Énergie solaire : vers une massification dans le non-résidentiel ?
Les énergies renouvelables (EnR) sont particulièrement mises en lumière ces derniers temps, entre crise énergétique et nécessité d’accélérer la production de ces ressources. En témoigne l’examen du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, qui se poursuit à l’Assemblée nationale et fait la part belle au solaire. Il faut dire que cette énergie ne fait qu’éclore ces derniers mois, voire dernières années, des gares au littoral, en passant par d'autres terrains.
Une évolution sur laquelle s’est penchée Dome Solar, filiale du groupe Kingspan Bacacier, spécialisée dans les fixations de panneaux photovoltaïques, pour moyennes et grandes toitures. En croisant les données d’installations récoltées auprès de ses clients poseurs et celles de l’Open Data Réseaux-Énergies (ODRE), le fabricant a produit fin avril une cartographie du photovoltaïque en France. Si toutes les régions notent de fortes hausses de ces installations entre 2020 et 2021, la Nouvelle-Aquitaine domine toujours en termes de densité, suivie des régions Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne Rhône-Alpes, ainsi que Grand-Est.
Le classement est peu surprenant, distinguant les zones plus exposées à l’ensoleillement. Autre observation de la cartographie : les bâtiments agricoles demeurent les premiers adeptes de l’installation photovoltaïque. Un constat encore une fois sans surprise, car un hangar agricole présente des avantages : plus d’espace mais également de la rentabilité pour les agriculteurs investisseurs. « Pour les clients installateurs ou tiers-investisseurs, il est rapide et moins coûteux d’installer cela sur des bâtiments agricoles plutôt que sur des bâtiments tertiaires ou industriels, qui demandent plus de temps et des coûts plus importants, mais également des contraintes plus fortes », complète Jean-Philippe Leray, président de Dome Solar.
Des contraintes techniques à l’installation du photovoltaïque
Des contraintes venant freiner l’investissement des maîtres d’ouvrage et maîtres d’oeuvre des bâtiments non-résidentiels (tertiaire, industriel, commercial), voire résidentiels, pourtant réputés énergivores. « Un bâtiment tertiaire a des contraintes en termes de construction. Jusqu’à aujourd’hui, beaucoup d’architectes voyaient le solaire comme une contrainte et non comme une opportunité », expose le président de Dome Solar.
Toutefois, les nouvelles réglementations de la loi Climat et Résilience impose, depuis le 1er janvier dernier et lors de la construction de bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2, de la végétalisation et des panneaux photovoltaïques. Une obligation qui s’appliquera à toutes les toitures de plus de 500 m2 en janvier 2024.
Des caractéristiques faciles à anticiper à la conception d’un bâtiment. Mais, lorsqu’il s’agit de rénovation et de réhabilitation d’un bâtiment, le problème semble sans fin. « Effectivement, c’est rajouter du poids sur un ouvrage et donc des contraintes », nous confirme Jean-Philippe Leray.
« Sur les toitures plates, on se rend compte que 9 sur 10 ne sont pas adaptées à recevoir du photovoltaïque », nous rapporte-t-il. Et au-delà du renforcement de charpente, l’investisseur doit prendre en compte l’isolant et le bac en sous-toiture - susceptibles de ne pas supporter la charge - ou la membrane qui recouvre la toiture - n’acceptant pas forcément le poinçonnage.
La loi Climat et Résilience, un catalyseur pour le solaire ?
Mais la loi Climat et Résilience encourage le développement du solaire dans le tertiaire. En particulier la publication d’un décret en octobre 2021, cherchant à simplifier les démarches liées aux demandes de raccordement. Aussi, il a permis d’assouplir les conditions d’usage de l’énergie solaire stockée par les panneaux.
Jean Philippe Leray explique : « Vous aviez l’obligation de tout revendre ou faire de l’autoconsommation totale, ce qui depuis a changé. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, vous pouvez faire de l’auto-consommation avec vente de surplus. Et ça, ça libère les énergies ». Ainsi, de l'électricité d'origine renouvelable produite à Nice sera réinjectée dans le réseau pour une consommation dans les alentours. De quoi convaincre davantage d’investisseurs, maîtres d’ouvrage comme maîtres d’oeuvre, à se mettre au photovoltaïque, compte tenu de la plus-value.
À tel point qu’« aujourd’hui, il n’y a plus un bâtiment qui sort de terre sans qu’il y ait une réflexion autour du solaire. Les maîtrises d’ouvrage et maîtrises d’oeuvre sont de mieux en mieux formées à ces questions-là. Nous voyons vraiment le changement en ce moment : pour le propriétaire foncier ou du bâtiment, c’est devenu une valorisation de patrimoine », souligne le président de Dome Solar.
Mais selon lui, le solaire montrait déjà des signaux positifs avant le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables et la loi Climat et Résilience. La législation a cependant été un catalyseur.
Un manque de poseurs qualifiés à déplorer
« Là, où peut-être on a des freins, c’est en termes assurantiels. Il faut que les assureurs acceptent d’assurer les centrales photovoltaïques et les installateurs photovoltaïques », nous confie Jean-Philippe Leray, poursuivant : « C’est vrai qu’aujourd’hui, on a des assureurs qui sont encore sous la réflexion des risques ; qu’ils ont dû supporter durant les années 2010 (…), où ils avaient encore des mauvais souvenirs ».
En effet, à cette période, le solaire était une filière en perte de vitesse, causée notamment par des baisses régulières du tarif de rachat de l’électricité. De quoi impacter la maturité des professionnels dans le secteur.
« Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, nous avons des professionnels qui sont installés depuis de nombreuses années, qui ont des centaines de bâtiments réalisés, et dans lesquels tout se passe bien. Et ensuite nous avons des tarifications adaptées, nous avons du recul », observe le président de Dome Solar.
Ce qu’il manque toutefois, c’est la main d’oeuvre d’électriciens et poseurs en photovoltaïque. « Il y a une vraie tension sur ce métier-là, comme malheureusement dans beaucoup de métiers. Il y a des écoles de formations qui se mettent place. Il y a une dynamique positive et intéressante. Par contre, il ne faut pas oublier qu’il faut du temps pour former un électricien, qu’il faut du temps pour former un poseur photovoltaïque. Et derrière il faut que quelqu’un soit à même de former », commente Jean-Philippe Leray.
Et la main d’oeuvre qualifiée doit se coupler à des produits certifiés. Un domaine dans laquelle la R&D de Dome Solar intervient. « Nous passons énormément de temps dans nos certifications, à les faire évoluer, à les mettre sous techniques courantes, pour que les ouvrages se fassent dans des conditions décennales et de la meilleure manière possible », nous assure son dirigeant. La filiale du groupe Kingspan Bacacier a également investi, à Rezé (44), dans une ligne de production de fixations pour ombrières à parking. De quoi diversifier son offre pour le tertiaire et par extension dans le non-résidentiel, qui se limitait aux toitures inclinées et toitures-terrasses.
> Découvrez notre nouveau magazine Batiweb
Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : LinkedIn - Jean-Philippe Leray