La construction, un acteur clé de la relance verte
Officiellement lancée en juin dernier, l’Alliance Construction 2050 mobilise 47 organisations européennes du secteur de la construction autour d’une même ambition, « Construire aujourd’hui l’Europe de demain ». Alors que la pandémie de la Covid19 continue d’impacter l’ensemble des secteurs d’activité, l’Alliance a organisé une journée d’échanges, le 2 décembre dernier, pour présenter les initiatives des différents gouvernements en faveur de la construction.
Outre la crise sanitaire, l’Alliance souligne que d’autres défis appellent à l’action : l’urgence climatique tout d’abord avec l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, mais aussi l’approvisionnement raisonnable et raisonnée des ressources, ainsi que la nécessité de proposer des logements plus sains, mieux ventilés et plus efficaces énergétiquement. Tout ceci est « crucial pour les citoyens européens, l’économie et la planète ».
Echanger pour diffuser les bonnes pratiques
Si sur le terrain, les plans nationaux en faveur de la construction diffèrent, les experts s’accordent à dire que les débats et les différentes instances de discussion doivent permettre de « nourrir » les programmes des uns et des autres, à travers un échange de bonnes pratiques sur les politiques plus efficaces.
Il est également nécessaire d’engager le dialogue avec les citoyens, à l’image de ce qui a été fait en France avec la Convention citoyenne pour le climat. Iskra Mihaylova, membre de la Commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie (ITRE) au Parlement européen, a estimé « important » de communiquer, « de créer de la compréhension » pour expliquer les investissements réalisés dans chacun des secteurs d’activité. « Ces actions ne vont pas bénéficier encore plus des compagnies. C’est quelque chose que nous faisons dans le cadre du Green Deal, pour la santé de la planète, et pour nos citoyens ».
Le plan de relance européen prévoit un investissement à hauteur de 750 milliards d’euros dont près de 40 milliards pour la France. Pour bénéficier des subventions, les états membres doivent présenter un plan national avant le mois de mai 2021. Parmi les projets éligibles, ceux portant sur le développement durable : énergies propres ou encore efficacité énergétique des bâtiments.
Rappelons que la Commission européenne a dévoilé sa stratégie pour la rénovation des bâtiments en octobre dernier. L’objectif est de doubler le taux de rénovation pour réduire les émissions, stimuler la reprise et faire reculer la précarité énergétique. Le programme vise la rénovation de 35 millions de bâtiments d’ici 2030, des gestes qui permettraient la création de 160 000 emplois verts supplémentaires. Les principales actions engagées sont :
- Un renforcement de la réglementation, des normes et des informations sur la performance énergétique des bâtiments ;
- Un financement « accessible et bien ciblé » ;
- Le développement d’un marché des produits et services de construction durable ;
- La création d’un nouveau Bauhaus européen ;
- L’élaboration d’approches fondées sur le voisinage (création de quartiers zéro énergie par exemple).
Le plan stratégique doit également permettre la mise en place d’initiatives pour accompagner les travailleurs dans leur montée en compétences. On le sait, les entreprises du secteur du BTP peinent à recruter de la main d’œuvre qualifiée. C’est d’ailleurs un aspect sur lequel est revenu Domenico Campogrande, Directeur Général du FIEC (membre de l’Alliance Construction 2050), lors de la conférence du 2 décembre. Il a souligné : « Il y a un besoin énorme d'investir dans la formation, la requalification, l'amélioration des compétences, si nous voulons vraiment atteindre les objectifs ». Pour ce faire, il a indiqué nécessaire que les gouvernements établissent un dialogue avec les fédérations professionnelles pour comprendre leurs besoins et engager les actions nécessaires.
Pour ce qui est de la place de la construction dans les plans nationaux de relance, le secteur de la construction « a un rôle économique et social » à jouer dans la reprise, a-t-il insisté. « Il représente 10% du PIB européen, près de 18 millions d’emplois directs. De nombreuses études indiquent qu’un euro investi dans la construction, c’est entre deux et trois euros générés dans d’autres produits de l’économie ». Soutenir le secteur est donc « crucial ». « Il y a beaucoup d’inquiétudes pour 2021 ». Malgré des projets qui se poursuivent, les demandes sont en baisse. « Les financements viendront en soutien à ce manque de perspectives que nous observons pour le moment ». Et ces financements doivent arriver « rapidement ». « Nous souhaitons un cadre régulé et efficace. Une administration publique qui fonctionne ». « Nous voyons le nombre d’appels d’offres publics diminuer extrêmement rapidement, et c’est vraiment inquiétant », a-t-il déclaré.
Des fonds supplémentaires pour la neutralité carbone
La Commission européenne estime que pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de carbone à 2030, 275 milliards d'euros de financements supplémentaires sont nécessaires pour accompagner le secteur du BTP. Selon Emmanuelle Causse, secrétaire générale de l’UIPI, il est indispensable de déployer une stratégie sur le long terme pour rassurer les investisseurs. Il faut également penser une approche holistique de la rénovation. En Italie par exemple, le « Super Bonus » concerne non seulement la rénovation des bâtiments d’un point de vue efficacité énergétique, mais englobe aussi les travaux de mise en conformité avec la réglementation antisismique. Le secteur de la construction reste « très segmenté ». Elle a ainsi rappelé la volonté de l’Alliance Construction 2050, d’une simplification des régimes de soutien nationaux.
Elle a en outre appelé à la création d’un guichet unique pour soutenir les ménages dans leur projet de rénovation, et ce afin de massifier les programmes. « La vague de rénovation ne fonctionnera que si nous créons de la demande » ; une demande qui elle dépendra des aides proposées.
De son côté, Pernille Weiss, membre de la Commission ITRE du Parlement européen, a souligné que les incitations doivent s’adapter à la typologie des bâtiments mais aussi au contexte de chaque pays. Guichet unique, passeport rénovation / construction, digitalisation, amélioration des compétences… C’est la combinaison de ces leviers qui permettra d’engager une dynamique !
Rose Colombel
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