La REP, un sujet qui divise les fédérations du BTP
La REP Bâtiment, voulue par la loi Agec (anti-gaspillage pour une économie circulaire), ne cesse d’enchainer les reports. Prévu initialement en janvier 2022, puis au 1er janvier 2023, son démarrage opérationnel a finalement été décalé au 1er mai 2023.
Une date réaliste, selon Bernard Sala, président des Routes de France et de la commission Santé et Sécurité de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), qui considère que « tous les producteurs des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment sont pleinement en mesure d'assurer leur responsabilité en adhérant à un ou des éco-organismes agréés ».
Une décision également saluée par la Fédération Française du Bâtiment (FFB) qui se réjouit « de cette initiative des éco-organismes, qui fait écho à sa demande récurrente auprès de l’Etat d’un délai de 9 mois entre la publication des barèmes et son application ».
Une opinion partagée par Alain Boisselon, président de l’Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction (Unicem), qui estime qu’au 1er mai, « les acteurs du secteur seront globalement prêts, même si tous les systèmes d’informations ne seront sans doute pas complètement fignolés. Les clients commencent à avoir une bonne idée du fait qu’ils vont avoir une éco-contribution à régler en plus sur leurs factures ».
Un démarrage encore trop précipité ?
Autre son de cloche du côté de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), qui estime que ce démarrage opérationnel reste « irréaliste » et « trop précipité », demandant ainsi un nouveau report au 1er janvier 2024.
« Nous ne sommes pas vent debout contre tout ce qui nous a déjà été demandé, mais ce qui nous gêne aujourd’hui, c’est que l’on doit payer une éco contribution alors qu’il n’y a pas de service rendu, étant donné que le maillage territorial des points de collecte n’est toujours pas défini », explique Jean-Yves Labat, référent économie circulaire au sein de la Capeb. Le calendrier de la mise en oeuvre prévoyant 50 % du maillage en 2024, et 100 % en 2026.
Malgré ce manque de précisions, la reprise gratuite des déchets « va mettre sur un pied d’égalité toutes les entreprises du bâtiment », poursuit-il.
Pour Bernard Sala, ce qui sera « plus compliqué et difficilement mesurable à ce jour, c’est l’application par les entreprises de travaux de l'éco-contribution au 1er mai 2023 et par conséquent de sa refacturation à la maîtrise d’ouvrage », indique-t-il, ajoutant que « cela ne va pas être sans incidence sur les marchés déjà conclus et sur l’approche vis-à-vis du client sur les marchés à venir ».
L’objectif de la REP est d’éviter les décharges sauvages et de permettre la reprise gratuite des déchets du bâtiment. À ce titre, la maîtrise d’ouvrage ne devrait plus avoir à financer les opérations de reprise et de traitement des déchets. Un objectif « vertueux » pour Bernard Sala, qui craint cependant que « certains clients prennent la décision de ne pas réaliser ou de reporter certains travaux, considérant que l’impact financier est trop important ».
Une décision qui impacterait directement les entreprises du BTP, qui subissent déjà de plein fouet les coûts d’augmentation des matières premières et la hausse des prix de l’énergie. « Il ne faut pas que les entreprises du secteur soient mises à mal », souligne le référent de la Capeb, Jean-Yves Labat.
« Nos métiers s’investissent de longue date sur la thématique du recyclage et la gestion optimale des déchets. La filière REP ne doit pas avoir pour incidence de pénaliser, ni l’entreprise de travaux, ni la maîtrise d’ouvrage, ni venir bouleverser un mécanisme viable et opérationnel », ajoute de son côté le président des Routes de France.
Un travail de pédagogie important
Une inquiétude qui pousse les fédérations du bâtiment à mettre en place un travail de pédagogie auprès de leurs adhérents. « L’important est de comprendre que le paiement de cette éco-contribution vienne, à terme, effaçer les montants payés par la maîtrise d’ouvrage pour la reprise des déchets du bâtiment. Il ne s’agit pas en fin de compte de surcoût, mais d’un transfert de charge », souligne Bernard Sala.
À la Capeb, on promeut la communication. « On essaye de les accompagner et de les rassurer sur la façon dont ils vont devoir s’organiser pour déclarer tout ça. On va travailler également avec les éco-organismes pour qu’il n’y ai qu’une seule application, commune a tout le monde, pour savoir exactement où-est-ce que se trouvent les différents points de collecte », indique Jean-Yves Labat.
Du coté de l’Unicem et de ses adhérents, l’enjeu de l’économie circulaire est acquis depuis longtemps. « On a un taux de recyclage de nos matériaux de 76 %, l’objectif est d'atteindre 90 %. On s'était dit qu'on n'avait pas besoin d'une loi pour continuer à faire des efforts », explique le président de l'Unicem. « Mais à partir du moment où la loi a été promulguée, on a changé notre vision, et on a dit "bon, l'outil existe, il faut qu'on le développe et qu'on l'applique le mieux possible" », poursuit-il. Aujourd’hui, le syndicat professionnel s’attache à accompagner ses clients et à fournir des solutions optimisées et adaptées pour la reprise des déchets inertes.
Malgré ce délai supplémentaire de quatre mois pour le paiement des éco-contributions, les metteurs en marché doivent néanmoins, depuis le 1er janvier dernier, adhérer à un ou plusieurs éco-organismes.
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Propos recueillis par Marie Gérald
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