Au T2 2023, +35 % de défaillances dans la construction
D’après le dernier bilan du cabinet Altares, les défaillances d’entreprises sont à 13 266 procédures ouvertes, entre le 1er avril et le 30 juin 2023. Soit une progression de 35 % par rapport au 2ème trimestre 2022. La hausse est cependant moins forte que celle constatée entre le 1er trimestre 2022 et le 1er trimestre 2023.
Il n’empêche que « la France enregistre son plus lourd bilan de 2e trimestre depuis 2016 » - où les chiffres atteignaient les 14 000 défaillances -, et demeurent « bien au-delà des niveaux de défauts d’avant crise », note Altares. Sur un an, les chiffres du T2 2023 dépassent le seuil des 50 000 entreprises défaillantes, proche des chiffres de février 2020, juste avant la pandémie.
« Au terme de ce 2e trimestre 2023, le référentiel d’avant Covid vole en éclat. Le cap des 13 000 défaillances est nettement franchi et nous ramène à des seuils similaires à 2016, période marquée par les crises financières et européennes. Les activités à destination des consommateurs sont les plus durement sinistrées : restauration rapide, alimentation générale, coiffure, réparation & vente de véhicules. Plus de 9 procédures sur 10 concernent des TPE, dont les 3⁄4 sont immédiatement liquidées. Plus de 1 100 PME et ETI ont aussi fait défaut, du jamais vu depuis plus de 10 ans », développe Thierry Millon, directeur des études d’Altares.
55 700 emplois seraient menacés, une limite jusque-là jamais franchie depuis 2014.
« Les entreprises lancées à l’issue de la crise ont éclos dans l’adversité »
Comme évoqué par Thierry Millon, les TPE sont les plus frappées par les défaillances au T2 2023. 91 % du total des procédures concernent les structures de moins de 10 salariés. « Le rythme d’augmentation est cependant bien plus marqué chez les PME ETI. Alors que les défauts de TPE sont en hausse de 33 % par rapport au T2 2022 (9 095), les PME ETI enregistrent une hausse de 55 % du nombre de procédures », est-il nuancé dans l’étude. Ainsi, 1 136 PME et ETI ont fait défaut au cours du 2ème trimestre. Soit plus que les 731 défauts enregistrés il y a un an, mais moins que les 1 289 dénombrés au printemps 2013.
Du côté des très jeunes entreprises, dont les défaillances s’envolaient de 130 % il y a un an, l’accalmie revient, avec -5 % au T2 2023.
Les très jeunes entreprises de moins de 3 ans se sont avérées plus résilientes. « Les entreprises lancées à l’issue de la crise ont éclos dans l’adversité, avec des projets très préparés, solidement financés, et une appréhension de la crise passée », en conclut le directeur des études d’Altares.
Ainsi, le nombre de défaillances sur cette catégorie recule de plus de 5 %. « 1 657 entreprises de moins de trois ans ont fait défaut, c’est également très en-dessous des 2 000 procédures ouvertes au cours du 2ème trimestre 2019 », lit-on dans la conjoncture.
Les entreprises sauvées par des dispositifs de sortie de crise ?
Dans le détail, les procédures de sauvegarde s’élèvent à 431 et les liquidations judiciaires (LJ) à près de 9 400 liquidations, soit proche des procédures enregistrées au T2 2016 (9 700). Moins de 3 500 procédures de redressement judiciaire (RJ) ont été enregistrées, soit moins des plus de 3 700 dénombrées lors du 2e trimestre 2019.
Pour ce qui est de la procédure temporaire de traitement de sortie de crise (PTSC), celle-ci a bénéficié à 155 entrepreneurs - dont 68 sur le seul premier semestre 2023. Entré en vigueur en octobre 2021, ce dispositif aide les petites entreprises exposées à des difficultés liées à la pandémie de rebondir, avant de prendre fin en juin 2023. 72 % y ont eu recours à la suite du jugement et ont eu le droit à un redressement, tandis que pour 28 % la PTSC a été revue en redressement voire liquidation judiciaire. « Pour l’instant, près de 9 plans sur 10 sont respectés », rapporte Altares.
Certaines régions sont plus concernées que d’autres par des hausses de défaillances d’entreprise, comparé à 2019, au point de même revenir aux niveaux de 2016. On retrouve l’Occitanie (1 200 défauts, soit +48 %, contre 1000 en 2019), la Nouvelle-Aquitaine (1 100, soit +37 %, contre moins de 1 000) ou bien le Centre-Val-de-Loire (450 défauts, soit +24 %). Mais c’est surtout l’Île-de-France qui retient l’attention, avec 3 100 défauts (+43 %).
Les défaillances dans l’immobilier alarment toujours
Si la situation est tendue dans des secteurs comme la restauration et la coiffure, le bâtiment se « maintient encore sous les seuils d’avant Covid », estime Altares, malgré une progression des défaillances de 37,2 %. Pareil pour la construction en général, où les défaillances sont en hausse de 35 % en ce second trimestre 2023, pour atteindre les 3 084, « sans renouer pour autant avec les seuils d’avant crise ».
Parmi les secteurs les plus en forme, on retrouve la construction de maisons individuelles (117 défauts, +18 %). D’autres corps de métiers sont plus à la traine, comme le gros oeuvre (885 ; +37 %, contre 1039 au T2 2019), tiré par les défaillances en maçonnerie générale (616 ; +54 %). Même constat dans le second œuvre (1522, +33 %) qui se rapproche de ses niveaux au T2 2019 (1575). « Quelques activités ont dépassé le référentiel 2019 ; il s’agit des travaux d’installation électrique, d’isolation ou d’étanchéification qui retrouvent les valeurs du T2 2016 », précise Altares.
À l’échelle des travaux publics, 170 défauts ont été enregistrés, soit 24 % de hausse. Cette « dégradation » s’explique par les défaillances de travaux de terrassement, qui retrouvent leur niveau au T2 2014.
Mais comme évoqué dans la conjoncture du 1er trimestre 2023, le bilan est particulièrement sévère chez les agences immobilières (190 ; + 104 %), qui enregistrent « les plus mauvais chiffres depuis le T2 2014 ». Un bilan s’expliquant par les tensions actuelles du marché.
La prudence est donc de mise pour les entreprises du bâtiment, qui prévoient une baisse de 7 % de leur activité selon la FFB.
Virginie Kroun
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