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Chauffage : le gaz a-t-il encore sa place ?

Publié le 15 octobre 2021

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Alors que les nouvelles réglementations font la part belle aux énergies décarbonées, les solutions de chauffage poursuivent leur verdissement, y compris certaines sources d’énergies fossiles telles que le gaz. Est-il encore une ressource viable ? Quels enjeux et acteurs entourent sa préservation ? Focus.
Chauffage : le gaz a-t-il encore sa place ? - Batiweb

Encore aujourd’hui, le chauffage gaz continue d’être l’un des vilains petits canards des solutions thermiques, aux côtés de celles recourant au fioul, au charbon et autres énergies fossiles.  Les mesures gouvernementales et législatives cherchent toujours à les contraindre, notamment la loi Climat et Résilience et la RE2020, discriminantes envers la filière, d’après Coénove. L'association reproche aux pouvoirs publics de privilégier les solutions électriques à des ressources certes carbonées, mais capables d’être régulées par de nouveaux équipements. 

De nouvelles technologies contribuant à la régulation du gaz


Parmi les premiers appareils régulant la consommation de gaz, on pense évidemment à la chaudière à condensation ou très haute performance énergétique (THPE), arrivée sur le marché français dès les années 80. Sa capacité à récupérer la chaleur contenue dans les produits de combustion, pour stocker un surplus d’énergie à partir de celle-ci, fait d’elle une solution appréciée. Pour preuve, 510 000 chaudières THPE gaz et fioul ont été vendues en 2020, selon des chiffres d’Uniclima.

Des solutions hybrides se démarquent également sur le marché en combinant le gaz avec une technologie décarbonée. La pompe à chaleur (PAC) hybride, combinant la chaudière gaz et une PAC électrique, est par exemple dotée d’un système intelligent et automatisé, permettant une alternance des énergies, pratique lors des pointes hivernales. Régulant ainsi les besoins de chauffage, la PAC hybride permet des économies d’énergie allant jusqu’à 40 % par rapport à une ancienne chaudière. La combinaison chaudière à condensation et chauffe-eau solaire, repose sur ce même système d’osmose/alternance, le solaire couvrant de 40 à 70 % des besoins en eau chaude. 

Différente des solutions hybrides évoquées, la chaudière à condensation gaz connectée mise plus sur le digital afin de réguler, même à distance, la consommation de gaz. En plus de permettre entre 20 et 30 % d’économies par rapport à une ancienne chaudière, ce système intelligent envoie les données de l’appareil à l’entreprise chargé de l’entretien, afin d’anticiper, sans demande de l’utilisateur, des pannes éventuelles ou de réaliser un diagnostic à distance lors d’un incident. 

D’après Rémi Delcauld, chef de produits PAC Air-Air et PAC Air-Eau de Vaillant, des solutions, comme la PAC hybride, évitent le changement du réseau initial sur l’existant : « Parce que souvent, quand on installe une PAC d’assez grande puissance, on est obligé de changer son abonnement électrique pour du triphasé, donc ça implique une intervention d’un électricien auprès du particulier (…) En minimisant la puissance thermodynamique de la PAC, on peut se permettre de rester sur le format d’abonnement électrique monophasé », explique-t-il.

« Il y a même une adaptabilité au niveau du parcours de rénovation », ajoute Emmanuel Bavoux, responsable des pôles marchés de Gaz Réseau Distribution France (GRDF). « Aujourd’hui pour faire des économies d’énergie, il y a plein d’options qui s’imposent : l’isolation du logement, la modification du système de chauffage après il y a aussi tout ce qui est comportement de consommation. (…) Sauf que parfois on ne peut pas tout faire en même temps, (…) donc on va au plus pressé. »

Des solutions qui ne séduisent pas encore le grand public


Malgré l’enthousiasme d’industriels et organismes défendant ces récentes solutions de régulation, ces dernières ont du mal à se faire une place sur le marché du chauffage. Ainsi, on y compte au total 500 000 pièces gaz murales vendues, selon les sources de Bosch, tandis que les solutions hybrides, elles, restent un marché de niche. La PAC hybride en est un bon exemple, car toutes énergies confondues, ce type d’appareil rassemble 700 unités vendues par Daikin France en 2020, entre 4000 et 4500 par BDR Thermea France, 1000 pièces en moyenne par Vaillant. Des chiffres qui font un peu pâle figure face aux PAC classiques, dont les ventes peuvent atteindre des centaines de milliers de vente.

Comment expliquer ce faible succès ? Sûrement parce que le marché est récent : « Le marché de la rénovation en pompe à chaleur démarré en 2019. En plus, il y a eu l’année COVID-19, donc ça reste une technologie qui est méconnue », suppose Christophe Thébault, marketing development director du groupe Atlantic. 

Vient ensuite la question du coût. Il est vrai que le prix de la PAC hybride oscille entre 8000 à 12 000 € TTC pose incluse, tandis que ceux de la chaudière connectée et de la chaudière à condensation solaire vont respectivement de 3000 à 5000 € TTC et de 10 800 à 14 700 € TTC. Sans compter les coûts d’entretien annuels, qui, pour la chaudière connectée comme à condensation solaire, varient de 100 à 250 €. Toutefois, ces installations sont éligibles à des aides de l’État, comme le « CEE Coup de Pouce », MaPrimeRénov ou l’éco-prêt à taux 0%, la TVA réduit de 5,5%, toutes cumulables et permettant de financer de 40% à 90% de la PAC hybride, par exemple. 

En moyenne annuelle, la facture énergétique de l'électricité coûterait plus cher que le gaz naturel, ce qui peut expliquer l'attractivité de ce dernier - Source : GRDF

 

En moyenne annuelle, la facture énergétique de l'électricité coûterait plus cher que le gaz naturel, ce qui peut expliquer l'attractivité de ce dernier - Source : GRDF

Emmanuel Bavoux complète : « En ce qui concerne l’entretien, les choses ont aussi changé récemment puisqu’il y a une obligation d’entretien sur les systèmes de gaz comme sur la PAC, ce qui n’existait pas avant (…) L’entretien n’est pas une contrainte mais une opportunité ». L’enjeu réside également dans la qualité de l’appareil et de son installation, qui, d’après GRDF, ne prend pas plus d’une journée et ne nécessite l’intervention que de deux installateurs.

Un constat sur lequel reste dubitatif Jean-Pierre Hauet, président du comité économique et scientifique de l’association Équilibre des énergies, pour qui la solution hybride reste « forcément plus compliquée. D’autant qu’une pompe à chaleur est plus compliquée qu’une chaudière (…) Les installateurs ont tendance à promouvoir des solutions qu’ils maitrisent totalement et sont assez hésitants à se lancer dans des solutions plus complexes (…) » D’où la nécessité à ses yeux de contrôler les compétences des installateurs, que ce soit par la conformité à la RE2020 pour la construction neuve, que lors de l’attribution d’aides à la rénovation.

Il y a aussi la question du dimensionnement selon Marc Trela, directeur Marketing Produit de Bosch : « Aujourd’hui il y a des règlements très stricts et très clairs qui existent pour les dimensionnements des pompes à chaleur. Par contre, pour le dimensionnement optimal des hybrides, qui fait intervenir le prix des énergies, le coût du matériel, globalement il n’y a pas trop de ligne de conduite pour bien dimensionner ces appareils (…) » Afin de pallier ce problème, Uniclima et GRDF ont établi une liste de règles de dimensionnement et de bonnes pratiques, afin de standardiser ces installations en fonction du type de bâti.

Quels acteurs pour promouvoir ces nouvelles technologies ?


En réalisant ce travail de vérification, les pouvoirs publics garantissent la fiabilité des artisans impliqués et la pérennité d’énergies comme le gaz. D’ailleurs, plus spécifiquement, en favorisant l’hybride et la part gaz qu'il l’implique, les pouvoirs publics préservent « une partie de l’emploi français en capitalisant sur le savoir-faire français. Car beaucoup de la filière gaz emploient des personnes en France sur des chaînes de production française, tandis que pour ce qui est de la PAC, on a une vraie dominance asiatique dans les chaines de production », d’après Rémi Delclaud.

Le chef de produits PAC Air-Air et PAC Air-Eau de Vaillant estime le rôle des fabricants dans la promotion de ces solutions, par leur « pouvoir de présenter à la filière tout un portefeuille produit large qui permet aux acteurs professionnels de proposer le produit adéquat ses clients, en fonction de la configuration donnée de son installation, de son bâtiment et de ses besoins ». 

Les bureaux d’étude accompagnent également le mouvement, car « lors de l’étude, les besoins du bâtiment et le dimensionnement du système sont d’une importance capitale », ajoute Benoit Lecornu le responsable Marketing de Panasonic. Le négoce peut également prescrire les systèmes de régulation et d’hybridation auprès de sa clientèle professionnelle comme de particuliers. Sûrement est-ce pour cette raison que « la FNAS agit en tant que relais d’informations sur les intérêts de la pompe à chaleur hybride auprès de ses adhérents pour que les réseaux de grossistes puissent mettre en avant ces solutions » expose Jean-Pascal Chirat, vice-président de la FNAS en charge de la section thermique.

« Il est important aussi que les professionnels de l’immobilier connaissent ces solutions, qu’il s’agisse des notaires ou des agences immobilières, tous confrontés aux enjeux du nouveau diagnostic de performance énergétique (…) », appuie Emmanuel Bavoux. « Ils doivent être mieux avertis sur le fait que les solutions gaz permettent d’améliorer l’étiquette énergie, de faire des économies, et que les solutions gaz ne sont pas interdites, comme on a pu l’entendre sur les annonces fracassantes faites sur la RE2020, qui ne concernent que la maison neuve, parmi lesquelles 15 % sont concernées ».

L’intéressé insiste en outre sur la nécessité de sensibiliser les installateurs sur les atouts de ces technologies, de règles mises en œuvre et d’entretien. Un travail que GRDF a déjà bien engagé avec les syndicats professionnels et industriels des actions formation, stage et d’outils pédagogiques (mini-vidéos, infographies…) et le réseau n’est pas le seul. 

Au sein de la chaîne industrielle, les fabricants sont bien mobilisés en ce sens. Daikin promeut l’hybride à travers sa plateforme de sélection HSN et des ateliers, enseignant aux installateurs les bases techniques et commerciales de ces équipements. Chez le groupe Ariston, si les conseils techniques sont importants, ces derniers mettent un point d’honneur à intégrer les questions de dimensionnement, en mettant à disposition de la documentation et des outils dédiés.

Plateforme HSN d'Ariston - Crédit photo : Ariston

La plateforme HSN de Daikin met en avant les solutions hybrides de la marque - Crédit photo : Daikin

C’est le cas également d’Atlantic, dont le logiciel Progipac aide à dimensionner la PAC et tend à intégrer la PAC hybride dans son système. PAC dont De Dietrich accompagne aussi le dimensionnement à travers ses outils diemaPAC ou DiemaPV. « Nos 90 commerciaux, nos 30 attachés techniques, notre Hotline technique ainsi que notre cellule d’étude et chiffrage peuvent les aider à toutes les phases du projet », détaille Fabrice Soshany, directeur Marketing, Commercial et Services de la marque.

Le logiciel Projipac d'Atlantic - Crédit photo : Atlantic

Le logiciel Projipac accompagne l'installateur et son client dans le dimensionnement d'une PAC d'Atlantic - Crédits photo : Altantic

De son côté, l’Association des professionnels du gaz, surveille déjà habituellement la qualité des installations gaz à travers la mention Professionnel du gaz (AFPG), dite « PG ». L’organisme souhaite d’ailleurs aller plus loin à travers diverses formations, qui aboutissent à la délivrance de mentions d’expertise technique et commerciale de différents équipements : PAC hybride, chaudière THPE ou le gaz vert. « Nous voulons faire en sorte de jouer le match de gaz vert et faire la promotion du biopropane et bien sûr du biométhane, afin de valoriser les distributeurs qui l’intègrent dans 5 % à 100 % du secteur d’activité », soutient Romain Ruillard, directeur général HabitA+/PG de l'AFPG.

Le gaz vert, une énergie viable ?

Au 30 juin dernier, le Ministère de la Transition écologique dénombre 282 installations ayant injecté du biométhane produit et épuré dans les réseaux de gaz naturel. Un chiffre qui se serait élevé toutefois à 296 sites courant août dernier et pouvant potentiellement progresser car 1200 futurs sites sont en cours d’instruction pour être raccordés, selon GRDF.

Produite à partir de la fermentation des déchets agricoles, cette énergie comporte  « (…) de nombreuses vertus, ça crée de l’emploi, ça fait vivre l’agriculture et c’est une énergie qui est produite localement, inscrite dans un système d’économie circulaire et qui embarque d’autres acteurs que le monde énergétique comme l’agricole, les collectivités… », défend Emmanuel Bavoux, qui croit en la loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV), fixant un objectif de 10 % de gaz renouvelable dans les réseaux d’ici 2030. 

Avis que d’autres acteurs de la filières gaz partagent, comme l’AFPG. Son directeur général HabitA+/PG voit dans l’énergie une avancée majeur pour le gaz français : « Dans le futur, on ne sera plus importateurs, mais producteurs d’énergie. C’est majeur pour un pays qui n’avait pas de nappe fossile pour le coup, d’inverser la tendance ». 

La FNAS place, quant à elle, beaucoup d’espoir dans la capacité des pouvoirs publics à adapter le gaz vert aux contraintes environnementales et aux équipements thermiques existants. « La temporalité doit néanmoins rester raisonnable pour éviter des ruptures technologiques trop brutales et permettre aux évolutions technologiques performantes de se développer. Il est à noter que le marché du remplacement du parc existant reste restreint et est estimé à 3% par an en moyenne » nuance Jean-Pascal Chirat, vice-président de la FNAS en charge de la section thermique.

Côté biométhane, l’adaptation des équipements ne représenterait pas un défi, d’après des industriels comme Atlantic ou Bosch, notamment parce que le méthane est un gaz déjà exploité dans l’existant. Le problème réside dans d’autres formes de gaz verts tels que l’hydrogène. Difficulté de détection de flammes, soucis thermoacoustiques, incompatibilité avec certains matériaux… Les chaudières actuelles ne sont pas toutes parées face à cette énergie produite sous l’action de la vapeur et de la chaleur. 

Certaines marques emploient toutefois l’énergie dans leurs systèmes. C’est le cas de Bosch, dont les chaudières murales peuvent intégrer 20% d’hydrogène, en attendant que d’autres marchant à 100% fassent leurs preuves durant des essais en cours. Pour Marc Trela, directeur Marketing Produit du fabricant : « (…) l’enjeu c’est de préparer la suite avec des appareils qui auront la capacité d’être convertis, le jour où des réseaux 100% hydrogène seront prêts. »

Cependant, la confiance en la viabilité du gaz vert n’est pas unanime parmi les spécialistes de l’énergie, en particulier l’association Équilibre des énergies, se tournant davantage vers les solutions décarbonées. « On est favorable au gaz vert, dans la mesure où il est disponible et à coût acceptable. C’est là-dessus qu’il peut y avoir difficulté, car aujourd’hui le gaz provenant de la méthanisation a un coût de revient à peu près égal à cinq fois le prix du gaz naturel. Il y a aussi le problème de disponibilité. On est sceptiques sur des chiffres publiés, qui laissent croire qu’il y aura des possibilités de substitution du gaz naturel par le gaz renouvelable » développe Jean-Pierre Hauet, préconisant que le biogaz soit réservé là où il est indispensable, c’est-à-dire dans les transports poids lourd, les centrales thermiques de pointe ainsi que dans les solutions hybrides. 

Reste donc à découvrir le futur de verdissement du gaz. Une chose est sûre, le processus peut assurer les arrières de l’énergie et présente « une opportunité de conserver un réseau de distribution de gaz », argumente Rémi Delcauld. « Le jour où le biométhane, voire l’hydrogène, deviendra vraiment pérenne, l’hybride pourra jouer ce rôle de passerelle vers le gaz vert. »

Propos recueillis Virginie Kroun

Photo de Une : GRDF
 

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