La taxation des nitrates des agriculteurs enterrée
nitrates de l'agriculture intensive, des excédents d'azote polluant sols et
rivières, a été définitivement enterrée par le gouvernement après arbitrage
de l'Elysée.
"Le Premier ministre, confirmant la position du président de la République, a rendu son arbitrage: il n'y aura pas de nouvelle taxe prélevée sur les agriculteurs", avait annoncé M. Gaymard au journal.
Les nitrates proviennent de l'usage à haute dose des engrais chimiques et de pesticides ainsi que des lisiers. Ils polluent notamment les eaux bretonnes où la valeur-cible de 25 mg/l et la valeur-limite de 50 mg/l, fixées par la législation européenne, sont régulièrement dépassées. Les nitrates des lisiers sont visés par la "redevance élevage", qui ne touche que 1% des élevages et est jugée "peu efficace" par les experts du gouvernement.
L'idée était de revoir cette "redevance élevage" et de l'intégrer dans une redevance plus large, qui aurait frappé non seulement les élevages mais aussi les cultures intensives. Cette fiscalité élargie aurait permis de rééquilibrer la contribution financière des agriculteurs aux Agences de l'eau, les établissements publics qui gèrent les bassins fluviaux.
Actuellement, agriculteurs et éleveurs versent aux Agences quelque 17 millions d'euros par an, 12 pour une redevance sur leurs prélèvements d'eau d'irrigation et 5 pour la redevance élevage. Ils en reçoivent 150 millions d'euros par an pour des aides à la dépollution, soit pratiquement neuf fois plus.
Débattue depuis 1998, la "redevance azote" avait fait échouer le projet de loi sur l'eau des ministres de l'Environnement de Lionel Jospin, Dominique Voynet et Yves Cochet (Verts). Elle avait été reprise et refondue par leurs successeurs de droite, Roselyne Bachelot et Serge Lepeltier.
Présentant aux journalistes son avant-projet de loi sur l'eau le 22 juin, M. Lepeltier en avait défendu encore ardemment l'idée. Une nouvelle législation européenne impose un "bon état écologique" des eaux superficielles et souterraines d'ici 2015, avait-il rappelé. Dans ce cadre, avait-il souligné, les normes anti-pollution actuelles ont toutes chances d'être durcies alors que "les 3/4 des eaux de surface et 50% des eaux en profondeur ne sont pas conformes" aux valeurs-limites actuelles.
Dans son avant-projet, le ministre de l'Ecologie proposait ne "redevance sur les pollutions diffuses" composée de deux volets, l'actuelle taxe sur les produits phytosanitaires dont l'enveloppe serait maintenue à 40 millions d'euros par an et une redevance "azote" spécifique, qui ne serait plus payée seulement par les gros élevages mais aussi par les cultures intensives.
La redevance "pollutions diffuses" serait allée en totalité aux Agences de l'eau alors qu'aujourd'hui la taxe prélevée sur l'usage des phytosanitaires (pesticides) est affectée au budget de l'Etat.
L'accroissement de la pression fiscale sur les agriculteurs, catégorie politiquement sensible, a donc fait long feu. Deux jours après la conférence de presse de M. Lepeltier, son collègue de l'Agriculture sonnait déjà l'hallali. L'agriculture "n'est pas en mesure de supporter un prélèvement supplémentaire à un niveau qui la fragiliserait", avait martelé Hervé Gaymard devant le Congrès des Jeunes Agriculteurs.