Décarbonation des chantiers : les véhicules et autres engins donnent du fil à retordre
La construction n’est pas le seul facteur impactant l’empreinte carbone d’un chantier. Les véhicules utilitaires, les camions de livraison et équipements utilisés ont eux aussi leur part de responsabilité dans les émissions de CO2. Tel est le constat fait lors du dernier Rendez-vous du Mondial du Bâtiment, le 2 juillet dernier. Centrée sur la décarbonation des chantiers, la table ronde a recueilli l’intervention de quatre experts ayant débattu sur les résultats d'un sondage réalisé en juin 2021.
Selon les résultats de ce sondage, un long chemin reste à parcourir pour parvenir à des engins de chantier moins émissifs, alors que 80,2 % des répondants possèdent un véhicule professionnel fonctionnant au diesel. Ils sont seulement 32 % à avoir manipulé un matériel à énergie alternative, dont 23,3 % à énergie électrique et 8,7 % à énergie hybride. A l’opposé, 68,6 % n’ont jamais recouru à ces alternatives.
Un fonctionnement au diesel long à remplacer
« Passer à l’électricité́ ou à l’hydrogène de carboné permettrait de diviser par un facteur entre 3 et 10 l’empreinte carbone de l’utilisation des matériels », affirme Hugues-Marie Aulanier, manager Strategy et practice Leader de Carbone 4.
Alors à quoi est dû ce manque de représentation des énergies vertes ? Pour Hervé Rebollo, délégué général de DLR, le facteur financier est à prendre en compte : « La vente et la location de matériel en France représente 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 50 000 salariés et 2 200 entreprises. Parmi ces dernières, 60 % sont des TPE employant de 10 à 15 salariés. Pour ces entreprises, investir dans un nouveau matériel est trop coûteux, surtout actuellement en pleine sortie de crise », souligne-t-il.
Au-delà d’un problème de coût, Julien Chalet, directeur de l’action collective chez Evolis, évoque également un retard du matériel électrique sur les chantiers. « Les constructeurs sont aussi confrontés à des problématiques de normes, de règlementations et de certifications. Un autre paramètre est à prendre en compte : pour utiliser du matériel électrique, il faut que le chantier soit électrifié », précise-t-il.
Vers une énergie verte totale ou un mix des solutions ?
Dans un secteur où tout fonctionne actuellement au diesel, miser sur une autre énergie présenterait des défis en termes d’autonomie du matériel, de recharge et de fourniture énergétique… Sans compter la prouesse technique qu’impliquerait cette transition totale, c’est-à-dire une centaine de milliers de matériel à remplacer, et cela ne se fera que sur le long terme.
Quelle serait donc la meilleure solution ? Un mix énergétique ? « Il n’y a pas une solution meilleure qu’une autre mais plutôt un besoin d’utiliser les meilleures énergies selon les usages. (…) L’électricité́ à déjà̀ fait ses preuves sur les véhicules particuliers. En ce qui concerne les biocarburants, nous savons que l’offre disponible est inférieure à la demande potentielle et que tous ne se valent pas », explique Hugues-Marie Aulanier.
Un point sur lequel les intervenants s’accordent dans ce défi, c’est le besoin de techniciens formés et qualifiés, plus précisément de 1 500 par an, alors que seulement 800 sont recrutés. « Il y a un véritable travail à faire sur la sensibilisation des plus jeunes à ces métiers », estime Hervé Rebollo.
Plus qu’un problème de recrutement, la décarbonation des chantiers nécessite davantage « de concertation et d’harmonisation pour mener à bien ces changements. En tant qu’entreprise, nous manquons d’accompagnement et d’informations précises », estime de son côté Catherine Guerniou, cheffe de file RSE au sein de la FFB Ile de France.
Virginie Kroun
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