« La Smart Data, ce sont des usages à inventer », Clément Guillon
D’un point de vue général, qu’est-ce que la Smart Data ?
Clément Guillon : En ce moment, on entend beaucoup parler de Smart Data et d’intelligence artificielle. Ce qu’il faut savoir, c’est que la Smart data est un courant de l’intelligence artificielle, qui concerne l’utilisation d’algorithmes pour automatiser des tâches ou pour créer des produits ou des objets dits « intelligents », c’est-à-dire indépendants de l’Homme. Le courant Smart Data, lui, consiste à utiliser les données et les injecter dans des algorithmes qui vont permettre de faire des recommandations intelligentes. C’est ce que l’on appelle « l’apprentissage » : on se sert des données pour comprendre des phénomènes et faire de l’aide à la décision. Si je devais résumer, il s’agit d’utiliser les données du passé et du présent pour anticiper le futur.Comment cela s’applique-t-il au secteur du BTP ?
C. G. : Il faut savoir que certains secteurs, dont la banque et l’assurance, utilisent l’historique des données depuis des années. En revanche, des secteurs comme le BTP ou l’industrie lourde n’ont pas l’habitude d’avoir de la donnée car ils regroupent des métiers de terrain. Jusqu’à présent, ils étaient assez peu digitalisés. Au mieux, on suivait les tâches avec des solutions logicielles, mais la présence des données sur les chantiers était assez limitée. Or, ce marché est en train de se mettre en mouvement.Assez récemment, on a compris qu’il y avait de l’optimisation à faire, au niveau de la rentabilité notamment. Dans cette situation, la donnée peut jouer un rôle à plusieurs titres. L’arrivée du BIM, des drones, de la robotique et des outils de suivi des tâches, apporte de la donnée nécessaire à la Smart Data. Les métiers du BTP, petit à petit, se numérisent grâce à des outils digitaux. L’avantage de ce phénomène, c’est qu’il apporte de l’historique de données sur les différents processus, ce qui va permettre de savoir comment se passent les livraisons de béton, les retards des travaux, les tâches sur les chantiers, la charge de travail, etc. Aujourd’hui, pour être clair, la Smart Data, ce sont des usages à inventer.
Comment se porte le marché de la data au service du BTP ?
C. G. : On estime que le marché européen des outils digitaux pour la construction représente environ 4 milliards d’euros, avec une croissance à deux chiffres chaque année. Nous sommes à la croisée de deux choses : d’une part, un secteur qui va commencer à produire de la donnée, et, parallèlement, l’accessibilité grandissante des technologies liées à la data. Le marché français se développe, lui aussi, extrêmement bien, avec des grands groupes de construction prêts à innover. On a également la chance d’avoir des laboratoires et des centres de recherche sur l’intelligence artificielle qui font partie des meilleurs mondiaux. Nous sommes donc au bon endroit pour que la Smart Data révolutionne le domaine de la construction.Pourquoi les entreprises du BTP sont-elles encore si peu nombreuses à utiliser les données ?
C. G. : Aujourd’hui, le marché n’en est qu’à la découverte de la Smart Data. Les sujets arrivent petit à petit. Par ailleurs, le secteur est composé de nombreuses entreprises familiales qui se battent pour leur rentabilité, et pour qui le numérique n’est pas la priorité. Je pense que beaucoup d’entreprises ne sont, pour l’heure, pas assez matures et qu’elles ne voient pas la pertinence de l’utilisation des données. L’enjeu, c’est donc de créer des services utilisables par tout un chacun qui pourront créer de la valeur.Quelles sont les solutions développées par Verteego pour accompagner les professionnels du BTP dans la maîtrise de la data ?
C. G. : Verteego est un éditeur de logiciels, notre métier est donc de fournir une infrastructure technologique qui permet aux entreprises d’exploiter au mieux leurs données pour construire des applications qui embarquent de l’intelligence artificielle et qui vont résoudre un problème. Dans le métier de la construction, l’une des premières problématiques que nous avons abordées est celle des déchets. Nous avons été lauréats d’un programme d’investissement d’avenir cofinancé par l’Ademe et Bercy, pour lequel nous avons proposé de mettre en place un chantier afin d’aider les entreprises à mieux comprendre la problématique des déchets de la construction et à trouver des solutions numériques pour optimiser le coût et la performance environnementale liés à cette thématique. Nous souhaiterions donc fournir une application qui va permettre aux constructeurs d’anticiper les volumes de déchets en fonction des typologies de chantiers et de suivre à la trace les déchets sortants afin de savoir à quel point ils ont été valorisés ou non. Il s’agit d’une solution qui est actuellement en phase de R&D, mais nous espérons lancer l’offre début 2018. Aujourd’hui, bon nombre d’applications sont sorties sur le suivi des tâches sur chantier pour digitaliser ces opérations. Il y a une grande appétence pour ces sujets, et le marché, de plus en plus riche, apporte de vraies solutions.
Propos recueillis par Fabien Carré
Photo de Une : @Verteego_FR (Twitter)