Recyclage des déchets du BTP : « la situation évolue », Philippe Maillard
En quoi consiste concrètement l'activité « recyclage et valorisation » ?
Philippe Maillard : Il s'agit de quelque chose qui existe depuis une dizaine d'années et qui s'appuie sur l'idée de transformer les déchets en ressources, avec deux idées derrière : le fait que les matières premières ne sont pas infinies d'une part, et d'autre part, la préoccupation environnementale. Dans certains domaines, cette démarche existe depuis très longtemps. Le secteur du bâtiment, sur cette thématique, est en pleine évolution. On voit aujourd'hui se développer toute cette notion de recyclage, qui était peu présente jusqu'à maintenant.
Comment cette prise de conscience sa manifeste-t-elle ?
P. M. : Cela a évidemment été cristallisé par la loi de transition énergétique, qui a fixé le seuil de 70% de recyclabilité des déchets du bâtiment. De nombreuses initiatives sont lancées, notamment autour d'une gestion plus ''vertueuse'' des chantiers. Par exemple, pour des chantiers de démolition, plutôt que de tout mettre dans la même benne, il est possible de faire du tri sélectif directement sur place. Cela paraît simple, mais il faut être capable de former les chefs de chantier et les ouvriers. Il y a tout un enjeu autour du ''bon tri'' sur place, le fait de mettre le bon type de déchet dans la bonne benne.Comment accompagnez-vous les professionnels du BTP ?
P. M. : Depuis un à deux ans, nous proposons des services pouvant être déployés à l'échelle nationale de façon homogène. Nous développons des offres de chantier vert, où on va jusqu'à vendre les services d'un expert en permanence sur le chantier, qui guide et oriente les ouvriers. Nous sommes en train de démontrer la valeur économique de cette pratique, et nous commençons à avoir quelques références dans le Sud-Ouest où la facture globale est moindre. Nous pouvons également aller jusqu'à proposer les services d'un agent de tri, et là encore, c'est une tendance qui se développe.Comment s'organise la gestion des déchets ?
P. M. : Nous essayons de les collecter directement sur chantier, et nous en assurons la traçabilité et le reporting pour le chef de chantier afin de l'informer sur les quantités récupérées, celles qui ont été revalorisées et les lieux où les matériaux ont été utilisés. Cet enjeu de transparence est extrêmement important. Selon les flux, nous sommes capables de revaloriser les déchets nous-mêmes ou de les apporter à des filières. Nous commençons également à avoir quelques initiatives de tests de déconstruction sélective, ce qui implique la récupération de certaines pièces (poignées de portes, fenêtres, etc.) avant démolition en vue de les réutiliser. C'est une démarche que nous menons actuellement sur un chantier-test du côté de Bagneux avec Bouygues.D'après vous, pourquoi les entreprises du BTP ne s'impliquent pas davantage dans le recyclage* ?
P. M. : Elles n'y voient pas l'intérêt économique. Pourtant, la situation évolue. Les coûts des filières augmentent légèrement, de plus en plus de grands acteurs développent une conscience environnementale, la réglementation évolue, les maîtres d'ouvrage demandent la mise en place de chantiers exemplaires... Cela explique cette convergence qui s'accélère considérablement.
Quelles sont vos ambitions pour l'avenir ?
P. M. : Aujourd'hui nos réflexions sont plus tournées vers le fait d'adresser tous les enjeux du marché du bâtiment. Je vois que beaucoup d'initiatives sont lancées, de nombreux professionnels se préoccupent du recyclage des déchets. Il y a une opportunité pour nous d'apporter des solutions concrètes. Nous avons notamment mis en place une application, Va Bene, grâce à laquelle les chefs de chantier peuvent commander des bennes ou demander à ce que l'on vienne les récupérer. Ce dispositif est d'ailleurs en test sur un chantier près de Dijon. En janvier dernier, nous avons également lancé Batireprise pour les distributeurs de matériaux, qui s'inscrit dans l'obligation pour ces derniers de proposer une solution de reprise pour les déchets de leurs clients. Cette offre les accompagne pour les aider à gérer cette nouvelle réglementation. Tout cela avec pour objectif de contribuer à l'atteinte du taux de 70% de valorisation des déchets du BTP fixé par la législation.*En 2016, l'Ademe estimait à 50% la part de déchets non dangereux du BTP qui n'étaient pas triés sur le chantier.
Propos recueillis par Fabien Carré
Photo de Une : ©FC