Éco Énergie Tertiaire : quelles perspectives pour la rénovation énergétique ?
En juillet 2019 paraissait le décret tertiaire, créant l’obligation Éco Énergie Tertiaire (EET). Entrée en vigueur le 1er octobre 2019, cette dernière réglementation impose à tous les propriétaires et exploitants de bâtiments tertiaires de plus de 1c000 m2 de déclarer leurs données de consommation énergétique sur les années 2020 et 2021, tout en déclarant une année de référence. Une obligation qui concerne une diversité de bâtiments : bureaux, services publics, enseignement, commerce, hôtellerie restauration, gares… Ces déclarations sont à réaliser sur la plateforme de l’Observatoire de la performance énergétique, de la rénovation et des actions du tertiaire (OPERAT), lancée début 2022 par l’ADEME.
Un report des déclarations au 31 décembre 2022
L’échéance des déclarations,cfixée au départ au 30 septembre 2022, a été reportée au 31 décembre 2022. « L'obligation étant nouvelle, les propriétaires et exploitants déclarent en 2022 leurs consommations d'énergie sur la plateforme OPERAT pour la première fois. 2022 est une année d’apprentissage pour les assujettis. Afin d’assurer une bonne prise en main par les exploitants du dispositif, l’État a donc décidé d'accorder une tolérance jusqu'à la fin de l'année. Cette observation concerne toutes les zones géographiques et catégories de bâtiments tertiaires », explique le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires.
En plus du délai de déclaration, l’État laisse aux propriétaires et exploitants de bâtiments tertiaires le choix d’une année de référence dans leur déclaration. « La loi (L.174-1) permet à chaque assujetti de sélectionner l'année de référence la plus pertinente dans sa stratégie de réduction de sa consommation d'énergie », nous précise le ministère. « Il s'agit de laisser aux assujettis une marge de manœuvre, car certaines années d'exploitation ont pu connaître des circonstances particulières (arrêt de fonctionnement, etc...), amenant à des consommations d'énergie de référence pouvant être très faibles et qui ne refléteraient pas le fonctionnement réel de l'entité assujettie », poursuit-il.
Des objectifs de réduction de consommation énergétique à atteindre dans le tertiaire
S’ensuivra, d’ici fin 2024, une analyse détaillée des données déclarées entre 2020 et 2023. En fonction du bilan énergétique, « tout bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiments soumis à l'obligation doit atteindre, pour chacune des années 2030, 2040 et 2050 » des objectifs de réduction de consommations, recontextualise le ministère de la Transition écologique.
Et les ambitions sont variables selon la faisabilité pour chaque bâtiment. Il y a par exemple l’objectif de réduction du niveau de consommation d’énergie finale, respectivement de 40 %, 50 % et 60 % sur les périodes mentionnées, par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010. Le second objectif peut être une réduction absolue de la consommation, « en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie », précise l’institution.
Une première vérification de l’atteinte de ces objectifs de 2030 est prévue en 2031. Cependant, le gouvernement, dans cette vaste transition énergétique du bâtiment, ne tend pas à occuper uniquement le rôle de surveillant, mais également d’accompagnateur. « Au-delà des obligations réglementaires de remontée des données de consommation d'énergie et d'atteinte des objectifs en 2030, EET fournira à termes des services à ses assujettis leur permettant de mieux piloter leur stratégie de réduction de la consommation d'énergie : une notation EET sera mise en place, une attestation permettra de justifier du respect de ses obligations réglementaires, des outils de benchmark seront disponibles pour comparer la performance de son entité à d'autres », déclare le ministère de la Transition écologique.
À préciser également qu’en cas de non-déclaration sur OPERAT et de non remise d’un programme visant l’atteinte de ces objectifs, les assujettis à l’obligation Énergie Tertiaire s’exposent à des poursuites. Celles-ci peuvent aller du name & shame, à une amende de 1 500 euros pour les personnes physiques, et 7 500 euros pour les personnes morales.
Plus de rénovation ou un changement d’usages des bâtiments tertiaires ?
Selon les chiffres du ministère, 973,4 millions de m2 sont concernés par l’obligation Éco Énergie Tertiaire, et 150 millions m2 de de bâtiments tertiaires ont déjà vu leurs données déclarées sur OPERAT. Est-ce que les premières déclarations distinguent certains postes de consommations énergivores ?
« Les assujettis renseignent sur OPERAT des données de consommation d'énergie totale sans distinguer les usages. Il n'est donc pas possible de répondre à la question à partir des données d'OPERAT », nous répond l’instance gouvernementale. « En revanche, catégorie par catégorie, des études sectorielles existent et permettent d'identifier les usages les plus consommateurs d'énergie. Ces usages diffèrent assez largement entre deux catégories. Par exemple, la cuisson apparaît comme un usage très consommateur dans les restaurants alors que l'éclairage pèse très lourd dans certains commerces. Pour atteindre les objectifs du dispositif, chaque usage est important : usages thermiques ou process. Par ailleurs, il est possible de réduire sa consommation d'énergie sans faire de travaux : meilleure gestion des équipements en place, comportements des occupants... », complète-t-elle toutefois.
La sobriété est en effet un des leviers activés par le gouvernement afin de lutter contre la crise énergétique actuelle. On compte également le coup d’accélérateur sur les énergies renouvelables (EnR), ou encore le soutien à la rénovation énergétique des logements.
Une diversité d’aides à la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires
Mais qu’en est-il des soutiens à la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires ? D’après nos sources ministérielles, il existe 57 fiches CEE d'opérations standardisées mobilisables pour les travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments tertiaires.
À cela s’ajoute le coup de pouce « Chauffage des bâtiments résidentiels collectifs et tertiaires », incitant les propriétaires et gestionnaires de bâtiments concernés à remplacer leur équipement de chauffage ou de production d’eau chaude sanitaire (ECS) au charbon, fioul ou gaz, autre qu’à condensation. Sont encouragés les systèmes thermiques accordables à un réseau de chaleur alimenté majoritairement par des EnR ou énergies de récupération. Pour les gestionnaires et propriétaires en impossibilité technique ou économique de raccordement, il est possible d’être aidés financièrement dans l’installation d’équipements ne consommant ni charbon ni fioul.
Mais surtout, l’État pousse l’installation des systèmes intelligents pour optimiser la gestion technique des bâtiments (GTB), et éviter jusqu’à 20 % de gaspillage énergétique, d’après les estimations ministérielles. L’aide consacrée à cet appareillage des bâtiments tertiaires a donc été doublée. « Concrètement, pour un bâtiment de 5 000 m², cela représente une aide de 46 000 € », précise le ministère de la Transition écologique. « Les acteurs des bâtiments tertiaires peuvent également souscrire aux contrats de performance énergétique, au fonds chaleur (pour financer des réseaux de chaleur ou de froid, des chaudières biomasse...), ou encore à des prêts économie d'énergie de la BPI pour les PME », poursuit-il. Dans une synthèse précisant les contours d'Éco Énergie Tertiaire, le ministère mentionne également l'amélioration de l'enveloppe du bâti (isolation, menuiserie, protection solaire...).
Si l’obligation Éco Énergie Tertiaire s’adresse aux propriétaires et gestionnaires de bâtiments tertiaires, des dispositifs législatifs ont été pensés pour aiguiller les professionnels chargés de l’entretien des chaudières. « Un arrêté vient préciser les points de vérification et les recommandations à effectuer lors des visites afin de ne pas gaspiller d’énergie inutilement (programmation de la chaudière, isolation des tuyauteries d’eau chaude). Pour rappel, une chaudière mal entretenue peut conduire à une augmentation de la consommation d’énergie de 8 à 12 % », souligne le ministère.
Propos recueillis par Virginie Kroun
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