Accessibilité des chantiers du BTP pendant les JOP : que faut-il savoir ?
En 2023, la région Île-de-France comptait 120 000 entreprises du bâtiment, employant 390 000 actifs (dont 11 800 apprentis), pour un chiffre d’affaires de près de 40 milliards d’euros.
Mais quel sera l’impact de la période des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris sur l’activité de ces entreprises du bâtiment ?Tous les chantiers seront-ils accessibles malgré l’activation de zones à circulation restreinte ?
Nous avons interrogé Philippe Servalli, président de la FFB Grand Paris Île-de-France, et Jonathan Salmon, secrétaire général de la CAPEB Grand Paris. Ces derniers sont unanimes : ils saluent les échanges avec la préfecture de police de Paris, qui se serait montrée compréhensive et arrangeante face à leurs requêtes.
« On était inquiets au départ. Il y avait beaucoup d’entreprises qui disaient qu’elles allaient fermer », nous confie Jonathan Salmon, secrétaire général de la CAPEB Grand Paris. « Mais après de nombreuses discussions, la préfecture de police de Paris a pris acte de nos demandes et de nos inquiétudes. Il y a beaucoup de dérogations qui sont mises en place pour notre secteur, de telle manière à ce que les entreprises puissent travailler. Nous avons aujourd’hui la garantie qu’il n’y aura pas de perturbations excessives et que l’activité pourra être largement maintenue », se réjouit-il.
Pour mieux appréhender cette période, les professionnels du bâtiment doivent toutefois connaître certaines subtilités, et notamment avoir à l’esprit l’instauration de zones rouges et de zones bleues, activables entre le 15 juin et le 15 septembre.
Mais quelle différence entre les zones rouges et les zones bleues ? Les zones rouges, situées à proximité des lieux de compétitions, seront activables plusieurs heures par jour. Durant les horaires d’activation, aucun véhicule ne pourra y circuler, sauf en cas d'intervention urgente.
Zones rouges : le retour des QR Codes
Les professionnels du bâtiment pourront toutefois accéder à leur chantier à pied ou en métro, mais un QR code sera nécessaire pour rentrer en véhicule dans les zones rouges lorsque l’intervention ne sera pas considérée comme urgente.
« Aujourd’hui, on connaît parfaitement la délimitation de ces zones rouges, on connaît le calendrier olympique, les horaires de manifestation, on connaît les horaires d'activation de ces zones rouges (2h30 avant, plus d'1h après l'épreuve), donc on sait que nos conditions de livraison vont être à adapter », indique Philippe Servalli, le président de la FFB Grand Paris IDF.
Les demandes de QR Codes pourront être déposées sur une plateforme qui devrait être mise en service dans le courant du mois de mai. Le fonctionnement devrait ainsi rappeler la période de la crise sanitaire.
Les travaux « avec emprise sur voirie » interdits
Dans les zones rouges, les travaux « avec emprise sur voirie » devraient toutefois être interdits du 15 juin au 15 septembre. Il sera donc impossible d’installer des échafaudages durant ces trois mois, mais ceux déjà installés n’auront pas besoin d’être démontés.
« Installer un échafaudage, cela veut dire que vous avez une emprise voirie, donc ça n’est pas possible. On ne pourra pas non plus déposer du matériel ou des matériaux sur des places de stationnement, ni installer de cabanes ou de WC de chantier. D’une manière générale, toute installation (échafaudage, grue, baraque de chantier, stockage de matériel ou de matériaux, etc…) est interdite », détaille le secrétaire général de la CAPEB Grand Paris.
« Le point sur lequel la préfecture ne pouvait pas déroger, c’était sur les chantiers avec emprise sur voirie. Elle a expliqué, notamment aux travaux publics, qu’il n’y aurait pas de dérogations », ajoute le secrétaire général de la CAPEB Grand Paris.
La Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP), que nous avons contactée, n’a pas souhaité commenter à ce jour, attendant de nouvelles précisions, et notamment des annonces concernant la possibilité de recourir au chômage partiel.
« Si on peut saluer le fait que les périmètres et les durées d'interruption de chantier et de circulation ont été circonscrites (15 juin-15 septembre plutôt que 15 mars-30 octobre) par rapport aux premières annonces, il manque cependant des outils indispensables pour permettre aux entreprises de faire face aux arrêts de chantiers, notamment sur le plan juridique et sur la prise en charge de l'activité partielle », avait toutefois déclaré la FNTP dans son dernier communiqué.
Le président de la FFB Grand Paris IDF précise de son côté que « des mesures accompagnatrices devraient être acceptées à partir du moment où il y a une demande d’arrêt d’activité de la part des autorités ». « Il faut quand même bien distinguer la demande d'arrêt d'activité par arrêté du préfet, d'une adaptation de l'activité, qui elle, n’ouvrira pas le droit, a priori, à des mesures compensatrices », précise-t-il.
À l’occasion de sa conjoncture début avril, la FFB Grand Paris IDF disait attendre encore des précisions concernant la circulation en banlieue parisienne, et notamment autour de Saint-Denis et de Versailles. Qu’en est-il aujourd’hui ?
« Les zones rouges de Saint-Denis, du Stade de France, du Village des athlètes, et de Versailles, sont connues. Ce sont les mêmes règles qui s’appliquent. Il y a une uniformisation des règles qui va être prise sous l'autorité du préfet de police. La compétence du préfet de police de Paris va être étendue à l’ensemble des périmètres des JOP en Île-de-France», nous répond son président.
Ce dernier reste confiant quant à l’impact de ces zones rouges et bleues sur l’activité, alors qu’elles ne représenteraient qu’environ 5 % du territoire du Grand Paris.
Trajets : des zones bleues à éviter
Les zones bleues, quant à elles, seront davantage « larges et permanentes », mais ne devraient pas nécessiter de QR Code. Il sera possible de s’y rendre en véhicule, à condition de posséder un justificatif indiquant un point de chute dans la zone (bon de livraison, adresse du chantier ou des bureaux…). Il ne sera en revanche pas possible de simplement y transiter en véhicule.
Selon le président de la FFB Grand Paris, il faudra donc étudier son trajet avant de prendre la route, identifier les zones à éviter, et ne pas chercher à raccourcir son parcours en passant par des zones bleues. Il rappelle par ailleurs que la carte BTP pourrait constituer un justificatif pour les autorités.
Le principe de sécurité prévalant – notamment avec le contexte géopolitique actuel et le risque d’attentats – le secrétaire général de la CAPEB Grand Paris appelle les professionnels du bâtiment à faire preuve de patience, et de bienveillance envers les forces de l’ordre.
« Si, à un moment donné, cela prend du temps sur un point de contrôle – que ce soit sur nous ou quelqu’un qui est devant – on demandera à nos entreprises et à leurs salariés de prendre leur mal en patience », souligne Jonathan Salmon.
JOP et rentrée des classes : une circulation qui devrait se complexifier début septembre
Alors que la circulation est déjà habituellement compliquée en Île-de-France, elle devrait encore se complexifier durant la période des JOP. Les fédérations du bâtiment franciliennes attendent donc avec impatience que le plan de circulation soit « officialisé ».
« On sait qu’il va y avoir des voies dites "olympiques", réservées aux officiels des JO, aux taxis et aux ambulances. Cela concerne par exemple une partie du périphérique, et des autoroutes A1, A4, A13, et A15», indique Philippe Servalli.
Si le mois d’août est parfois synonyme de fermeture annuelle pour certaines entreprises du bâtiment, la circulation inquiète surtout pour début septembre, alors que la période des Jeux Paralympiques de Paris coïncide avec la rentrée des classes, prévue le 2 septembre.
« On pense que la période de début septembre va être la plus compliquée pour nos entreprises», prévient ainsi le président de la FFB Grand Paris IDF.
Ralentissement de l’activité : rassurer les maîtres d’ouvrage
Outre les problèmes de circulation, la principale inquiétude concerne le ralentissement de l’activité du bâtiment, dans un contexte déjà difficile pour la construction neuve et l’entretien-rénovation.
Selon le président de la FFB Grand Paris IDF, il existe un risque que les maîtres d’ouvrage freinent, voire reportent, des projets, par crainte de complications pendant la période des JOP.
« Nous avons des maîtres d’ouvrage qui nous disent que cela va être compliqué et qui préfèrent reporter tout après les JOP. Certains se disent "On ne va pas s’embêter, on risque d’avoir des problèmes, les entreprises ne vont pas pouvoir travailler normalement, les chantiers vont prendre du retard… il vaut mieux décaler". C’est plutôt cet aspect-là qu’on est en train de combattre par de l’information », nous explique Philippe Servalli.
« On ne voudrait pas que nos maîtres d'ouvrage publics ou privés soient influencés par ces événements, au point de reporter des travaux à la fin de l'année, voire pire, à l'année prochaine. Car il y a beaucoup de travaux d’entretien qui se font quand les entreprises ou les locaux sont fermés, donc si on ne les fait pas cet été, ce sera l’été prochain. C’est un an de décalage », alerte-t-il.
Anticiper pour mieux s’organiser
Mais alors, quels sont les conseils à donner aux entreprises du bâtiment franciliennes pour qu’elles abordent cette période le plus sereinement possible ?
« Le premier conseil, c’est d’anticiper, et donc de prévoir la gestion de chantier au millimètre, pour que les approvisionnements soient faits en temps et en heure, que les déclarations soient bien faites sur le portail de la préfecture, de s’assurer que le QR Code soit bien lisible », recommande le secrétaire général de la CAPEB Grand Paris.
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Propos recueillis par Claire Lemonnier
Photo de une : Adobe Stock