(Point de vue) Le Japon en avance sur les smart grids
L’avancée du Japon dans le domaine des réseaux intelligents trouve son origine dans un certain nombre d’évidences. Historiquement et économiquement, la haute technologie est indissociable de la grandeur de ce pays. Contrairement à l’Europe, la question de la maîtrise de l’énergie intéresse les grands groupes industriels nationaux depuis de nombreuses années déjà, l’innovation faisant partie de leur ADN.
Par ailleurs, le Japon est soumis à des contraintes énergétiques bien plus fortes que d’autres pays industrialisés. S’il n’a pas l’apanage du manque de ressources naturelles sur son territoire, son paysage géographique très caractéristique le condamne à une forte dépendance énergétique, d’où la nécessité de trouver des solutions locales. Dans ce cadre, la rationalisation des énergies existantes devient plus qu’une simple opportunité, une véritable nécessité.
La technologie et les moeurs
Le réseau intelligent se pose ainsi de façon plus précise au Japon que dans le reste du monde. Le tremblement de terre et le tsunami survenus dans la région de Fukushima en 2011 n’ont fait que renforcer ces impératifs et accélérer encore le déploiement des technologies smart grids, même si la dynamique était déjà bien présente.
Enfin, la dimension sociologique participe à cet essor. Le rapport à la technologie est en effet bien plus naturel pour un Japonais que pour un Français, par exemple. Mieux admises, les applications smart grids sont donc plus faciles à faire adopter par la population, d’autant que le prix de rachat de l’énergie est parmi les plus avantageux du monde.
Impliquer la communauté
Si les smart grids sont l’outil technologique indispensable à la mise en place d’un réseau énergétique intelligent, les Japonais préfèrent user du terme « Smart Communities ». Celui-ci fait référence à la pleine intégration des utilisateurs finaux dans la démarche.
En effet, en plus de permettre le développement des énergies renouvelables, la gestion économe les ressources énergétiques et la stabilisation des réseaux électriques, les Smart Communities ont pour objectif de favoriser les modifications de comportement en s’adaptant à la réalité quotidienne des citoyens.
La technologie sert alors naturellement de support à l’adoption d’attitudes plus sobres en matière de consommation énergétique.
Tests grandeur nature
Les initiatives des industriels japonais en matière de Smart Communities portent en particulier sur la mesure des consommations en temps réel, avec l’arrivée des smart meters notamment, mais aussi de rampes multiprises capables de mesurer la consommation de chacun des appareils qui y sont branchés.
Parallèlement, la recherche IT se concentre sur l’optimisation des petites unités de production d’énergie, qui se développent massivement sur le territoire (piles à combustible, panneaux photovoltaïques sur les toits…).
Tous ces efforts sont soutenus et coordonnés à différents niveaux. Ainsi, le gouvernement japonais, au travers du METI et du NEDO, est particulièrement investi sur ce sujet. En avril 2010, le METI a ainsi annoncé le lancement de 4 projets de tests grandeur nature des réseaux smart grids sur 5 ans et dans 4 villes: Yokohama, Toyota, Kita-Kyushu et Kansai Science City.
Ils concernent environ 5000 foyers, entreprises et commerces avec pour principale ambition de dégager de bonnes pratiques en matière de Smart Communities: économie d’énergie dans les maisons, optimisation de l’intégration de systèmes photovoltaïques et de bornes de recharge pour véhicules électriques, mesure des consommations en temps réel… Collectivités locales et industriels multiplieront à cet effet les partenariats pour mener à bien ces expérimentations, sources d’informations précieuses pour le déploiement élargi de ces technologies.
Un partenariat sur Lyon Confluence
Parallèlement, le METI a lancé la « Japan Smart Community Alliance » (JSCA), qui regroupe près de 300 entreprises, universités et instituts de recherche japonais. Venus de différents horizons (électricité, électronique, gaz, automobile, logement, technologies informatiques…), ces acteurs échangent et débattent régulièrement sur les possibilités offertes par les smart grids.
Enfin, le NEDO a lancé 4 groupes de travail chargés de recueillir et de diffuser des informations sur les réseaux intelligents et de définir des normes internationales.
Conscient que le marché des smart grids ne pourra se développer que grâce à des coopérations internationales, le NEDO a d’ores et déjà amorcé des projets de Smart Communities dans plusieurs régions du monde : en France, à Lyon, mais aussi en Espagne, en Malaisie, en Indonésie, en Chine, à Hawaï et au Nouveau Mexique.
Ainsi, en décembre 2011, le Grand Lyon et le NEDO ont scellé un partenariat pour doter le quartier de la Confluence d’un projet démonstrateur de Smart Community unique en Europe. L’objectif : faire de ce site une référence exemplaire en matière d’efficience énergétique. Un projet que le NEDO finance à hauteur de 50 millions d’euros.
« Jouer collectif »
Cette expérimentation comprend plusieurs volets, dont la réalisation d’un ensemble de bâtiments à énergie positive ; la mise en service d’une flotte de véhicules électriques en auto-partage ; l’installation d’outils de suivi énergétique dans les logements ; la mise en place d’un système d’analyse des données liées à la consommation d’énergie de l’ensemble du démonstrateur.
Suite à l’appel public à projets lancé par le NEDO, les entreprises Toshiba et Toshiba Solutions ont été sélectionnées pour mener le consortium japonais dans le cadre de ce démonstrateur. Le partenariat stratégique entre plus de 30 institutions, grands groupes et startups innovantes constitue la clé de voûte de son succès. La période dite de « démonstration » devrait s’étendre jusqu’en 2016.
« Dans un contexte mondialisé, il est important de jouer collectif. Pour les industriels japonais impliqués dans les technologies smart grids, il est essentiel de mener des projets à l’extérieur de leur territoire, de se confronter à d’autres réalités et perspectives. L’expérimentation menée à Lyon Confluence illustre parfaitement l’initiative du NEDO, qui consiste à aller chercher et à développer ce type de réaménagement urbain en partenariat avec des instances publiques, des entreprises étrangères et japonaises », souligne Alain Kergoat, directeur marketing stratégique de Toshiba Systèmes France.
Alain Kergoat interviendra dans le cadre du Smart Grids Paris 2013 lors de la table ronde « Focus Japon », qui se tiendra le jeudi 6 juin à 9h30.
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