Les partenariats publics-privés vivement critiqués dans un nouveau rapport
David Hall, qui a dirigé l'Unité de recherche internationale sur les Services Publics (PSIRU) à l'université de Greenwich (Royaume-Uni), a passé en revue des PPP menés dans les pays industrialisés comme dans les pays en développement et sa conclusion est sans appel.
Avoir recours au secteur privé n'est ni « plus efficace » ni moins coûteux, estime-t-il, chiffrant de 10 à 20 % les surcoûts induits par l'organisation d'appels d'offres et le suivi des PPP.
Ces opérations « constituent un mécanisme de financement de l'infrastructure et des services onéreux et inefficace, puisqu'il dissimule l'emprunt public tout en fournissant aux entreprises privées des garanties de profit à long terme accordées par l'État », estime-t-il dans un rapport publié ce mardi par l'International des services publics (ISP), une fédération syndicale mondiale.
Un processus obscur qui favorise la constitution de cartels
De plus, ces appels d'offres géants auxquels seule une poignée de grands groupes est en mesure de répondre, réduisent la concurrence et « favorisent la collusion et la constitution de cartels », précise le rapport. « Dans le secteur de l'eau, en France et ailleurs, ces groupes font souvent des offres conjointes, ou se répartissent les marchés des grandes métropoles ».
Ainsi, l'auteur n'hésite pas à qualifier les PPP de « processus obscur qui s'opère pour l'essentiel dans le plus grand secret, en se cachant derrière des négociations confidentielles pour maintenir un avantage commercial ».
La secrétaire générale Rosa Pavanelli de l'ISP s'inquiète notamment de voir « les gouvernements et les Nations unies fortement influencés » par le « puissant lobby » des cabinets d'affaires et des grosses entreprises « résolues à engranger des bénéfices grâce aux services publics de base tels que la santé, l'eau, l'énergie ».
Et la nécessité de rendre les projets les plus rentables possibles en réduisant les coûts au maximum, détériore les services publics, l'environnement et a un impact négatif sur les travailleurs, estime la fédération syndicale mondiale.
D'autant que les PPP ne sont pas exempts de risques, rappelle-t-elle. Le secteur public n'étant pas à l'abri d'une exécution incomplète des contrats, d'une renégociation, d'une faillite de l'entreprise ou de défaut de paiement du maître d'ouvrage.
En France, certaines opérations en PPP sont décriées. La municipalité de Biarritz est par exemple en négociation depuis décembre avec Vinci, constructeur de sa « Cité de l’Océan » pour la résiliation du partenariat public-privé. D'autres ont carrément choisi d'y mettre un terme, comme c'est le cas du Centre hospitalier sud-francilien de Corbeil Essonne (CHSF) qui a rompu le sien avec Eiffage en mars 2014.
Le secteur public peut se financer seul
A l'heure où les taux d'intérêt sont très bas, l'ISP conseille aux gouvernements et collectivités locales de développer leurs infrastructures via leurs propres moyens financiers. « Le secteur public peut se financer à long terme à moindre coût, sur des échéances bien plus éloignées que ne le pourrait aucune société privée, en utilisant comme garantie de ses prêts ou émissions obligataires les recettes fiscales ou les redevances payées par les usagers », estime l'ISP.
Selon la fédération syndicale mondiale, le secteur public impose un meilleur contrôle, une plus grande flexibilité et une meilleure efficacité - grâce à des coûts de transaction et des aléas moindres sur l'exécution des chantiers, ainsi que des économies d'échelle - sur ces constructions.
Aussi il y a davantage de contrôle démocratique de ces chantiers, estime l'ISP. Le maintien d'effectifs dédiés aux services publics permet la sauvegarde d'emplois décents et stables, alors que l'emploi précaire se généralise dans le secteur privé, en particulier dans la sous-traitance.
Le gouvernement semble cependant soutenir encore pour un temps les partenariats publics-privés. En septembre dernier, le Premier ministre Manuel Valls a souligné la nécessité de « relancer l'investissement public comme privé dans le secteur des travaux publics et de la construction », pour retrouver la croissance et fournir des emplois.
C.T (avec AFP)
© Fotolia