Dépenses fiscales en faveur du logement : la Cour des comptes réclame une gestion plus rigoureuse
« La gestion des dépenses fiscales en faveur du logement » : tel est le titre du rapport rendu public par la Cour des comptes ce jeudi 21 mars. Ce document fait en effet suite à une demande formulée l’année dernière par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale.
En outre, la Cour des comptes recense 66 dépenses fiscales relatives au logement, parmi lesquelles les crédits et réductions d’impôts, les taux réduits ou encore les exonérations diverses. Celles-ci représenteraient 20% du budget alloué par l’État à l’ensemble des dispositifs fiscaux, pour un montant total de 18 milliards d’euros l’année dernière.
« Au regard de l’enjeu significatif qu’elles représentent du point de vue des recettes de l’État, la Cour recommande avec insistance de limiter la durée d’existence de ces dispositifs et de ne laisser perdurer que les dépenses fiscales qui, après avoir été évaluées avec rigueur, ont fait la preuve de leur efficience », écrit l’organisme.
Un impact difficile à évaluer…
Dans le cadre de ses travaux, la Cour des comptes a identifié sept exigences de gestion des dépenses fiscales en faveur du logement, autour desquelles elle a émis autant de recommandations : conception, chiffrage, présentation, pilotage, mesure, contrôle et évaluation.
Sur l’aspect conception, l’organisme note que 26 des 66 dispositifs examinés ont été réfléchis avant 2000. De plus, leurs origines sont multiples (proposition gouvernementale, amendements parlementaires), ce qui ne fait qu’ajouter à leur manque de cohérence pointé du doigt par le rapport. Sans détour, la Cour critique l’absence « d’une réflexion sérieuse » précédant la création de ces dépenses fiscales.
De surcroît, la Cour réclame des précisions sur la présentation des dépenses fiscales. Certes, « des progrès indéniables ont été réalisés », mais les documents explicatifs sont « parfois difficilement intelligibles », d’après l’organisme. « Ils devraient présenter des informations complètes et actualisées, non seulement sur le chiffrage et la méthode employée, mais aussi sur les objectifs des mesures fiscales en matière de logement, leurs données constitutives et les méthodes utilisées pour évaluer leurs impacts attendus », souligne le texte.
La mesure des effets de la dépense fiscale laisse également à désirer. Ce constat est d’autant plus gênant que la Cour fait état d’effets indésirables, mal identifiés, et donc peu anticipés. Elle conseille ainsi de renforcer la collecte d’informations autour de l’évaluation des dispositifs. Le contrôle des contreparties des aides serait également très difficile, notamment du fait, là encore, des trop nombreuses initiatives existantes. Le rapport recommande, de fait, « de renoncer aux dépenses fiscales dont l’administration n’est pas en mesure de contrôler effectivement les contreparties attendues des bénéficiaires ».
…et des dépenses sous-estimées
Étroitement liée à la problématique de multiplication des dispositifs, la question du chiffrage de ces derniers n’est pas totalement résolue par l’organisme. Néanmoins, le rapport note que « dix-sept dépenses fiscales n’ont pas été chiffrées dans la loi de finances pour 2019 ». Elles représentaient pourtant 2,3 milliards d’euros en 2017. En complément, la Cour des comptes estime que « le pilotage des dépenses fiscales est perfectible ». En effet, il ne serait actuellement pas possible au responsable des programmes budgétaires de modifier les modalités de mise en œuvre des dispositifs.
De manière plus globale, le document réclame plus que jamais une évaluation des dépenses fiscales en faveur du logement. Les pouvoirs publics dépendraient en effet des estimations des fédérations professionnelles du secteur. Or, « seule une évaluation objective permettrait de mesurer l’efficience comparée à ces dispositifs au regard de solutions alternatives », déplore la Cour des comptes.
« En définitive, la Cour constate donc que, malgré des progrès, les dépenses fiscales demeurent encore trop peu maîtrisées pour être un instrument efficient de la politique du logement, même si des nuances peuvent être faites selon les cas », conclut l’organisme. « La Cour appelle donc à un effort vigoureux de rationalisation de la gestion de ces dépenses fiscales en faveur du logement. »
F.C
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