« L’intérêt de la rénovation, c’est de remettre un bâtiment dans le marché », Patrick Nossent
Quelles sont les grandes tendances du marché des bâtiments tertiaires ?
Patrick Nossent : La grande tendance de mon point de vue est de considérer que le bâtiment est certes un actif immobilier, mais que cela doit être avant tout un bon outil de travail. Il y a une montée très forte de la qualité de vie au travail, avec l’objectif d’offrir de bonnes conditions de travail à ceux qui utilisent le bâtiment. Cela intègre bien sûr les conditions de santé et de confort que le cadre bâti peut offrir aux utilisateurs, mais également les services proposés à ces derniers, qu’ils soient portés par le bâtiment ou à proximité de celui-ci.
Parmi ces services, on voit une montée très rapide du numérique. Aujourd’hui, on ne peut plus se passer d’une bonne connexion Internet pour travailler, mais au-delà de la connectivité du bâtiment, celui-ci devient une plateforme de services, à l’instar d’un smartphone. À partir du moment où l’on a transformé le téléphone en une plateforme de services ouverte à toute application, de nouveaux services se sont développés. C’est ce qui va se passer pour le bâtiment et cela va bouleverser pas mal de choses.
La question de la transition environnementale reste très présente également, notamment du fait de l’évolution des réglementations et de la maîtrise des risques maintenant prise en compte par les investisseurs. Ils sont de deux ordres : le risque carbone ou d’exposition des actifs au changement climatique d’une part, et le risque d’obsolescence d’autre part. Les bâtiments qui ne sont pas « verts » vont devoir faire des travaux de remise à niveau pour rester attractifs sur le marché.
Les professionnels du secteur s'impliquent-ils davantage dans les problématiques environnementales ?
P. N : Il y a eu pas mal d’initiatives avant que la réglementation ne s’intéresse à ces questions-là. Les démarches et les certifications HQE, par exemple, sont apparues avant le Grenelle de l’environnement, qui a donné une véritable accélération aux réglementations sur ces sujets-là. C’est une vraie tendance du marché, aujourd’hui, que d’anticiper les évolutions du secteur. Les certifications continuent d’ailleurs à aller au-delà de la réglementation, et les acteurs qui veulent innover utilisent la certification environnementale comme un vecteur de différenciation sur le marché.En quoi la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires peut-elle être perçue comme une plus-value ?
P. N : On peut améliorer la performance d’un bâtiment en exploitation par la rénovation, par une meilleure gestion ou par une meilleure utilisation. C’est en jouant sur ces trois leviers qu’on aura un optimum de performance par rapport à l’investissement qu’on pourra faire. Autrement dit, si vous avez un bâtiment qui a déjà une bonne qualité intrinsèque parce qu’il a été certifié pendant sa construction par exemple, vous avez plutôt intérêt à travailler sur les volets gestion et utilisation. À l’inverse, si vous avez un bâtiment qui n’a pas une bonne qualité intrinsèque, il est certainement très utile de le rénover.Nous mettons un point d’honneur à activer ces trois leviers d’action et nous proposons aux acteurs du marché de commencer par faire un diagnostic de leur bâtiment ou de leur parc. Des outils d’évaluation en ligne existent sur notre plateforme ISIA pour faire le point sur les performances du bâtiment, et ensuite découvrir le potentiel d’amélioration. C’est un diagnostic de l’existant qui va permettre d’identifier les leviers les plus intéressants en fonction des objectifs, des moyens, et, surtout, de la situation réelle.
Cette évaluation nécessite-t-elle forcément l’intervention d’une personne extérieure ?
P. N : Elle peut être faite en ligne, pour peu que l’on dispose des informations sur les consommations d’énergie, d’eau, de déchets, etc. Cela dépend sur quel thème on porte sur cette analyse. On pense souvent à réaliser ce diagnostic uniquement sur la performance énergétique, mais si on veut vraiment traiter de l’attractivité du bâtiment sur le marché, il faut prendre en compte les critères environnementaux et tout ce qui fait la qualité de vie à l’intérieur du bâtiment. Ceux qui souhaitent être accompagnés peuvent faire appel à des référents certification HQE ou des référents labels qui sont des professionnels formés et qui ont passé un examen de reconnaissance.En termes de rénovation, quelles sont les interventions les plus courantes ?
P. N : Les tendances constructives en rénovation dépendent avant tout des objectifs poursuivis. Ces travaux sont réalisés pour que le bâtiment reste attractif sur le marché. Ce n’est donc pas seulement la performance énergétique, encore une fois, qui doit être recherchée, mais c’est autant la qualité de vie que les autres paramètres environnementaux comme le carbone, l’eau, les déchets, etc.Du coup, les solutions sont diverses. Le travail sur l’enveloppe est souvent pris en compte, car il permet à la fois de travailler sur le confort hygrothermique et acoustique, la lumière naturelle, la performance énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ensuite, il y a tout le travail à l’intérieur du bâtiment. On pense bien sûr à la lumière artificielle, qui est souvent un gros poste de consommation d’énergie dans un bâtiment tertiaire, et tout ce qui relève de l’aménagement intérieur, où l’on touche beaucoup plus l’adéquation avec la performance de l’entreprise. Pour nous, l’aménagement intérieur doit être pensé en fonction de l’organisation et des process de l’entreprise. Il y a beaucoup d’innovations dans ce domaine. Le plateau de bureaux qui était à la norme il y a encore peu de temps est remplacé aujourd’hui par des espaces différenciés, avec des espaces de co-working, des espaces de réunion informels ou hyperconnectés, des espaces pour s’isoler ou pour se détendre etc. Ils reflètent également les nouveaux modes de travail qui apparaissent.
Quelles sont les perspectives du marché ?
P. N : L’intérêt de la rénovation, c’est de remettre un bâtiment dans le marché. Quand on regarde la performance des bâtiments neufs, cela a tendance, par comparaison, à déqualifier un certain nombre de bâtiments. L’emplacement a bien sûr son importance, mais la qualité environnementale et les services offerts par un bâtiment doivent pouvoir soutenir la comparaison avec les bâtiments neufs.Propos recueillis par Fabien Carré
Photo de Une : ©Certivéa/Légende : Patrick Nossent, président de Certivéa