En 2024, Bigmat fait de la résistance
C’est un secret pour personne, l’année 2024 a été particulièrement mauvaise pour le secteur de la construction. Quel regard portez-vous sur cette année ?
Fabio Rinaldi : Il est vrai que l’année a été particulièrement compliquée, avec notamment une hausse d’environ 20 % en trois ans du coût des matériaux pour la construction. La hausse des taux d’intérêt couplée à des difficultés d’obtention de l’emprunt a pour conséquence immédiate la chute du marché sur le neuf, notamment pour les primo-accédants.
Le marché de la rénovation est quant à lui resté plutôt stable, mais il n’explose pas pour autant, car il faut pouvoir le financer. Le problème réside également dans les revirements sur les dispositifs d’accompagnement comme MaPrimeRénov’. En quatre ans, nous avons connu 12 dispositifs différents, dont trois en 2024. Comment voulez-vous que quelqu’un à qui l’on demande de rénover, et à qui on promet une aide pour ce faire, s’y retrouve avec tous ces dispositifs ?
Nous pouvons ajouter à tous ces maux l’instabilité politique actuelle. Cela conduit forcément à des incertitudes. Ce qui existe aujourd’hui ne sera peut-être plus demain.
Nous sommes aujourd’hui dans une crise qui est à la fois conjoncturelle et structurelle. Conjoncturelle pour toutes les raisons que l’on vient d’énumérer, et structurelle parce qu’il est peut-être nécessaire de réfléchir à d’autres façons de construire.
Dans ce contexte, quel bilan 2024 pour Bigmat ?
F.R. : Disons que Bigmat fait de la résistance. Dès 2023, nous avons su anticiper la chute de 2024 en observant les données économiques, la part des ventes, les autorisations de construction, ou encore les mises en chantier. Si tous les indicateurs sont au rouge, on sait pertinemment que dans 6, 12 ou même 18 mois, le gros œuvre et le second œuvre vont être impactés. Autrement dit, le cœur de notre activité.
En 2024, le marché global a connu une chute de -12,3 %. Bigmat va terminer l’année autour de -11 % ou -11,5 %. On fait donc mieux que le marché, comme c'est le cas depuis une quinzaine d’années.
Comment expliquez-vous cette capacité de résilience ?
F.R. : Nous la devons avant tout à notre modèle coopératif. Nous avons une structure rapide, agile, avec un circuit de décision très court. Chez Bigmat, les choses sont mesurées à échelle humaine, comme au sein d’une PME.
Nous faisons également attention à adapter nos structures à l’activité, notamment sur les investissements, sur les achats, la gestion des stocks… Je tiens à souligner que la distribution est un amortisseur. C’est elle qui est en première ligne avec les artisans. On retrouve donc ces défaillances chez les artisans, chez les constructeurs de maisons individuelles. Nous sommes très vigilants à tout cela, car notre objectif est d’honorer nos engagements auprès de nos fournisseurs.
Il faut également faire attention aux effectifs. Sans pour autant vouloir faire des coupes franches, le contexte actuel nous impose parfois de réduire la taille de nos équipes. On privilégie dans ce cas les non remplacements à la suite d'un départ.
Même si nos résultats sont légèrement meilleurs que ceux du marché sur les 3 dernières années, ils restent négatifs. Or, sur 3 années consécutives négatives, si vous ne faites rien pour tenter d'enrayer cette mauvaise dynamique, vous ne faites pas long feu.
Et pour 2025, quels sont vos objectifs ?
F.R. : Nous nous sommes récemment positionnés sur des marchés qui ne sont pas forcément nos marchés primaires, comme celui du photovoltaïque par exemple. On va donc continuer sur cette voie en 2025. Il faut être vigilants, et veiller à accompagner correctement nos adhérents.
Nous allons également nous concentrer davantage sur le concept Amex (aménagement extérieur). Ce sont des produits que nous faisons déjà, mais nous allons nous atteler à mieux les mettre en avant, mieux les structurer et les marketer.
Tout cela en étant vigilants vis-à-vis de la gestion de l’entreprise. Il ne faut pas faire du chiffre pour faire du chiffre. Il faut le faire pour en assurer la pérennité.
En termes de chiffres, on s’attend à voir notre activité baisser de -6 %, un peu comme le marché dans son ensemble.
Le Premier ministre vient de démissionner. Qu’attendez-vous du prochain gouvernement ?
F.R. : Dernièrement, on sentait une appétence pour le marché de la construction et du bâtiment, ce qui avait été un peu négligé, voire abandonné par les précédents gouvernements. Nous voulons retrouver cette tendance, conserver tout ce qui se dessinait avec le gouvernement Barnier. Je parle ici de l’extension du PTZ à l’ensemble des primo-accédants et sur tout le territoire, pour le neuf comme pour l’ancien.
On souhaite aussi la stabilité des règles de MaPrimeRénov’. En somme, pouvoir conserver tout ce qui a accompagné le développement du marché du bâtiment et de la construction ces dernières années. Nous ne demandons que deux choses : de la stabilité et de la visibilité.
Propos recueillis par Jérémy Leduc
Photo de une : ©Bigmat