L’adoption du MACF européen fait réagir l'industrie cimentière
Vague de joie au sein de la Commission européenne ce jeudi 23 juin : la proposition d’un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) de l'Union Européenne a été adoptée par le Parlement européen ce mercredi 22 juin. Une mesure phare des trois textes majeurs du Paquet climat « Fit-for-55 », visant 55 % de réduction de gaz à effet de serre, d'ici à 2030, sur le continent.
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MACF, SEQE, Fonds social pour le climat… Comment ça marche ?
En clair, le nouveau cadre réglementaire encourage trois grands dispositifs, à commencer par le MACF. Le mécanisme a été imaginé selon les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et d’autres obligations internationales de l'UE. Il tend à prolonger le système de quotas carbone européen (SEQE).
Ce premier système international d'échange de quotas d'émissions définit un plafond pour la quantité d'émissions de gaz à effet de serre rejetées par installations industrielles. Les industries de leur côté peuvent acheter des quotas d’émission et même en recevoir gratuitement.
Cependant : « Étant donné que nous relevons notre propre ambition en matière de climat et que des politiques environnementales et climatiques moins strictes prévalent dans des pays tiers, il existe un risque élevé de « fuites de carbone », à savoir le fait que des entreprises établies dans l'UE puissent déplacer leur production à forte intensité de carbone à l'étranger afin de profiter des normes laxistes, ou que des produits de l'UE soient remplacés par des importations à plus forte intensité de carbone », observe la Commission européenne, dans un questions-réponses sur son site internet.
L’institution explique donc que si le SEQE a réduit considérablement le risque de fuite, il ne permet vraiment de stimuler le verdissement des industries, dans l’UE comme chez les pays extérieurs. C’est afin de pallier ce problème qu’à la fois le MACF et une révision du SEQE interviendront.
Concrètement, le MACF sera officiellement appliqué en 2026, le temps pour les acteurs concernés de se préparer au procédé suivant : « Les importateurs de l'UE achèteront des certificats carbone correspondant au prix du carbone qui aurait été payé si les marchandises avaient été produites conformément aux règles de l'UE en matière de tarification du carbone. À l'inverse, dès lors qu'un producteur hors UE peut démontrer qu'il a déjà payé un prix pour le carbone utilisé dans la production des marchandises importées dans un pays tiers, le prix correspondant peut être entièrement déduit pour l'importateur de l'UE. Le MACF contribuera à réduire le risque de fuite de carbone en encourageant les producteurs des pays tiers à verdir leurs procédés de production », développe la Commission européenne.
De leur côté, les autorités nationales examineront, vérifieront, et valideront la vente des certificats MACF aux importateurs, qui doivent déclarer lesdites marchandises importées des pays tiers (quantité, émissions carbone, certificats MACF acquis au préalable…) au cours de l’année précédente, au plus tard le 31 mai de chaque année. La période transitoire s’étendant de 2023 et 2025 consister à déployer ces démarches. Une fois opérationnel en 2026, le régime du MACF imposera aux industriels importateurs européens l’achat de ces certificats. L’obligation doit inciter ces derniers, comme les producteurs hors-UE de verdir leurs produits.
En parallèle, à partir 2026 également, la révision du SEQE de l’UE amorcera une suppression progressive des quotas gratuits pour les secteurs couverts par le MACF. A savoir que ces recettes tirées des échanges de quotas permettront de financer le Fonds social pour le climat. Comme le mentionne un document de la Commission européenne, il peut s’agir d’un budget non négligeable à investir dans la rénovation ou le chauffage chez les foyers européens.
Le SFIC encourage un coup d'accélérateur du MACF
Dès le début, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières s’appliquera dans un premier temps aux marchandises présentant « un risque élevé de fuite de carbone ». Par conséquent, diverses industries sont concernées : le fer et l'acier, l’aluminium, l’électricité, les engrais ainsi que le ciment.
Il faut dire que la filière ciment est fortement impliquée dans la décarbonation de la matière. En témoignent la récente feuille de route publiée en octobre par les représentants mondiaux du secteur, ainsi que le récent projet européen afin de remplacer le clinker par des argiles.
Le Syndicat Français de l’Industrie Cimentière (SFIC), qui regroupe la quasi-totalité des fabricants de liants hydrauliques (ciments, chaux hydrauliques et liants routiers) n’a donc pas manqué de saluer ce mardi 28 juin le Parlement européen pour l’adoption de ces nouveaux textes.
L’organisation professionnelle cite même Koen Coppenholle, directeur de CEMBUREAU, l’association européenne du ciment, pour qui ce cadre réglementaire inclut tant d’améliorations : « le renforcement du MACF, l'inclusion des émissions indirectes, la nécessité d'une solution d'exportation forte pour les secteurs [MACF], l'inclusion de l'incinération des déchets dans le SEQE et le soutien aux technologies de rupture-clés », précise l’intéressé.
« Nous regrettons toutefois que le compromis obtenu suggère de retarder d'un an la mise en œuvre du [MACF], à un moment où les importations de ciment de l'UE connaissent une croissance exponentielle », contre-t-il cependant.
Constat partagé par le SFIC, qui relève une augmentation significative des importations de clinker, bien que « les importations de ciment en France restent relativement stables et sont essentiellement d’origine européenne ».
« L’augmentation forte des prix du carbone de ces dernières années s’est traduite par une multiplication par 3 des importations de clinker depuis 2019, importations qui deviennent significatives puisqu‘en 2021, les importations de clinker de pays extra-européens, donc non soumises à des contraintes prix sur le carbone, ont représenté l’équivalent de 10 % de la production de clinker de la France », rapporte le syndicat.
D’où l'intérêt selon le représentant des industries françaises du ciment – qui remploie 4500 personnes et génère 2 milliards de chiffres d’affaires annuel -, d’accélérer la mise en œuvre du MACF. Cela favoriserait plus rapidement les projets liés à la décarbonation du ciment, comme ceux liés au captage du carbone, de stockage et de valorisation (CSCV). Le SFIC espère que cela fera l’objet de discussions dans les prochains mois entre le Conseil, la Commission et le Parlement, consistant à concrétiser l’adoption des textes du Paquet climat.
Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock