Le Shift Project rend son rapport sur la décarbonation des logements
Au printemps 2020, The Shift Project lançait un plan de transformation de l'économie française (PTEF) avec des propositions pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 dans chaque secteur. Ce jeudi 7 octobre, l'association remettait son rapport final sur le logement, intitulé « Habiter dans une société bas carbone ».
Dans ce rapport, le think tank propose 4 principaux axes à mettre en œuvre, à savoir : faire preuve de sobriété dans les constructions neuves, mobiliser le bâtiment comme puits de carbone, massifier les rénovations énergétiques globales et performantes, et décarboner la chaleur.
L'épineuse question de l'artificialisation des sols
L'association appelle notamment à adapter le nombre de logements neufs à la démographie, et à réduire la construction de maisons individuelles pour limiter l'artificialisation des sols. Selon Rémi Babut, ingénieur et urbaniste, et chargé du projet « Logement » au Shift Project, le logement serait « le principal vecteur d'artificialisation des sols ». « Il compte pour quasiment 75 % de l'artificialisation des sols. Au premier chef, c'est la maison individuelle, qui est reponsable de 50 % de l'artificialisation », détaille-t-il.
Le rapport conseille également de recourir à des matériaux biosourcés permettant de stocker du carbone, comme le prévoit en partie la future Réglementation Environnementale 2020 (RE2020) qui entre en viguer à compter du 1er janvier prochain. « La réglementation RE2020 est une chance historique pour faire basculer l’industrie française du bâtiment dans la modernité bas carbone », se réjouissent ainsi les auteurs.
Des rénovations globales plutôt que par gestes
En matière de rénovation, le Shift Project appelle à massifier les rénovations globales pour atteindre des étiquettes énergétiques A ou B. Sur ce point, Rémi Babut estime que le dispositif MaPrimeRénov' permet des rénovations par gestes, mais qu'il ne permet pas d'atteindre des rénovations globales :
« Aujourd'hui en termes de massification de la rénovation, le gouvernement explique qu'il y a beaucoup de dossiers MaPrimeRénov', cependant ça n'est pas des rénovations globales, donc on n'arrive pas à des niveaux de performances suffisants pour atteindre les objectifs. Ces objectifs, c'est plutôt d'amener le parc de logements à un niveau de consommation qui correspondrait à des étiquettes A ou B, ce qu'on appelle « BBC Rénovation ». Aujourd'hui on fait très peu de ces rénovations. On pense qu'il faudrait parvenir à 1 million de rénovations de ce type chaque année. C'est un chantier de longue haleine avec quasiment 30 millions de logements à transformer sur 30 ans, donc il faut s'y prendre maintenant », insiste le chargé de projet.
Selon lui, les incitations n'étant pas suffisantes, il estime nécessaire, comme le prévoit la loi Climat & Résilience, d'actionner le levier réglementaire pour aller progressivement vers des rénovations obligatoires concernant les logements les plus énergivores.
Enfin, d'un point de vue énergétique, le think tank estime qu'il faudrait raccorder 5 millions de logements collectifs à un réseau de chaleur urbain, et installer des pompes à chaleur (PAC) dans plus de 10 millions de logements.
En termes d'emploi, le Shift Project estime à 110 000 le nombre d'emplois supplémentaires qui seraient nécessaires dans le secteur de la rénovation énergétique, sans toutefois prendre en compte les difficultés de recrutement auxquelles est actuellement confronté le secteur du bâtiment.
Si les propositions du Shift Project présentent de bonnes intentions, la réduction du nombre de constructions de logements neufs invite par ailleurs à la réflexion, dans un contexte où l'on constate une pénurie de biens sur le marché immobilier, et une flambée des prix ces derniers mois.
« On dénombre environ 240 000 nouveaux ménages par an. Pour le moment, il faut maintenir le nombre de nouveaux logements », se défend Rémi Rebut, qui évoque toutefois une probable inflexion de la démographie sur le long terme.
Pour lire l'intégralité du rapport, c'est ici.
Claire Lemonnier
Photo de une : Adobe Stock