Massifier le réemploi : le pari de GCC et Réutil
Réutil a été lancée il y a trois ans, quel était son objectif initial ?
Stéphane Loiseau : La plateforme facilite l’échange de matériaux entre entreprises. Le principe est simple : celui qui donne offre gratuitement les matériaux, et celui qui reçoit prend en charge le transport. Avec la version 2, une version web moderne accessible sur PC et smartphone, nous avons intégré six autres entreprises, comme Léon Grosse ou Legendre.
Nous avons obtenu de beaux résultats avec des matériaux comme les moquettes, les faux-planchers, le mobilier de bureau, les sanitaires et les gaines de ventilation. Par exemple, sur un projet, 2 000 m2 de moquettes ont été réemployés, ce qui a permis une économie substantielle.
Quel bilan tirez-vous de cette initiative ?
Stéphane Loiseau : Réutil est aujourd'hui bien plus qu’une simple application. Elle incarne une démarche ambitieuse pour structurer le réemploi des matériaux dans le bâtiment. L’objectif initial était de répondre aux enjeux croissants de durabilité et d’économie circulaire. En trois ans, nous avons constaté des avancées significatives. Des garde-corps, des moquettes, ou encore des gaines de ventilation ont été réemployés sur divers projets.
Cependant, nous voyons encore beaucoup de défis à relever, notamment en termes de massification des ressources et de structuration de la filière. Il y a deux raisons principales. D’abord, la RE2020 impose des seuils carbone de plus en plus stricts en 2028 et 2031, et sans réemploi, ces objectifs seront impossibles à atteindre.
Les contraintes d’assurance posent également problème, notamment pour les matériaux techniques ou liés à la sécurité. Mais en mutualisant nos efforts avec nos partenaires, nous espérons avoir plus de poids auprès des assureurs. Par ailleurs, la filière du réemploi manque encore de structuration et de massification, ce qui complique les projets d’envergure.
Ensuite, il y a une forte attente sociétale, notamment des jeunes générations, qui souhaitent des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
En quoi consiste le partenariat avec les 12 nouvelles entreprises qui ont rejoint Réutil récemment ?
Stéphane Loiseau : Ce partenariat marque une étape importante pour Réutil. En plus des entreprises déjà engagées, nous avons intégré six plateformes spécialisées dans le réemploi (Articonex, Tricycle, le Plateau Circulaire, Murbeau Réemploi, Cyclope, etc.) ainsi que six ETI du secteur de la construction. Ces nouveaux adhérents permettent de renforcer notre écosystème et d’élargir considérablement les possibilités d’échanges de matériaux.
Concrètement, ce partenariat facilite l’accès à une base de données plus riche et variée. Par exemple, un utilisateur qui recherche des portes ou du mobilier via Réutil verra les annonces des entreprises partenaires et sera redirigé vers leurs plateformes si nécessaire. Cela favorise la massification des ressources disponibles, essentielle pour répondre aux enjeux de réemploi à grande échelle.
Comment s’organise la collaboration avec ces nouvelles entreprises au quotidien ?
Stéphane Loiseau : Nous avons mis en place des outils de communication et des supports personnalisables (affiches, plaquettes, webinaires) pour intégrer ces acteurs à l’écosystème Réutil. Nous encourageons également des échanges inter-entreprises pour partager des retours d’expérience et créer des synergies.
Par exemple, des sessions de sensibilisation croisées sont en préparation. L’idée est qu’une entreprise comme Legendre puisse accueillir GCC ou Rabot-Dutilleul pour des ateliers communs, et vice versa. Ce type d’initiative permet de dépasser les éventuelles réticences et de bâtir une vraie culture du réemploi au sein des équipes.
Quels sont vos objectifs et quel message souhaitez-vous faire passer au secteur ?
Stéphane Loiseau : À court terme, nous souhaitons intégrer plus d’acteurs, notamment des PME et TPE, pour élargir notre réseau. À moyen terme, nous travaillons sur des solutions pour diversifier nos ressources et renforcer les diagnostics PEMD en amont des projets. À long terme, nous devrons envisager un modèle économique durable, car le réemploi prêt-à-l’emploi a un coût.
Bien que nous offrions actuellement le service gratuitement, une tarification sera nécessaire pour assurer sa pérennité.
Il est temps de passer à l’action. Nous avons désormais les outils pour faire du réemploi une pratique courante. Cela demande un changement d’état d’esprit, mais les résultats en valent la peine. Arrêtons de simplement communiquer sur ces sujets : engageons-nous dans des démarches concrètes, collaboratives et ambitieuses.
Propos recueillis par Marie Gérald
Photo de une : Réutil