Louvres : quel avenir pour les silos à grains ?
La densification ou « l’intensification » des tissus urbains sont les maîtres mots de cette période pré-électorale. L’Atelier du Grand Paris s’est donné pour mission de favoriser la construction de 70 000 logements supplémentaires chaque année. Mais comment conduire le développement des tissus pavillonnaires des petites villes d’Île-de-France ? Quel est l’avenir du patrimoine industriel des communes qui assurent la logistique de Paris intra-muros ? Louvres et Puiseux-en-France se trouvent confrontés à une double problématique. Pour la première, Roland Castro et Sophie Denissof ont sobrement conçu un écoquartier qui ne bouscule pas les acquis de l’habitat individuel en organisant l’extension de l’urbanisation sur les franges nord de Puiseux-en-France. Pour la seconde, il ont envisagé la valorisation des silos à grains de Louvres dans le cadre de la requalification du quartier industriel de la gare du RER D.
Projet Atelier Compact Projet Chartier Corbasson Projet Des Clics et des Calques
Au cœur de cette nouvelle polarité, qui se dotera de commerces en rez-de-chaussée, d’habitations intermédiaires et collectives, les architectes-urbanistes espèrent apporter de la mixité et des espaces publics. Bref, « introduire de la variété dans la manière d’habiter et sortir du monofonctionnel », selon les termes de Sophie Denissof. En prenant pour exemple les projets précédemment élaborés par l’atelier, elle souhaite privilégier la « profondeur des cœurs d’îlots » et « un habitat qui dispose une pièce en plus » (terrasse, véranda…etc). Ce que Roland Castro résume comme « l’un et le commun » : « habiter chez soi avec des espaces qui ménagent le rapport à l’autre ».
Huit propositions
Pour la maîtrise d’œuvre urbaine, les silos à grains - qui fédèrent le territoire en s’élevant au-dessus des plaines céréalières du Val-d’Oise - sont amenés à structurer l’espace public du quartier de la gare. Mais, aussi légitime soit-il, l’objectif de reconversion de ces cathédrales de béton, rappelant la valeur du terroir, n’est pas des plus simples à atteindre. Si l’histoire récente compte de nombreux exemples réussis, comme la réhabilitation en salle de spectacle du silo marseillais du quartier d’Arenc, il n’en reste pas moins que le faible poids économique des 2 communes franciliennes ne favorise pas les projets de reconversion rapide du « monument » luparien dont la capacité de stockage est évaluée à 32 000 tonnes. Pressentant ces difficultés, Roland Castro et Sophie Denissof ont commencé par émettre l’hypothèse d’une transformation des tours de manutention des silos en immeubles de logements. En juin 2011, dans la continuité de cette première proposition, un appel à idées a été lancé sous l’égide de l’Etablissement Public d’Aménagement « Plaine de France » pour mieux apprécier tous les potentiels de reconversion. Huit équipes d’architectes ont planché sur la programmation et l’architecture des bâtiments avant de remettre leur copie à l’automne dernier.
Projet 5+1 Projet Projectiles Projet K Architectures
Presque sans surprise, les projets restituant l’image architecturale et l’esprit du programme originel ont retenu l’attention du jury et des habitants. Dans un style Art déco, l’équipe de MasKarade a dessiné un « Silorama » qui offre des activités ludiques, pédagogiques et commerciales autour de la filière des céréales. L’agence Des Clics et des Calques a proposé un « Big Benne » sur le thème du recyclage des objets et la production d’énergie. L’atelier 5+1 a choisi de conserver l’intégralité des bâtiments et proposé une médiathèque, des espaces dédiés aux activités sportives et des surfaces commerciales. Plus original, K Architectures s’est intéressé à un concept de data-center consacré au stockage de données sur la culture céréalière.
Projet Projet MasKarade Projet Stoffel Lefebvre
Alors quel avenir pour les silos de Louvres ? A ce jour, Hervé Dupont, directeur général de l’EPA « Plaine de France », n’exclut aucune piste : « Tout est envisageable, y compris la réalisation de quelques logements dans un programme mixte. Nous nous donnons jusqu’à la fin de l’année pour trouver les bons investisseurs et faire aboutir le projet », confie-t-il. Quoiqu’il advienne, la maîtrise d’ouvrage aura au moins eu le mérite de s’inscrire dans une démarche durable de programmation, imaginant construire l’avenir du territoire avec son patrimoine, là où d’aucuns auraient commencé par procéder à une démolition en règle avant de se poser la question sur ce qu’il était possible de faire.
Tristan Cuisinier