La criticité des ressources, un enjeu majeur pour le secteur de la construction
La population mondiale ne cesse de croître, et les ressources nécessaires pour subvenir aux besoins de chacun se font de plus en plus rares. Dans l’Union Européenne, les secteurs d’activités dépendent de ressources plus ou moins précieuses. Certaines sont même importées de pays hors UE, puisque absentes de nos sols, comme le titane et le magnésium par exemple.
Le cabinet d’audit et de conseil BDO Advisory vient de dévoiler une étude sur la criticité des ressources, qui impacte grandement le secteur de la construction dans l’Union Européenne.
Une importante transition écologique a été amorcée par l’Union Européenne. Dans les 27 pays qui forment l’Union Européenne, l’industrie manufacturière et la construction représentent 17 % de la répartition des émissions de GES. Pour parvenir à son objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 %, il est nécessaire pour elle de réaliser la double transition de décarboner le système énergétique et de garantir l’autonomie par l’accès et la transformation des matières premières critiques.
Grâce à l’étude, on observe notamment qu’en 2020, 5,1 millions de m³ de bois consommés par l’industrie de la construction en France ont été consacrés aux objectifs de neutralité carbone. En 2050, cette valeur atteindra 10 millions de m³. Les analyses révèlent clairement que la consommation en ressources va fortement augmenter à horizon 2050, en particulier pour les matériaux de construction.
Miser sur l’économie circulaire
Afin de pallier la dépendance de l’UE vis-à-vis des pays étrangers pour se fournir en ressources rares, il est crucial de miser sur l’économie circulaire. Celle-ci doit être au cœur de la stratégie de décarbonation des acteurs. L’Ademe la définit très comme étant « un système économique d’échange et de production visant à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement ».
Selon l’OCDE, l’économie du recyclage devrait croître rapidement d’ici à 2060. La croissance du secteur devrait même être plus dynamique que le secteur minier.
L’aluminium, exemple parfait de ressource critique
S’il fallait prendre un exemple concret de ressource devenue critique en raison de la réorganisation de sa chaîne de valeur, il faudrait s’intéresser de plus près à l’aluminium. En 2020, 21 % de l’aluminium de l'UE est utilisé dans la construction.
Cette ressource, dont la production mondiale augmente de façon constante depuis plusieurs années maintenant, est extrêmement importante. Ces coûts de production élevés peuvent cependant limiter l’accès, alors que l'aluminium trouve des applications dans de très nombreuses industries. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a également contribué à tendre la chaîne de valeur.
La répartition géographique de l’industrie de l’aluminium s’est également considérablement modifiée au cours des 20 dernières années. La production s’est par ailleurs déplacée vers les pays aux ressources les plus abondantes et bon marché. La Chine produit ainsi plus de la moitié de l’aluminium mondial.
Autre raison qui explique la présence de l’aluminium parmi les ressources critiques : la hausse à venir de la demande la concernant. En dépit des risques géopolitiques mentionnés, la demande devrait augmenter, portée par les industries automobiles et solaires.
Plusieurs pistes de réflexion pour anticiper le manque de ressources
Pour anticiper ce manque de ressources, et aborder au mieux les années à venir, les entreprises de construction de l’Union Européenne doivent adapter leur stratégie dès aujourd’hui. Pour cela, elles doivent notamment atténuer le risque à court terme, en mettant en place des mécanismes d’indexation à l’achat/vente. Il est également préconisé d’évaluer l’opportunité de politiques du « juste à temps » contre des politiques de stockage. BDO France souligne également la nécessité de travailler à la substituabilité des fournisseurs et des pays producteurs.
Les différentes entreprises doivent également réduire la dépendance et exploiter les opportunités à moyen et long terme, notamment en approfondissant les politiques de diversification des fournisseurs et des pays. Il peut aussi être intéressant de mettre en place une politique de recyclage et d’économie circulaire.
Afin de faire face à l’appauvrissement des ressources, il est également nécessaire d’innover pour transformer ses activités. Mettre en place une politique de R&D ambitieuse pour développer de nouveaux produits ou services moins dépendants des ressources critiques peut aussi s’avérer intéressant.
Enfin, il est nécessaire d’assurer la résilience aux risques à long terme. Pour cela, il faut consolider et diversifier les partenariats commerciaux et l’approvisionnement en produits critiques par des partenariats de long terme.
Jérémy Leduc
Photo de Une : Adobe Stock