BIM, CIM, TIM : Quelles perspectives pour la modélisation des données ?
Fondé en 1998, le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA) est un service interministériel. « Depuis cette époque, nous enchaînons des programmes d’expérimentation pour soutenir l’innovation et faire en sorte que le professionnels, de quelque nature qu’ils soient - pourvu que ça concerne l’urbanisme, la construction, l’architecture - avancent », rappelle Pascal Lemonnier, secrétaire adjoint du PUCA, lors d’un club d’amélioration de l’habitat (CAH).
Auprès des territoires et des villes, le PUCA est à l’origine de programmes de recherche, notamment sur la modélisation des données du bâtiment (BIM), il y a huit ans, via le programme « BIM maquette numérique ». Grâce à ce système de numérisation des chantiers, « les entreprises font 20 % d’économies sur l’ensemble de la phase conception-travaux », estime Pascal Lemonnier.
« Ne me demandez pas les sous-répartitions entre les architectures et bureaux d’études : je les ignore. Ça fait partie des secrets de polichinelle en entreprise. Sur les 90 expérimentations qu’on a menées, on a 65 qui se sont faites en gestion le reste en travaux. En gestion, selon l’implication du maître d’ouvrage et son degré d’investissement - parce que ça coûte cher quand on a perdu tous les plans et qu’on a n’a plus rien - c’est entre 5 et 16 % de rationalité positive chaque année », abonde-t-il.
Cap vers le BIM-CIM-TIM
Mais la modélisation de données de chantier doit aller plus loin que le bâtiment pour le PUCA.
« Il y a deux ans, j’ai décidé d’élargir le cham à l’aménagement des zones denses, la ville, le quartier, le territoire. Et là, on constate les mêmes difficultés qu’on constate encore un peu sur les bâtiments, à savoir que les progiciels de gestion des maîtres d’ouvrage, quels qu’ils soient, même des collectivités locales, sont pour la plupart aux mains de leurs processionnaires. Et finalement, les données qui appartiennent aux collectivités, aux maîtres d’ouvrage leur échappent, parce qu’ils ont du mal à récupérer les données pour les travailler par eux-même », expose son secrétaire adjoint.
Ainsi, après le BIM, le PUCA travaille sur le City Information Modeling (CIM) et le Territory Information Modeling (TIM).
« Là, on va commencer sur les quartiers et territoires, de casser cette logique. Non pas de casser les modèles économiques. Par contre empêcher un maître d’ouvrage d’avoir la possession et l’usage de ces données, ça c’est formidable. Le Conseil d’État a tranché, la Cour des comptes aussi. On est en train de trouver sur le plan technique, technologique, les moyens d’ouvrir ces restrictions presque maladives des éditeurs », défend M. Lemonnier.
Un appel à propositions de « pratiques exemplaires » et d’expérimentations du PUCA à encourager à croiser ces différentes notions de BIM-CIM-TIM. Parmi les lauréats dévoilés par le jury le 5 mai dernier : des constructeurs (Eiffage Construction, Vinci, Baudin Chateauneuf, GCC), des cabinets d’architecture mais également des collectivités comme les métropoles de Lille, Toulouse, Brest ainsi que le département de Mayotte. « Vous connaissez les difficultés politiques et sociales locales avec les îles d’à côté, il y a un vrai sujet », commente à propos de l’archipel d’Outre-Mer Pascal Lemonnier.
Vers un AMI du privé aux acteurs publics ?
Pour l’architecte-urbaniste François Pélegrin et représentant l'Union Nationale des Syndicats Français d'Architectes à l’AG du CAH, l’approche de la modélisation de données doit se faire dans le numérique. Avec le bureau de contrôle BTP Consultants et un expert en jeux vidéos d’immersion, « on a fait appliqué ce concept pour faire de la revue de projets, mais en mode forain », muni de tablettes, lunettes, et d'un vidéo projecteur utilisés dans une cabane de chantier.
« On pouvait immerger tous les acteurs du chantier », relate François Pélegrin. Marne-la-Vallée, Nîmes et bientôt Cogolin, « on est en train de trouver des terrains d’expérimentation pour mettre notre concept opéré à l’épreuve du feu. Ce n’est pas en bricolant parcelle par parcelle qu’on sera au rendez-vous. Les politiques peuvent dire nous dire 300 000, 400 000, 500 000, 700 000 voire 1 million, ça n’engage qu’eux. Moi je pense que si on change de maille, oui on va pouvoir sans doute massifier et produire de l’économie d’échelle : -15 %, -20 % certainement, grâce au numérique employé utilement », poursuit l’architecte-urbaniste.
L’enjeu étant également d’accompagner les élus, maîtres d’ouvrage et usagers d’îlots vers une « compréhension parfaite du projet ». D’où l’idée de l’UNSFA de lancer un appel à manifestation d’intérêt (AMI) adressé aux élus. Une démarche innovante, car d’habitude, dans les AMI c’est toujours le public « qui sollicite le privé ».
« Je propose que le CAH fasse à l’inverse, c’est nous le privé qui venons lancer un appel à manifestation d’intérêt au public, pour leur demander si l’idée de travailler en îlot, accompagné de la méthodologie leur convienne ou pas. On espère développer plusieurs terrains d’expérimentations à des échelles variées, parce qu’on voudrait tester la faible densité : les îlots de maisons individuelles, le centre-ville pas très dense ou le centre-ville beaucoup plus dense… », propose François Pélegrin.
Autre projet exposé par l’architecte-urbaniste : le lancement d’un prix UNSFA/CAH sur la « Requalification architecturale des copropriétés ». « Même si les récentes hausses des prix ont donné du regain à l’économie d’énergie au sens strict du terme, je m’emploie depuis des années à vouloir restituer le terme rénovation thermique à la requalification architecturale. Parce qu’évidemment, la requalification architecturale englobe lethermique mais pas que », explique l’intéressé. Il y a aussi l’idée de « transfigurer cette copropriété qui ne faisait pas souvent la fierté de ses habitants ». Les récompenses seront remises le 12 septembre à 17h lors des Renodays.
Virginie Kroun
Photo de Une : V.K