Politique du grand âge : (enfin) une stratégie solide ?
Si le conseil national de refondation consacré (CNR) au logement a retenu notre attention en juin dernier, un autre a été consacré au bien vieillir en avril. En découle une proposition de loi sur le sujet (PPL), qui valide le principe d'une loi de programmation pluriannuelle sur les politiques dédiées au grand âge.
Le texte revient pour être débattu à l’Assemblée nationale, ce lundi 20 novembre. À la veille de ces échanges parlementaires, la ministre des Solidarités Aurore Bergé a confirmé ce vendredi 17 novembre la nécessité d’une telle loi de programmation, tout en annonçant une stratégie interministérielle sur le bien vieillir.
« Une vraie logique interministérielle », selon la filière silver économie
La stratégie interministérielle exposée par Aurore Bergé se développe en quatre axes : « prendre en compte de nouveaux besoins et reconnaître la place des séniors », « donner le choix de vieillir où l’on souhaite », « accompagner les solidarités entre générations » ainsi que « garantir les droits et la participation des citoyens âgés », lit-on sur le site de la Banque des Territoires.
Le tout à travers un comité interministériel notamment Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur et Recherche), Clément Beaune (Transports), Prisca Thevenot (Jeunesse et du Service national universel), Amélie Oudéa-Castéra (Sports), Aurélien Rousseau (Santé et Prévention) et Agnès Firmin Le Bodo (Organisation territoriale et des Professions de santé), Sabrina Agresti-Roubache (Politique de la Ville), ainsi que Christophe Béchu (Transition écologique et de la Cohésion des territoires).
Tout un parterre ministériel qui tend à collaborer avec les représentants de la silver économie. « Jamais nous n’avions eu droit lors d’une réunion sur le bien vieillir à la présence de neuf ministres », a commenté à ce propos Luc Broussy, président de France Silver Eco. « Mieux, pour la première fois, une Ministre a clairement demandé la création d’un Comité interministériel dédié au suivi de la stratégie bien vieillir. C’est ce que souhaitait depuis longtemps la Filière Silver économie et ce que j’avais moi-même prôné dans le rapport "Nous vieillirons ensemble" de 2021 », se réjouit l’intéressé.
« Aurore Bergé a pleinement validé la stratégie de la Filière Silver économie visant à coordonner les initiatives existantes dans les domaines de l’autonomie, de la santé, du logement, des territoires ou de l’économie. Dans ce cadre, la Filière Silver économie exposera prochainement son Acte II avec une nouvelle Gouvernance et un nouveau Contrat de Filière », abonde-t-il.
Trop de mesurettes, sans réel financement, ni calendrier bien défini
Parmi les 51 mesures concrètes, la feuille de route prévoit d’accroître l’attractivité des métiers du médico-social ou l'adaptation des services publics via le Service public départemental de l'autonomie (SPDA). Sans compter la prochaine entrée en vigueur de l’aide MaPrimeAdapt’, avec une dotation d’1,5 milliards d’euros pour accompagner l’adaptation des logements au vieillissement et à la perte d’autonomie.
Si les intentions du gouvernement sont bonnes, Luc Broussy relève cependant « trop de thèmes oubliés, aucune vraie innovation et beaucoup de redites ».
L'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (Unccas), de son côté, reconnaît la promesse de « passer à la vitesse supérieure » sur la politique du grand âge, elle regrette l’absence d’ « un calendrier législatif clair » et « d’un vrai plan de financement ».
« La PPL entend appeler à "une amplification des mesures en faveur d’un véritable virage domiciliaire" », notent Thomas Abinal et Amaury De Calonne, co-fondateurs de Monetivia, expert en monétisation d’actifs immobiliers et démembrement de propriété, à destination notamment des séniors.
Mais selon ses représentants, le texte « passe à côté d’un point fondamental, celui de la question de l’autofinancement du maintien à domicile. Car force est de constater que les pouvoirs publics ne pourront pas prendre en charge la totalité de ce financement, d’où l’importance du développement des instruments de mobilisation des patrimoines privés, sachant que des solutions existent déjà pour rendre liquide son patrimoine immobilier ».
Même son de cloche du côté de Dillan, entreprise spécialiste de l'acquisition totale ou partielle de la nue-propriété du logement des plus de 70 ans.
« Dans l’ensemble, la PPL « bien vieillir » se concentre sur les aides pour les opérateurs (aide à domicile, EHPAD, tiers lieux) et sur les agences publiques (régions, départements), ce qui est déjà une première avancée nécessaire et louable. Mais la problématique concrète du sénior « comment je finance mon autonomie à domicile ? » reste toujours sans réponse (…) une fois de plus, un enjeu qui était présenté comme capital pour le quinquennat (et qui va nous poursuivre longtemps après), est traité par des mesurettes, des observatoires et des rapports. Cela va encore encourager l'attentisme des financeurs publics et privés français (banques, assurances), déjà frileux sur la question du logement, et qui ne s'engagent qu'à reculons sur la question de l'offre de financement des seniors », selon son co-fondateur, Stéphane Revault.
Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock