Le Sénateur Michel Dagbert réclame un « carnet de santé par ouvrage »
Selon un rapport d’information du Sénat dévoilé en juin dernier, au moins 25 000 ponts sont « en mauvais état structurel et posent des problèmes de sécurité et de disponibilité pour les usagers ». Une dégradation du patrimoine qui s’explique par le vieillissement des ouvrages et un « sous-investissement chronique » dans leur entretien.
Ses auteurs, Patrick Chaize et Michel Dagbert, y soulignaient que les communes et intercommunalités ne connaissaient pas toujours l’état de leurs ponts « voire parfois leur nombre », et ne disposaient pas des moyens financiers nécessaires pour en assurer la gestion.
Ils appelaient à la mise en place d’un « plan Marshall » (120 millions par an dès 2020 pour l’entretien de ces ouvrages d’art) et d’un fonds d’aides aux collectivités territoriales (130 millions d’euros par an pendant dix ans). Ils préconisaient aussi de sortir « d’une culture d’urgence » en améliorant la connaissance et le suivi des ponts et en investissant davantage dans les actions préventives, et d’apporter une offre d’ingénierie aux collectivités territoriales.
L’urgence d’agir
Alors qu’un pont vient de s’effondrer près de Toulouse, le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable au Sénat, Hervé Maurey, a déclaré à l’AFP, que l’événement « illustre malheureusement », les conclusions de la mission d’information sénatoriale. « Il y a une vraie dangerosité de l’état de nos ponts ». Pour M. Maurey, « un des problèmes est qu’aujourd’hui, on ne connaît pas l’état des ponts en France ». Ainsi, si le conseil départemental de Haute-Garonne assure que le pont « n’était pas répertorié comme un ouvrage sensible », le sénateur insiste : « On peut quand même s’interroger : si un pont qui n’était pas recensé comme dangereux s’est effondré, qu’en est-il des ponts qui eux sont clairement identifiés comme présentant un risque ? ».
Michel Dagbert (PS) a lui fait part de son « effroi ». « Ce qui fait froid dans le dos, c'est que ça vient confirmer ce qu'on avait pu connaître de par les auditions, les contributions », a-t-il indiqué à l'AFP. « L'actualité vient attester que la France a pris du retard, elle n'a pas une connaissance fine de ses infrastructures », a-t-il poursuivi exigeant la mise en place d’un « carnet de santé par ouvrage ».
Le Gouvernement se mobilise
M. Maurey soulève enfin un autre point. Pour lui, l’utilisation de plus en plus fréquente des GPS conduit « à une augmentation du trafic routier sur certains ouvrages d’art qui n’ont pas été conçus pour avoir autant de véhicules ou d’un gabarit aussi important ».
C’est là l’un des éléments actuellement étudiés : le pont, construit en 1930 et rénové en 2003, était interdit aux véhicules de plus de 19 tonnes. Au moment des faits, un camion et une voiture s’y trouvaient. Le convoi pesait plus de 50 tonnes, selon le procureur de Toulouse.
Deux enquêtes sont actuellement ouvertes, une judiciaire et une technique « qui va permettre de savoir si on a un problème de structure sur ce pont et s’il faut surveiller différemment les ponts de ce type ou tous les ponts », a précisé sur LCI, Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat au ministère de la Transition écologique, assurant que s’il fallait changer les choses, « on le fera ».
Se référant à l’installation sur les GPS des interdictions de passage sur les ponts, elle a déclaré « Si c’est un problème de signalisation et si c’est une bonne décision à prendre que de dire : on embarque ces données dans les GPS, cette décision sera prise rapidement ».
Pour ce qui est de l’entretien des ponts, le Gouvernement se dit « prêt à faire avec les communes, avec les collectivités, d’abord un inventaire pour voir exactement combien et où sont potentiellement les ponts qui nécessiteraient plus d’entretien, et ensuite regarder avec les collectivités (…) comment aider (celles) qui en auraient besoin. On aidera au cas par cas » et « on ne laissera aucune commune en difficulté sans solution ».
Selon elle, l’Etat a « significativement » augmenté les crédits pour entretenir les ponts qu’il gère en passant de « 70 millions d’euros par an jusqu’à présent » à « 129 millions d’euros à la fin de la loi sur les Mobilités ». « Il y a assez d’argent sur la table pour faire l’entretien ». « Ensuite il y a la question des ponts qui sont sous la responsabilité des collectivités. Les départements ont les moyens d’entretenir », et « il reste les ponts communaux sur lesquels on sait moins si (ils) sont en bon état, en mauvais état ».
R.C (avec AFP)
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