Du logement aux commerces, des résultats disparates pour Altarea au S1 2023
Si des grands majors du BTP comme Colas et Vinci font preuve de résilience en cette fin de premier semestre 2023, des promoteurs immobiliers tels qu’Altarea ne peuvent pas en dire autant.
«Altarea délivre ce semestre une performance financière en baisse, conforme à ce qui avait été annoncé, avec une absence de grandes opérations Bureau et une très faible contribution du Logement », déclare Alain Taravella, son président-fondateur, dans une note de conjoncture.
Au 30 juin 2023, le chiffre d’affaires d’Altarea s’élève à 1,250 milliard d’euros, soit une régression de 12 %. Le résultat net récurrent (hors variations de valeur, charges calculées, frais de transaction et variations d’impôt différé) culmine quant à lui à 21,7 millions d’euros, contre 130,1 millions au premier semetres 2022 (-83 %).
« La dégradation du contexte immobilier, qui était déjà visible fin 2022, s’est accélérée tout au long du semestre. La hausse des taux d’intérêts et les difficultés croissantes de financement ont eu un impact plus ou moins marqué selon les produits. Le marché résidentiel est clairement entré dans un cycle baissier notamment au niveau des volumes, et cette phase d’ajustement devrait encore durer plusieurs trimestres. Le marché du bureau francilien connaît une crise plus structurelle, alors que les valeurs locatives en logistiques et en commerces restent favorablement orientées », constate Alain Taravella.
Des réajustements des prix de ventes sur le segment Logement
Avec 1,009 milliard d’euros, le segment Logement connaît une baisse de CA de 12 %. Les réservations reculent de 7 % en valeur, dans « un marché en contraction de -35 % ».
« Le marché du résidentiel neuf connait une phase d’ajustement qui devrait durer jusqu’en 2024, le temps qu’un nouvel équilibre soit atteint. Dans ce contexte, Altarea a adapté sa politique de gestion des engagements afin de donner la priorité à la réduction du besoin en fonds de roulement », lit-on dans un communiqué du promoteur immobilier. Pour rappel, les besoins en fonds de roulement (BFR) renvoient à l’argent dont l’entreprise a besoin en permanence pour financer son exploitation.
Durant le premier semestre 2023, le groupe a vu son BFR diminuer de 143 millions, en portant « son effort sur l’écoulement de son offre sur les terrains déjà acquis en contrepartie d’une baisse importante des prix de vente, aussi bien au détail qu’en bloc. Parallèlement, les acquisitions foncières ont été drastiquement réduites : seuls 20 terrains (1 756 lots) ont été acquis au cours du 1er semestre 2023, contre 49 terrains (4 555 lots) au 1er semestre 2022 », précise Altarea.
Les budgets d’opérations baissent de 74,9 millions d’euros. Les réductions sont réparties entre celle des prix (49,4 millions d’euros) - qu’il s’agisse des prix de vente, d’aides à la vente, de mesures d’accompagnement - et celles des acquisitions foncières (25,6 millions d’euros), liées à la réduction des acquisitions foncières.
Il n’empêche que sa marge immobilière atteint seulement 33,2 millions d’euros. Une dégringolade, par rapport aux 88,2 millions enregistrés au premier semestre 2022 (-62,3 %).
Altarea ne se démonte pas pour autant. Au contraire, le promoteur immobilier propose une autre vision pour ses projets. « Le logement neuf de demain sera décarboné et abordable, avec des volumes de transaction sans doute structurellement plus faibles que par le passé, et une part de réhabilitation plus importante. Les équipes d’Altarea sont déjà à l’oeuvre sur toutes ces thématiques, et nous avons assigné à chacune de nos marques des objectifs ambitieux en la matière », abonde son président-fondateur. L’acquisition de l’intégralité du capital de Woodeum, fin février dernier, devrait notamment contribuer à cette démarche.
Du côté de l’immobilier d’entreprise, « une absence de grandes opérations »
Mais c’est surtout à l’échelle de l’immobilier d’entreprise que le CA d'Altarea s’effondre, estimé à 116,2 millions d’euros sur le premier semestre 2023 (-29 %). La marge immobilière s’élève à 12,4 millions d’euros.
Altarea s’expose notamment à « une absence de grandes opérations », en particulier sur le Grand Paris. Il faut dire que le marché du bureau en région francilienne affronte actuellement une crise à la fois structurelle (télétravail, performance énergétique) et conjoncturelle (valeurs immobilières).
Pour l’heure, le groupe travaille sur 15 projets. Parmi les opérations les plus notables, on relève la restructuration de l’ancien siège de CNP Assurances au-dessus de la gare Paris-Montparnasse. On retient également les travaux prévus sur la rue Saint-Honoré, dans le 1er arrondissement de Paris, signés ce semestre.
C’est surtout en régions que le marché est soutenu. « Les projets sont généralement de petite taille et développés dans le cadre d’un modèle de type « promoteur » à risque limité », décrit Altarea, qui cite entre autres des « avancées majeures » sur la plateforme logistique XXL de Bollène, dans le Vaucluse. Ce hub d’entrepôts fait déjà l’objet de travaux lancés sur les lots n°2 (55 500 m2 intégralement loué à Intermarché) et 3 (95 000 m2, loués à Mutual Logistics et Gerflor). Il était détenu à 50 % par le groupe, avant qu’il n’en prenne le contrôle à 100 %.
Sans compter la maîtrise de deux nouvelles opérations de bureaux pour 16 200 m2 à Saint Genis Laval (Rhône) et à Vernon (Eure), la signature d’une Vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) pour 13 000 m2 d’opérations entre Toulouse Guillaumet et Bordeaux Belvédère, ou la livraison 52 700 m2 de bureaux entre Euronantes, Villeurbanne et Bordeaux Belvédère.
La foncière commerce, le « socle financier » d’Altarea
« La foncière commerce retrouve des niveaux de performance qui n’ont pas été constatés depuis plus d’une décennie et constitue plus que jamais le socle financier du groupe », poursuit le président-fondateur d'Altarea.
Le volume Commerces sous gestion atteint les 5,5 milliards d’euros fin juin 2023, et à périmètre constant, tandis que le promoteur détient 2,3 milliards d’euros de participation dans certains actifs, en quote-part. Le CA grimpe de 8 %, porté par la croissance des loyers nets à périmètre constant (+5 %).
D’autant que les opérations immobilières sur ce segment se poursuivent, avec des projets de commerces de flux dans les gares de Paris-Austerlitz et de Paris-Est. « Après la réussite de la transformation de la gare Paris-Montparnasse, Altarea a démarré ce semestre les travaux de la gare Paris-Austerlitz. La commercialisation des 25 000 m² de commerces directement connectés à la gare débutera en 2024 », expose le groupe.
« Altarea a également signé les accords avec Gares & Connexions pour renouveler et développer l’offre commerciale de la gare de Paris-Est, qui sera entièrement métamorphosée (nouvelle façade, coworking, restauration, commerces innovants). Le début des travaux est fixé à la fin de l’été 2024 pour une livraison fin 2026, concomitante à l’arrivée du Charles De Gaulle Express qui reliera en 20 minutes la gare de Paris-Est à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle », découvre-t-on également dans leur communiqué.
Un positionnement résolu sur le marché du photovoltaïque
La stratégie immobilière d’Altarea s’élargit également à travers le déploiement de nouvelles activités.
«Nous nous positionnons résolument sur l’immense marché des infrastructures photovoltaïques et nous avons lancé plusieurs initiatives en matière de fonds gérés, notamment sur la thématique de la dette immobilière », précise le promoteur avant d’ajouter : « Dans un premier temps, toutes ces initiatives pèsent sur les résultats du Groupe, mais notre expérience nous enseigne que ce sont généralement les investissements sur les compétences et les savoir-faire qui sont les plus créateurs de valeur dans le long-terme ».
Les besoins en infrastructures photovoltaïques se confirment de plus en plus, d’un côté par un boom des installations, mais aussi par les ambitions de la loi d’accélération des énergies renouvelables. Altarea répond déjà à la dynamique dans son organisation, qui compte déjà une équipe dédiée, déployée par région à travers les marques du groupe.
« L’objectif est de constituer un pipeline de projets diversifiés : ombrières de centres commerciaux, grandes toitures de bureaux et d’entrepôts, sites anthropisés (carrières, friches, décharges, délaissés,…) et agrivoltaïsme », affiche le spécialiste de la transformation urbaine.
Dans son calendrier, le groupe prévoit, dans les prochaines années, de « développer au moins 1 GWc dans le cadre d’un modèle de type "promoteur/asset manager", ce qui permettra de réaliser les investissements correspondants à structure financière maîtrisée. Les projets identifiés représentent environ 400 MWc (pour environ 700 ha) dont 100 MWc sécurisés. Les premiers revenus sont attendus pour la fin 2024 ».
Des partenariats sont également en cours de négociations avec « d’importants acteurs du monde agricole français afin de co-développer des projets photovoltaïques (centrales au sol et agrivoltaïque). Par ailleurs, ces acquisitions tactiques sont à l’étude afin d’accélérer l’internalisation de compétences opérationnelles tant dans le développement que dans l’exploitation d’infrastructures photovoltaïques ».
« Au deuxième semestre 2023, le groupe restera très concentré sur la gestion du changement de cycle immobilier et sur sa feuille de route opérationnelle. Le moment venu, Altarea utilisera sa puissance financière pour saisir des opportunités et accélérer sa transformation », conclut Alain Taravella.
Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock