Green Deal Européen : Comment rendre les bâtiments plus performants ?
Il y a quelques jours, nous avons assisté à un webinaire consacré au Green Deal Européen. A cette occasion, sept intervenants ont partagé leur vision d’une Europe plus durable, et d’un secteur de la construction décarboné. Une transition qui va demander des efforts et obliger les États membres à repenser leur modèle économique et à trouver des leviers pour accompagner le mouvement. Le bâtiment est l’un des secteurs clés pour faire de l’Europe, une région plus sobre. Rappelons que les bâtiments sont responsables d’environ 40% de la consommation d’énergie de l’Union, et de 36% des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, seul 1% du parc immobilier est rénové chaque année. Pour accélérer les travaux engagés, la Commission européenne a détaillé, en octobre dernier, sa stratégie pour une vague de rénovations. L’objectif, 35 millions de bâtiments rénovés d’ici à 2030 et jusqu’à 160 000 emplois verts supplémentaires créés. Et bien sûr, la neutralité carbone à horizon 2050.
Différentes approches pour atteindre un même objectif
« Nous avons un objectif clair » et « différentes approches » pour y parvenir, a souligné Jan Rosenow, Directeur des programmes européens de l’ONG « The Regulatory Assistance Project ». « Chauffer nos bâtiments est extrêmement émetteur de carbone », bien plus émetteur que les centrales à charbon en fonctionnement en Europe. L’objectif « est immense » mais des solutions existent, en renforçant par exemple la transition vers des énergies moins carbonées, électriques notamment, a-t-il estimé. Ou en s’appuyant sur des systèmes intelligents qui permettent une meilleure gestion des bâtiments et d’intégrer les énergies renouvelables. Les bâtiments doivent être « interconnectés au réseau », et les réglementations doivent évoluer en intégrant des normes minimales pour les logements, a-t-il insisté.
Récupérer la chaleur perdue
Matthias Kersken,Chercheur associé à l'Institut Fraunhofer de physique du bâtiment, a évoqué la perte de chaleur dans les logements, une déperdition d’énergie qui se fait principalement par l’enveloppe (toiture, mur, sol) et par la ventilation lorsqu’on renouvelle l’air. « Les systèmes de chauffage doivent apporter la même chaleur qui est perdue par le bâti ». Comment retenir l’énergie ? Il a évoqué trois mécanismes « qui ne sont pas corrélés » : l’isolation du bâti « dont l’impact est important mais qui reste cher » ; le déploiement d’une ventilation mécanique avec récupération de chaleur ; et la réduction de la température intérieure en ne chauffant que lorsque le logement est occupé. Les logements équipés de pompes à chaleur et autres systèmes électriques alternatifs peuvent se révéler performants et permettre une coupure du chauffage pendant plusieurs heures voire plusieurs jours, ce qui évite les pics de consommation, contribue à la stabilisation du réseau et à l'inclusion des énergies renouvelables.
Inciter les consommateurs à rénover leur système de chauffage
Thomas Nowak, Secrétaire général de l'Association européenne des pompes à chaleur, a confirmé l’engouement des ménages pour les PAC. On compte à ce jour entre 155 et 120 millions de logements en Europe. 10% d’entre eux (14,8 millions) sont équipés d’une pompe à chaleur. La production de PAC s’élève elle à 1,6 million d'unités par an. C’est un marché « qui se développe très bien ». Selon les objectifs du Green Deal, d’ici à 2030, « nous aurons 4 fois plus de PAC qu’aujourd’hui (entre 48 et 57 millions). Cela signifie qu’il faut faire croître le marché de 19%. L’industrie est prête à fournir des unités à la qualité requise », a-t-il assuré.
Les bâtiments sont-ils tous prêts à accueillir des PAC ? 20% sont prêts, à savoir les bâtiments neufs, 40% nécessiteraient peu ou pas de rénovations, et 40% pourraient accueillir des systèmes à haute performance. Comment accélérer les travaux ? En incitant financièrement les ménages pour qu’ils investissent dans des pompes à chaleur, en faisant évoluer les réglementations (taxe carbone notamment), et en rendant les solutions nouvelles accessibles pour créer plus de confiance auprès des utilisateurs.
La vague de rénovation, une stratégie « gagnant-gagnant »
Yosr Melki, Directrice Marketing et Communication - Knauf Insulation Western Europe, a parlé isolation, un geste qui permet non seulement d’améliorer l’efficacité énergétique mais aussi d’optimiser d’autres solutions comme les systèmes de contrôles, de gestion et suivi qui rendent les bâtiments « plus sûrs et plus confortables ». A ce jour, 75% des bâtiments ne sont pas efficaces énergétiquement. « Un niveau d’isolation assez élevé peut multiplier le temps pendant lequel la température du bâtiment reste confortable une fois le chauffage éteint (…), réduire considérablement la consommation d’énergie » (jusqu’à 80%), et contribuer au déploiement « de systèmes intelligents, flexibles et renouvelables », a-t-elle ajouté. Elle a appelé les particuliers à se faire construire des maisons passives. Pour le stock existant, il est indispensable de passer d’une logique de travaux isolés à des rénovations globales.
« Pour chaque 1% d’économie d’énergie supplémentaire d’ici 2030, les importations de gaz pour l’Europe baisseront de 4%, les émissions de GES diminueront de 0,7% », et des emplois seront créés (+ 336 000).
Apporter de l’innovation dans le bâtiment
Christian Deilmann, co-fondateur et directeur développement-produits chez tado°, est venu parler des tendances du chauffage et de la climatisation, qui représentent 50% de la consommation énergétique annuelle de l’UE. tado° apporte de la data pour améliorer l’efficacité énergétique. La société estime en effet que le chauffage et le refroidissement doivent être « connectés » et faire partie intégrante des futurs réseaux « flexibles et intelligents ».
tado° compte à ce jour plus d’un million de thermostats intelligents installés qui permettent une gestion optimisée des équipements, à un coût maîtrisé. Les résultats sur la performance du bâti dépendent bien sûr de la typologie du bâti, et aussi des comportements des occupants. Mais on estime à 22% les économies de chauffage réalisées par les ménages, pour une réduction de CO2 de 466 000 tonnes depuis 2013.
Produire et échanger son énergie
Réduire sa facture peut également passer par « l'autoproduction » de son énergie. C’est la promesse de Sonnen. L’entreprise commercialise une batterie solaire qui permet aux particuliers équipés de panneaux photovoltaïques de stocker leur électricité afin de l’utiliser ultérieurement, et d’être ainsi indépendant du réseau électrique national. Ces « centrales électriques virtuelles » peuvent également permettre à d’autres personnes de se fournir en énergie, ou encore de stabiliser le réseau. « L'avenir du système énergétique va être décentralisé, décarbonisé, numérique, et bien sûr interconnecté », a avancé Jean-Baptiste Cornefert,Directeur général de Sonnen eServices.
Des effets à court et long terme
Pour finaliser la visio-conférence, la parole a été donnée à Jon Stenning,Directeur associé à Cambridge Econometrics. « Le Green Deal vise à réduire les exigences que l’économie impose sur l’environnement » en investissant dans des nouvelles technologies ou encore en soutenant l’industrie. Il conduit à des changements de paradigme qui peuvent peser sur les filières qui devront se réorganiser. Mais ces transitions peuvent aussi créer des opportunités nouvelles et de l’emploi avec l’émergence de nouveaux métiers.
Bien sûr, ces évolutions peuvent signifier une hausse des coûts pour le consommateur et les entreprises, mais la relance verte est indispensable. Les dépenses réalisées aujourd’hui seront bénéfiques sur le long terme en matière de diminution des émissions de gaz à effet de serre, de réduction des factures énergétiques et d’indépendance énergétique, a-t-il conclu.
Rose Colombel
Photo de une : ©Adobe Stock