Comment installer la PAC en logement collectif ?
Ce mercredi 12 avril se tenait la première Matinale de la PAC, organisée par l’Association française des pompes à chaleur (AFPAC). Un nouvel événement consacré à cette filière du génie climatique et qui s’ouvre avec une table ronde. Le sujet : la place de la PAC dans les ambitions de décarbonation de la France, guidés par l’objectif neutralité carbone d’ici 2050.
« On partait de relativement haut dans les années 1990, on avait 93 millions de tonnes d’émissions. L’objectif c’est d’être quasiment à zéro en 2050 et on en est à l’heure actuelle à 64 millions de tonnes », rappelle Olivier David, chef du service du Climat et de l’Efficacité Énergétique à la direction générale de l'Énergie et du Climat (DGEC). « Tout le chemin qu’on a parcouru entre 1990 et maintenant, il va falloir le faire dans les six-sept années qui viennent », poursuit-il.
Car l’objectif européen de réduire de 40 % les émissions de CO2 entre 1990 et 2030 a été revu à -55 %, avec par exemple en France l’enjeu de sobriété énergétique, l’interdiction progressive des installations de chaudières fioul neuves ou le verdissement du gaz naturel. « On voit que la pompe à chaleur a un rôle extrêmement important à jouer dans toutes ses formes : pompe à chaleur géothermique, pompe à chaleur Air/Eau, la PAC hybride, la PAC Air/Air…», défend aussi Olivier David.
Une prudence sur le choix d’équipement et le dimensionnement de la PAC
Mais la PAC est-elle cohérente dans les logements collectifs, souvent connectés à du chauffage gaz, qu’il soit individuel ou collectif ? Quels enjeux se cachent derrière un tel déploiement ?
Pour les experts intervenus à la première table ronde la Matinale de la PAC, ce type de bâti semble pertinent, mais il convient d’être prudent, tant du point de vue équipement que dimensionnement, notamment dans la rénovation.
« Il y a moins de technologies que sur les PAC individuelles. Et donc il faut mieux connaître les segments de marché », commente notamment David Marchal, directeur exécutif adjoint de l’expertise et des programmes de l’Agence de la Transition écologique (Ademe). « Dans le logement collectif, on doit se demander à quelles énergies on se substitue. Ce n’est pas la même chose de se substituer à une chaudière en pied d’immeuble avec beaucoup d’eau chaude ou à des chauffages individuels au gaz dans lesquels on peut avoir des difficultés d’eau chaude ou d’encombrement », abonde l’intéressé.
La rénovation de l’enveloppe, un point à ne pas négliger
David Marchal évoque également une étude de l’Ademe menée en 2022 afin de lister les scenarii possibles pour atteindre la neutralité carbone en 2050. « Dans trois scenarii sur quatre, 90 % des logements ont été rénovés en 2050, par rapport à aujourd’hui. On voit l’ampleur et le besoin de rénovation très importants d’ici 2050, sachant qu’au moins 75 % du logement en 2050 est déjà existant aujourd’hui », évoque l’expert de l’Ademe.
« Le sujet principal c’est la rénovation de l’enveloppe, par rapport aux températures du fluide dans les tuyaux. Si on a un logement pas isolé, on va avoir en général des émetteurs de faible dimension avec une eau à 75°C. Et dans ces conditions-là, la PAC entre dans des domaines de performance qui sont moins bons », expose-t-il en exemple.
Autre question abordée : le choix de l’hybridation de chaufferies, surtout quand les copropriétaires ont récemment renouvelé les installations de chauffage ou sont en train de rembourser les travaux. « Sur le principe, il n’y a pas d’opposition. Un réseau de chaleur est toujours hybride, c’est extrêmement rare de voir un réseau de chaleur qui n’a qu’un seul moyen de production », encourage David Marchal, pour qui ce type de solution tend à réduire la part de gaz ou évite les erreurs de dimensionnement.
Mettre le paquet sur la PAC géothermique
Est évoqué également l’intérêt de la PAC géothermique, solution peu exploitée mais qui fait l’objet de soutiens du fonds chaleur de l’Ademe pour les collectivités et entreprises, mais aussi d’un plan d’action géothermie mis en place par le gouvernement.
« Un focus va être fait dans le tertiaire, parce que c’est un domaine d’utilisation de chaud et de froid, où la PAC géothermie va avoir tout son intérêt. Dans des niveaux de température de chauffage faibles, une PAC géothermique peut avoir des cotes deux fois supérieurs à une PAC aéorthermique », développe David Marchal.
« Néanmoins depuis un an, on a ouvert le fonds chaleur aux pompes à chaleur aérothermiques également dans des conditions assez restrictives, les conditions d’instrumentation et non-concurrence avec les PAC géothermiques, en privilégiant les zones oranges/rouges où on ne peut pas faire de géothermie », précise cependant l’expert de l’Ademe.
Des retours d’expérience à tirer de la construction neuve
« Je pense qu’il y a aussi un enjeu pour la filière, qui est le neuf. On a construit une RE2020, une réglementation sur les bâtiments neufs qui préfigure le monde qu’on imagine en 2050. Un monde de neutralité carbone, dans lequel la PAC va avoir un rôle à jouer dans le bâtiment neuf collectif », complète Olivier David.
« C’est important pour avoir des bâtiments neufs performants. Mais ça permettra aussi de tester tout une série de solutions dans le neuf, là où c’est plus facile à installer pour qu'ensuite, ces solutions du neuf puissent ensuite irriguer des solutions innovantes, irriguer l’installation de PAC en logement collectif en rénovation », justifie le chef du service du Climat et de l’Efficacité Énergétique à la direction générale de l'Énergie et du Climat (DGEC).
Rénovation stimulée par les importantes aides consacrées aux pompes à chaleurs, qu’il s’agisse de MaPrimeRénov’, les CEE ou les coups de pouce. Mais la contribution des pouvoirs publics ne se limitent pas au financier, elle s’illustre dans des études « pour mieux comprendre, mieux caractériser les pompes à chaleur. On a une étude qui est en cours avec RTE et Enedis sur l’impact des pompes à chaleur sur le réseau électrique, que ce soit le passage de la pointe mais aussi comment on adapte le réseau de distribution au développement des pompes à chaleur », mentionne Olivier David.
Une filière industrielle à développer
Mais s’il y a bien une attente unanime du côté de l’Ademe ou de la DGEC, « c’est la qualité des installations, en termes de traitement de bruit, de dimensionnement de pompes chaleurs, qualité d’installation - ne pas installer des pompes à chaleur dans des passoires thermiques », souligne Olivier David. Et cela se traduit selon lui par un développement de la souveraineté industrielle française en la matière, en collaboration avec les fabricants de l’AFPAC.
Pour David Marchal, cela implique une évolution du métier de chauffagiste. « Installer une PAC ce n’est pas la même chose qu’installer une chaudière gaz. On a un changement de technologies et une structure de l’offre qui va vers la rénovation globale », affirme le directeur exécutif adjoint de l’expertise et des programmes de l’Ademe. D’autant qu’avec le déploiement de France Rénov’ ou de Mon Accompagnateur Rénov’, « le chauffagiste change un peu de costume. Il faut travailler en équipe et ne plus travailler tout seul et être dans une posture globale de rénovation », ajoute l’intéressé.
Virginie Kroun
Photo de Une : V.K