Le barrage de Sivens dans le Tarn, au coeur de la discorde
« Aucun engin n'a pu passer », a confirmé la gendarmerie à l'AFP. « Tout est figé ». Les alentours du site du futur barrage de Sivens dans le Tarn ressemblait ce lundi à un camp retranché. Les opposants - regroupés sous deux bannières, le Collectif du Testet et le Collectif Bouille – ainsi que la Confédération paysanne, n'en démordent pas. Ils demandent un moratoire ou un report du début des travaux pour ce projet sur la rivière de Tescou.
Le barrage, destiné à alimenter en eau les fermes situées à proximité, ferait disparaître un réservoir de biodiversité de 13 hectares. Ses adversaires s'émeuvent de la mort d'une zone humide qui abrite 94 espèces protégées, parmi lesquelles des lamproies du Planer, un vertébré primitif en forme d'anguille.
Soutenus par le député européen José Bové, ils dénoncent une vision dépassée de l'agriculture et ont entamé plusieurs actions pour protester : grève de la faim, blocage du site... Cinq personnes se sont même enterrées jusqu'à la taille sur le chemin d'accès au chantier empêchant la reprise des travaux de déboisement par les bulldozers, a indiqué Ben Lefetey, porte-parole du collectif de sauvetage de la zone humide du Testet.
Les opposants dénoncent également le coût global du projet estimé par le conseil général lui-même à 8,4 millions d'euros et les frais annuels de fonctionnement qu'ils évaluent à plus de 300 000 euros.
Vérification des conditions sur les retenues de substitution
Face à une situation qui s'envenime de jour en jour, la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal a demandé ce dimanche que soient vérifiées « les conditions que le ministère met sur les retenues de substitution ».
« Les instructions du ministère sont d'encourager les retenues de substitution à condition de ne pas encourager l'agriculture intensive », a-t-elle rappelé. « L'eau est un bien précieux et rare qui doit faciliter l'agriculture mais pas pour que certains pratiquent l'agriculture intensive dans des grandes exploitations en s'appropriant un investissement public », a-t-elle ajouté. Mme Royal a également appelé à ce que « le dialogue puisse se renouer avec les associations » et à voir si « on peut améliorer l'ouvrage et l'usage de l'ouvrage ».
L'emprise du projet
Répondant aux déclarations de Ségolène Royal, le président du Conseil général Thierry Carcenac (PS) a opposé une fin de non recevoir à tout moratoire, « rappelant que ce projet répond pleinement aux objectifs évoqués par Ségolène Royal ».
Le président du Conseil général du Tarn assure que le projet « permettra d'assurer de façon régulière un débit suffisant propice à la restauration qualitative des milieux actuellement dégradés par la faiblesse naturelle des écoulements estivaux ».
19,5 hectares seront reconstitués
La préfecture du Tarn a également insisté à plusieurs reprises sur le caractère selon elle « exemplaire » du projet en terme environnemental : 19,5 hectares de zones humides favorables aux espèces protégées recensées seront reconstituées en compensation des 13 hectares détruits.
Lançant un « appel au calme », Thierry Carcenac s'est déclaré « prêt à la discussion sur les mesures compensatoires et sur l'utilisation de l'eau », mais a demandé « un débat dans un lieu neutre, sans pression ».
La ministre de l'Ecologie a chargé ce lundi M. Philippe Quevremont, Ingénieur général des ponts, des eaux et forêts et M. Nicolas Forray, Inspecteur général de l’environnement, membres du Conseil général de l’environnement et du développement durable, d’une mission d’expertise permettant de s’assurer de la qualité et de l’ambition du projet de territoire et des mesures compensatoires visant à préserver la biodiversité du site, en accord avec le président du Conseil général du Tarn.
Dimanche, plus d'un millier d'opposants ont participé sur le site à un pique-nique citoyen, soit la plus importante mobilisation à ce jour. M. Carcenac s'est d'ailleurs dit « inquiet », indiquant qu'un arrêté avait été pris pour interdire de rentrer dans la forêt « où des pièges ont été installés ».
Le déboisement de la zone, préalable à la construction du barrage, a débuté le 1er septembre sous forte protection des gendarmes mobiles. Vendredi, la justice a autorisé l'expulsion de militants occupant l'une des parcelles de la forêt de Sivens.
C.T (avec AFP)
© Collectif pour la sauvegarde du Testet