une visio-conférence de presse concernant la conjoncture 2020 et 2021 pour les matériaux de construction.
Dans son introduction, l'Unicem a fait état d'une année 2020 « plombée par la crise liée au Covid-19 », avec -14,7 % au premier trimestre 2020 et -18,9 % au T2 2020, avant un rebond de +7,3 % au troisième trimestre, lié au déconfinement et à la reprise des chantiers pendant l'été et à la rentrée.
Ce rebond n'a toutefois pas permis de combler le retard pris après le net plongeon du deuxième trimestre. Sur les 10 premiers mois de l'année, la tendance serait ainsi autour de -8,5 %.
Le bilan des matériaux de construction pour 2020. Source : Unicem
Dans le détail, le béton prêt à l'emploi (BPE) a été plus impacté que les granulats, avec -13,2 % sur l'ensemble de la France à fin septembre, contre -9,5 % pour les granulats.
Cette chute de l'activité du BPE est particulièrement marquée en Île-de-France, avec -20 %. Selon Carole Deneuve, économiste au sein de l'Unicem, cette tendance peut s'expliquer par le nombre importants de gros chantiers en région francilienne, et leur arrêt massif en mars et avril, en raison de problèmes liés à la co-activité et à l'application des mesures de sécurité sanitaire (distanciation, approvisionnement en masques etc.).
A fin octobre, le rebond était toutefois plus marqué pour le BPE, avec +5,6 % comparé aux trois mois précédents (contre +4 % pour les granulats).
Des carnets de commande qui commencent à se tarir
Malgré cette reprise, l'Unicem reste méfiante pour la fin de l'année, alors que les carnets de commande commencent à se tarir, notamment dans les travaux publics, qui font face à une chute de la commande publique (-22 % sur les 9 premiers mois de l'année).
Pour Carole Deneuve, il existe des facteurs de rebond, comme le Grand Paris Express, les chantiers des Jeux Olympiques de 2024, et les plans autoroutiers, mais la reprise dépendra en grande partie des décisions politiques et de la mise en œuvre du plan de relance.
Côté logements, les mises en chantier ont bien repris, mais la baisse persistante des permis de construire inquiète pour l'année à venir. Or, « sans permis de construire, pas de construction, et sans construction, pas de matériaux », résume Carole Deneuve.
Sur l'ensemble de l'année 2020, l'Unicem estime ainsi à -10 % la baisse d'activité du BPE, et à -8 % celle des granulats. Un point bas historique selon C. Deneuve : « On aura jamais aussi peu extrait de granulats depuis 30 ans que nous suivons les chiffres », souligne-t-elle, ajoutant que la population, et les besoins, ont parallèlement augmenté.
Pour la conjoncture 2021, le syndicat prévoit un léger rebond de +0,5 % pour le BPE, et de +4 % pour les granulats. Mais les chiffres devraient rester en-dessous des niveaux de l'année 2019, de l'ordre de -5 % pour les granulats, et -10 % pour le BPE.
Des inquiétudes concernant la RE2020 et la REP pour le bâtiment
Concernant les points d'inquiétudes, Nicolas Vuillier, président de l'Unicem, a déploré des annonces « très brutales et ciblées ». Pour le secteur, la RE2020 défavorise injustement le béton au profit du bois. Jean-Marc Golberg, président du Syndicat National du Béton Prêt à l'Emploi (SNBPE) rappelle que le bois n'est pourtant pas toujours recyclable à la fin de vie d'un bâtiment, et dénonce une opération de « greenwashing ».
« Il va y avoir une distorsion de la concurrence entre les matériaux, et une fragilisation de nos entreprises »,s'est-il inquiété.
Le Syndicat National des Industries de Roches Ornementales et de Construction (SNROC) s'est de son côté ému d'une « aberration » concernant un appel d'offre de la Ville de Paris, ayant privilégié des pierres en provenance d'Espagne et du Portugal alors que deux entreprises de granit françaises, basées en Bretagne et dans le Tarn s'étaient portées volontaires. Le SNROC a ainsi dénoncé une totale contradiction avec le plan de relance et les objectifs écologiques affichés en termes d'approvisionnements locaux, et de réduction des transports et émissions de CO2.
Nicolas Vuillier s'est également agacé de la future responsabilité élargie du producteur (REP) pour le BTP, soulignant que la filière matériaux de construction compte déjà plus de 1 500 plateformes de recyclage, et qu'elle propose d'accélérer le rythme pour densifier davantage le maillage. « Au final, c'est le consommateur qui paiera », a-t-il regretté, faisant référence aux surcoûts engendrés par ce système de pollueur-payeur.
Claire Lemonnier
Photo de une : Adobe Stock