Rentabilité tardive, lourdeur administrative… Les freins au développement de l’autoconsommation collective
L’ordonnance du 27 juillet 2016 a donné un cadre législatif viable à l’autoconsommation d’électricité. Y sont notamment définies les opérations d’autoconsommation, individuelles et collectives. C’est ensuite le décret d’application du 28 avril 2017 qui est venu préciser le rôle des gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité dans la mise en œuvre des opérations d’autoconsommation collective. S’adressant aussi bien aux gestionnaires, qu’aux consommateurs et producteurs d’électricité, le texte « vient concrétiser et faciliter le montage de ce type d’opérations », précisait le ministère dans un communiqué.
En trois ans d’existence officielle, le nombre d’autoconsommateurs individuels « a plus que doublé en atteignant 45 000 en 2019 », souligne Enerplan. Mais « seules 16 opérations d’autoconsommation sont en fonctionnement en France métropolitaine, avec une centaine d’autres au stade de l’étude ».
A l’occasion de la 2e Université d’été organisée les 12 et 13 septembre à Paris, le syndicat a précisé que les opérations d’autoconsommation collective sont « majoritairement des petites opérations de moins de 10 participants, portées par des collectivités ».
Alors que la France fait partie des 8 pays européens ayant déjà légiféré sur l’autoconsommation collective en 2019, comment expliquer que son développement tarde ?
Lever les freins
C’est à cette question qu’Enerplan répond en révélant les résultats d’une étude menée en partenariat avec l’EnergyLab by SiaPartners.
Le document revient tout d’abord sur les facteurs favorables au développement de l’autoconsommation collective : une préoccupation croissante de Français pour l’environnement (boom de + 100% des offres d’électricité verte en quatre ans), des collectivités et des entreprises engagées, une croissance « exponentielle » de l’autoconsommation individuelles, une généralisation des compteurs communicants et des solutions IT associées, des solutions d’accompagnement qui se multiplient ou encore l’introduction des concept d’autoconsommation collective dans la Directive Européenne sur les EnR publiée en 2018.
Parmi les freins cités, on trouve « un cadre réglementaire contraignant l’économie des projets ». Pour mener leur étude, Enerplan et SiaPartners se sont appuyés sur deux cas d’usage, un immeuble de 30 logements et un groupe de quatre bâtiments publics, qui ont mis en évidence « une rentabilité insuffisante voire négative des opérations d’autoconsommation collective dans le contexte réglementaire français actuel ».
Ils ont estimé que le temps de retour sur investissement était pour le premier de 24 ans, avec un gain très faible pour les participants. Dans le deuxième cas, « l'opération n'atteint jamais l'équilibre économique ». « A ce stade, l’adaptation du contexte réglementaire est un prérequis pour améliorer l’équilibre économique des projets et favoriser leur émergence au-delà de quelques pas pilotes », avancent-ils.
L’étude dit ainsi : « L’autoconsommation collective, telle que définie dans la loi français, s’oppose aux réseaux fermés, car l’énergie locale transite par le réseau public de distribution, avec une affectation des flux permise par le parcours de compteurs communicants. La levée des barrières réglementaires et économiques qui freinent actuellement son développement encourage un modèle français d’électricité verte et locale innovant et compatible avec les notions de service public et d’équité territoriale ».
5 recommandations pour soutenir le développement de l’autoconsommation collective
Rappelant que les bénéfices peuvent être de plusieurs ordres (sensibiliser les consommateurs sur l’utilisation rationnelle de l’énergie, améliorer l’acceptabilité locale des projets EnR et des compteurs communicants, ou encore favoriser l’innovation), Enerplan et SiaPartners proposent 5 axes pour soutenir son développement.
Le rapport prône une exonération des taxes sur la consommation d’électricité TICFE et TCFE, d’adapter le TURPE spécifique et donc de retirer la majoration financière liée à la réinjection d’une part de l’énergie dans le réseau. Il recommande aussi d’accompagner l’investissement initial pour améliorer l’équilibre financier des opérations, de simplifier le fonctionnement juridique de la Personne Morale Organisatrice qui contractualise avec Enedis et doit réunir l’ensemble des acteurs de l’opération, et d’étendre le périmètre des opérations à 1km voire au-delà pendant la une période expérimentale.
Parmi les leviers complémentaires « pour un passage à l’échelle » : regrouper les professionnels sur l’ensemble de la chaine de valeur « pour simplifier la relation avec les porteurs de projets et proposer des offres intégrées », sécuriser les business plans des projets (outils de simulation dynamique, définition de mécanismes assurantiels...) et développe la communication et le marketing autour des projets.
Enerplan et SiaPartners soulignent enfin que « de nombreux facteurs influent sur les gains réels d’une opération : positionnement géographique, profils réels de consommation, prix d’achat des équipements PV et conditions de financement, prix de vente de l’électricité solaire… ». « Les résultats du modèle présentés dans cette étude ne peuvent être généralisés ».
R.C
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