Au premier semestre, le chômage frappe les entrepreneurs du BTP
En juillet dernier, Altares, expert de la donnée d’entreprise, notait des défaillances en hausse parmi les entreprises de la construction, mais de manière modérée.
Cela n’a pas empêché le cabinet d'observer en cette rentrée une augmentation des pertes d’emploi chez les chefs d’entreprise. D’après un observatoire de l’emploi des entrepreneurs mené par Altares et l’association GSC - spécialisée dans l'assurance perte d'emploi des dirigeants d'entreprise -, 25 296 d’entre eux ont été touchés au cours du 1er semestre 2023. Soit une progression de 36,6 % par rapport à la même période de l’année précédente et « un retour aux niveaux d’avant-crise Covid », selon l’observatoire.
« Près de 140 chefs d’entreprise perdent désormais leur emploi chaque jour. Après une année 2022 qui nous alertait déjà sur la reprise des défaillances d’entreprise, cette accélération observée sur les premiers mois de l’année 2023 doit nous inciter à la plus grande vigilance », indique Anthony Streicher, président de l’association GSC.
Il poursuit : « Alors que l’inflation, la hausse des coûts des matières premières, des taux d’intérêts, l’épuisement des carnets de commandes et le remboursement des PGE fragilisent les chefs d’entreprise, il est plus important que jamais de les accompagner pour qu’ils puissent sécuriser leur trajectoire professionnelle ».
La région Auvergne-Rhône-Alpes la plus impactée
« Alors que la croissance économique est à la peine au 2e trimestre en zone euro lestée par l’Allemagne, la France fait preuve d’une remarquable vitalité », commente à son tour Frédéric Barth, directeur général d'Altares.
« Néanmoins, l’économie donne des signes de refroidissement. Si l’inflation a déjà étouffé la consommation des ménages, la hausse des taux d’intérêt visant à la contrer devrait peser sur l’investissement des sociétés qui était resté jusque-là très dynamique. Dans ce contexte, le nombre de défaillances d’entreprises, et donc de pertes d’emplois de dirigeants, continuera de progresser au cours du second semestre 2023 mais encore en 2024. À fin août 2023, la France cumule déjà sur huit mois 34 500 défauts soit le niveau constaté à fin août 2018 », abonde l’intéressé.
Et la situation de chômage des dirigeants d’entreprise s’aggrave sur l’ensemble des territoires, car la moitié des régions enregistre près de +50 % de pertes d’emplois. La région Auvergne-Rhône-Alpes accuse le pire bilan, avec 2 902 dirigeants en situation de chômage au premier semestre 2023, contre 1 841 au S1 2022 (+57,6 %). C’est le cas également en Île-de-France, qui concentre un quart des pertes d’emplois à l’échelle nationale (5 468 entrepreneurs concernés ; +47,9 % par rapport au S1 2022).
La moyenne d’âge des entrepreneurs impactés est de 45,9 ans. L’observatoire relève parmi eux un tiers de chefs d’entreprise de plus de 51 ans. Les autres tranches d’âge ne sont pourtant à l’abri, car les 31-40 ans et 41-50 ans observent respectivement 6 282 et 6 803 chefs d’entreprise en situation de chômage. En parallèle, les jeunes dirigeants montrent un besoin d’accompagnement face au risque de perte d’emploi, qui croît de 40,1 % chez les moins de 26 ans et de 43,2 % chez les 26-30 ans.
+50 % de pertes d’emploi dans la construction
Le premier semestre 2023 n’a certes pas été tendre envers l’ensemble des chefs d’entreprises, y compris ceux de grande taille - déclarant plus de 2 millions d’euros de chiffres d'affaires -, au sein desquelles le nombre de pertes d’emploi a doublé.
« Si le nombre de chefs d'entreprise de plus de 20 salariés ayant perdu leur emploi a décru pendant la crise Covid, il a doublé ce 1er semestre comparé à l’année dernière (20 à 49 salariés + 104,4 % ; > 50 salariés + 98,5 %) », est-il précisé dans l’observatoire. Les dirigeants des TPE (moins de 5 salariés) demeurent cependant les plus frappés par le chômage, et représentent 9 pertes d’emploi sur 10.
De quoi alarmer le BTP, dont le tissu économique se constitue en majeure partie de petites structures. Les entrepreneurs de la construction font partie des plus fragilisés par le chômage (5 713 pertes d’emploi, +50 % par rapport au S1 2022), aux côtés de ceux dans le commerce (5 614, +47,2 %), la restauration et l’hébergement (3 470, +65,9 %), ainsi que la coiffure et l’esthétisme (1 152, +57,8 %)
« Les gérants de SARL - 11 049 dirigeants touchés - forment l’essentiel des pertes d’emploi (45,6%), en croissance de +42,5 % par rapport au S1 2022). Toutefois, la part des dirigeants de SAS (42,5 %) augmente ce semestre (+62,2 %). Les professions libérales enregistrent quant à elles un taux plus faible (+10,2 %) avec 248 chefs d’entreprise ayant perdu leur activité », lit-on également dans la note de conjoncture d’Altares et de GSC.
Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock