« Il est urgent de réinvestir nos réseaux d'eau ! », Bruno Cavagné, président de la FNTP
« Le prix moyen de l’eau potable et de l’assainissement collectif est de 3,98 € / m3 d’eau consommée mais les tarifs peuvent dépasser les 6 €. Ces inégalités de tarifs selon les régions et selon les conditions de traitement posent d’ailleurs la question : ne devrait-on pas instaurer un système de péréquation, pour plus de clarté et d’équité ? Sans compter que la facture d’eau est souvent noyée dans le montant des charges de la copropriété. Ce flou sur ce que l’on paye a un impact psychologique : chacun a le sentiment que l’eau est un bien primaire, gratuit, au même titre que l’air », souligne le président de la FNTP.
L’eau paye l’eau ? « Derrière cette formule lapidaire, il y a bien sûr le fait que le consommateur paie sa consommation, mais aussi qu’il paie la collecte, le traitement et la distribution de son eau pour qu’elle lui parvienne utilisable et potable et son assainissement pour qu’elle retourne à la nature nettoyée. En théorie, il paie aussi à travers sa facture d’eau le coût de l’entretien et de nouvellement des réseaux adéquats… mais en théorie seulement ».
Des canalisations trop peu renouvelées
Bruno Cavagné pointe ensuite la vétusté des infrastructures « qui a pour conséquence qu’un quart de l’eau potable parte dans la nature ». En effet, alors que la durée de vie des canalisations s’élève à 50 voire 75 ans, elles ne sont renouvelées que tous les 167 ans.Les fuites d’eau « offusquent » mais « on ne se donne pas les moyens d’entretenir nos canalisations. Il y a bien une instruction administrative concernant les règles de la comptabilité publique locale qui oblige à prévoir d'amortir les infrastructures... sauf que la durée d'amortissement y est facultative ».
Le président de la FNTP préconise que pour « cinquante ans de durée de vie des tuyaux », 2% de la somme investie initialement soit allouée chaque année à l’amortissement pour ainsi anticiper leur entretien. C’est actuellement « loin d'être le cas au regard du taux de renouvellement des infrastructures pratiqué : Il est de 0,60%, en moyenne, ce qui équivaut à un renouvellement des réseaux tous les... 167 ans ! »
Entretenir le patrimoine sous-terrain
Bruno Cavagné estime important de se poser la question du financement des infrastructures : « Pour cela, nous devons éveiller l’usager sur le vrai coût de l’eau, mais aussi les pouvoirs publics. Elus et agences de l’eau doivent pouvoir engager ce travail de responsabilité face aux nécessaires dépenses de renouvellement des réseaux ».Les « Assises de l’Eau » devrait répondre à cette problémétique. L'initiative vise entre autres une meilleure connaissance des réseaux et le déploiement de dispositifs qui permettent aux collectivités d’investir. Trois groupes de travail ont été constitués pour cette première séquence dédiée au « petit cycle » : Diagnostic technique et financier ; Ingénierie technique et juridique ; Ingénierie de financement. La deuxième séquence, qui devrait être lancée en août, traitera des aspects qualitatifs et quantitatifs des ressources en eau. Il s’agira d’aider les territoires à être « plus résilients au changement climatique ».
Bruno Cavagné le souligne : « Ce n'est pas parce que nos canalisations sont enfouies et donc invisibles, qu'il faut oublier d'entretenir notre patrimoine sous-terrain. C'est une question d'écologie comme d'économie. Nous ne pouvons décemment pas accepter de gaspiller des milliards de litres d'eau à cause de mini fuites piquetant nos réseaux d'eau. C'est irresponsable face aux défis environnementaux qui se posent à nous. Les conséquences du réchauffement climatique, inondations ou sécheresse, nous imposent une maîtrise des flux. »
« Nous avons aujourd'hui à disposition des nouvelles technologies innovantes qui nous permettent de repérer les fuites ou de réguler les flux grâce à des capteurs intelligents. Investissons donc pour en finir avec le gaspillage. Si dès maintenant les moyens ne sont pas alloués à l'entretien de nos installations d'eau, nous allons laisser une dette grise à nos enfants qui devront mettre la main à la poche pour pallier nos insuffisances actuelles », conclut-il.
R.C
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